La finance islamique: évolution et perspectives( Télécharger le fichier original )par Rachid SOULEIMANI Université Hassan II Casablanca Maroc - Licence fondamentale en sciences économique et gestion 2010 |
CHAPITRE 2 : FONCTIONNEMENT DU SYSTÈME FINANCIER ISLAMIQUELes techniques de financements islamiques ne datent pas d'aujourd'hui. Effectivement, elles sont inspirées de la vie du prophète Mohammed, de ses dires et de ses actes, et datent donc du 7ème siècle. Le système fonctionnait de manière plutôt efficace durant l'apogée de la civilisation musulmane et des siècles ultérieurs. Selon Udovitch, les modes de financement islamique (Mudarabah, Musharakah) pouvaient mobiliser l'ensemble du réservoir des ressources monétaires du monde médiéval musulman pour financer l'agriculture, l'artisanat, l'industrie et le commerce de la longue distance. Ces modes étaient utilisés non seulement par les musulmans mais également par les juifs et les chrétiens à telle enseigne que les prêts producteurs d'intérêt et autres pratiques excessivement usurières n'étaient pas d'une utilisation courante. Selon Goitein, une infraction à l'encontre de la loi juive, chrétienne et musulmane de l'intérêt a été trouvée une seule fois dans le texte d'un jugement dans les documents de Geniza malgré le fait qu'un nombre incroyable des documents de Geniza traitent du crédit. Schatzmiller a également conclu que le capital financier a été développé durant la première période par un nombre important de propriétaires de fonds monétaires et de métaux précieux sans que l'interdiction supposée de riba, usure ne l'entrave de quelque façon que ce soit. 1. Financement participatif vs financement par dette
a) Description du contrat La Musharakah ou Shirkah désigne le contrat dans lequel deux ou plusieurs parties associent leur capital financier, humain et/ou physique afin de développer un nouveau projet commercial ou de participer à une entreprise existante. Leur participation donne droit à la gestion commune du projet et à la rémunération de leur investissement définie par un partage des profits ou des pertes occasionnés par l'élaboration du projet. A l'origine, la Musharakah existait sous deux formes distinctes : Shirkah al-milk ou association non contractuelle ; Shirkah al-uqood ou association contractuelle. L'association non contractuelle implique une copropriété et apparaît lorsque deux ou plusieurs personnes se voient octroyer la copropriété d'un bien sans être entrées explicitement dans un accord de participation formel. Cette forme d'association est relativement rare de nos jours, et découle le plus souvent d'un héritage ou d'un don. L'association contractuelle est, elle, considérée comme une participation à part entière, puisque, dans ce cas, les deux parties concernées ont émis une volonté explicite d'entrer dans un arrangement contractuel et d'en partager, par conséquent, les pertes et les profits. Les profits sont partagés selon un prorata prédéterminé alors que les pertes sont limitées au capital investi par chacun des associés. b) Règles légales Plusieurs règles légales sont été établies pour éviter que ces modes de financement ne deviennent une façon détournée de charger un intérêt, et qu'un élément de ces contrats ne soit laissé aux prises de l'incertitude ou du hasard : Le capital investi peut être soit financier, humain ou physique. Dans chaque des cas, celui-ci doit être clairement évalué dans le contrat ; La quote-part des profits revenant à chacun des associés doit également être connue au début du contrat et doit être un prorata de tous les partenaires. Le profit revenant à chaque associé doit donc être prédéterminé comme une proportion ou un pourcentage et non comme un montant fixe. En principe, cette quote-part doit être proportionnelle aux parts des associés dans le capital. Cependant, certains juristes permettant des variations dans la distribution des profits déterminée par un commun accord entre les associés ; Quant aux pertes, chaque partenaire en est responsable selon sa participation dans le capital, et cette règle ne peut être altérée par aucune condition. Lorsque les partenaires investissent dans le projet un montant égal et qu'ils partagent les mêmes privilèges et la même proportion de profit, la Musharakah est appelée mufawadah. Si les différences associés possèdent des droits différents et qu'ils disposent d'un prorata du profit distinct, la participation possède une structure dire inan. c) Application contemporaine Selon l'avis de majorité des économistes musulmans, l'application le plus adéquate d'un financement par Musharakah se situe principalement à petite échelle, dans des secteurs comme l'agriculture, pour des projets de développement ruraux. Un des avantages de ce contrat, selon de nombreux économistes, est qu'il contribue largement à la lutte contre la pauvreté rurale. Cette affirmation a été illustrée à travers une étude détaillée de 19948(*) où l'aureur montre comment une structure telle que la Musharakah pourrait aider à éradiquer la pauvreté parmi la communauté des pêcheur malais en général, et celle de Terengganu en particulier. Cette étude avance que, en combinant leurs ressources en termes de capital et d'expérience dans le domaine (dans la pêche elle-même, et dans la vente de leurs prises), les pêcheurs de Terranganu pourraient acheter de plus grand bateaux et de plus grands filets, aller plus loin pour pêche, et minimiser le rôle de l'intermédiaire qui, dans le système actuel, érode considérablement les revenus générés par la communauté locale de pêcheurs. L'auteur propose donc d'intégrer ce rôle secondaire dans le projet de Msharakah. Selon lui « ... le financement par Musharakah a donné beaucoup d'espoir aux jeunes et pauvres fermiers, surtout au Soudan, à travers l'aide octroyée aux petites fermiers par la Sudanese Islamic Bank. Il les encourage à travailler dur et à cultiver leur terre. Ils deviennent partenaires dans un nouveau système, partageant les risques et les profits avec la banque. Un des plus grands succès de ce projet est d'avoir endigué l'exode rural. Par conséquent, la Musharakah possède un réel potentiel dans l'apport d'une réponse aux plus importants problèmes de développement connus dans le monde rural9(*) ». On trouve néanmoins des exemples d'application de Musharakah dans d'autre secteurs que l'agriculture, même s'ils sont rares. C'est ainsi que la Dubai Wire FZE, la Kuwait Petoleum Coperation et Union Carbide se sont unies pour mettre sur pied le projet EQUATE (v.infa), une usine pétrochimique, utilisant le structures d'in contrat de Musharakah, pour pouvoir répondre aux besoins financiers de ce projet.
a) Description du contrat Dans mudaraba, l'une des parties, le rabb al mal, fournit les fonds à l'autre partie, appelée le mudarib, qui s'engage dans la gestion d'une activité pouvant engendrer un certain profit. Le ratio selon lequel les profits sont distribués est fixé et prédéterminé, et connu à l'avance par les deux parties. Les pertes éventuelles engendrées par le processus normal de l'activité et non dues à une négligence de la part du mudarib sont à charge du détenteur des fonds. Puisque le capital humain (représentatif du travail et de l'effor) dans cet arrangement dispose de même statut que le capital financier (représentatif de la contre-valeur monétaire du travail), l'agent entrepreneur aura, en cas de perte, perdu son temps, son effort, et son travail, mais rien de plus. Cependant, n'ayant investi rien d'autre que son capital humain, le mudarib n'a droit à aucun salaire pour la gestion de l'entreprise. b) Règle légales § Le capital investi dans le contrat doit correspondre à un capital financier exprimé dans la monnaie en circulation. S'il s'agit d'un capital physique, il doit être clairement évalué dans le contrat, et ce avec l'accord des deux parties contractantes ; § La quote-part des profits revenant à chacune des parties, le montant du capital investi et la nature du projet doivent également être définis d'une manière détaillée dans le contrat ; § La nature du projet doit respecter les prescriptions de la Chari'a c) Application contemporaine Le contrat de Mudaraba est utilisé par les les institutions financières islamiques comme un substitut à m'émission d'obligations conventionnelles. Un premier exemple est l'application au Pakistan du programme PTC ou « Participation Term Certificates » : « Les institution bancaires et financières au Pakistan ont développé un nouveau titre réservé aux entreprises pour remplacer le financement par dette basées sur l'intérêt. Les PTCs sont des instruments transférables basés sur le principe des 3P qui sont désignés pour remplacer les dettes par emprunt en monnaie nationale à moyen et long terme contractées par le secteur industriel. Au lieu de recevoir des intérêts, comme c'est le cas pour prêt, les actionnaires du PTC partagent les profits et les pertes des sociétés impliquées. John Harrington de l'Université selon Hall au new Jersey aux Etats-Unis, a suggéré que le PTC puisse être utilisé afin de financer la construction de bâtiments publics qui seraient loués au gouvernement. Les détenteurs du PTC se verraient octroyer les profits générés par le loyer payé par le gouvernement de ce type réduiraient la nécessité d'une dette publique, fournissant un gain attractif aux investisseurs10(*) »
La Musharaka et la Mudaraba ne pouvant être appliquées dans toutes les circonstances, la Chari'a a spécifié d'autres modes de transactions permises, qui sont à l'origine plutôt des modes de transactions opérationnelles que financières. Suit donc un exposé non exhaustif des principaux mécanismes utilisés actuellement par les institutions financières islamiques.
a) Description du contrat Dans ce type de transaction, le client désirant s'approprier un bien, va charger l'autre partie contractante de lui trouver et lui acheter le bien à une tierce partie. Plutôt que de demander un crédit directement à une banque, le client va se voir revendre le bien au prix d'acquisition plus une certaine marge bénéficiaire fixée au préalable, et réglera le paiement du bien en déféré, soit en une fois à un délai déterminé, soit par des versements réguliers. b) Règle légales Il existe plusieurs règles et extensions possibles pour ce contrat, mais nous se citerons ici que les plus pertinentes. Lors de l'étape de promesse d'achat : § La promesse d'achat peut contenir plusieurs conditions acceptées par les deux parties, concernant entre autres le lieu de livraison, le paiement d'in acompte pour garantir l'exécution de l'opération et la méthode de paiement du prix ; § Il est permis de stipuler la nature contraignante de la promesse d'achat, l'effet de cette contrainte étant déterminé soit par la satisfaction de la promesse, soit par l'indemnisation des dommages causés par sa révocation. Lors du premier achat du bien : § Le vendeur doit être en possession du bien avant de le vendre à son client ; § Il peut mandater une terce partie, y compris l'acheteur, de recevoir le bien à sa place. Lors de la vente murabaha : § La vente par murabaha ne peut être conclue qu'à la dernière phase de l'opération, c'est-à-dire après la première livraison du bien ; § Cette derrière étape doit observer les règles de transparence requises quant au prix d'acquisition du bien et au montant de la marge bénéficiaire prélevée par la banque. c) Application contemporaine Avant de citer un exemple d'utilisation contemporaine de la murabaha, il est important d'éclaircir une éventuelle confusion entre celle-ci et la vente à crédit classique. En effet, ce type de contrat est parfois considéré comme étant le même que celui reposant sur le paiement d'un intérêt fixe. Lorsqu'une personne a besoin d'une certaine somme d'argent pour acheter un bien, elle l'emprunte à la banque et la lui rembourse après un certain délai, moyennant le paiement d'un intérêt fixe. Les juristes musulmans ont avancé plusieurs arguments contre ce type d'allégation. Dans un premier temps, le financement par murabaha n'est pas un prêt mais une vente. L'argent reste en possession de la banque qui s'accorde directement avec le fournisseur. Deuxièmes, la nature du profit est différente : elle ne compense pas l'utilisation de l'argent, mais correspond plutôt à la rémunération du service que la banque a fourni au client, c'est-à-dire la recherche et l'achat du bien au meilleur prix. Troisièmement, le montant de la marge bénéficiaire n'est pas lié au temps, c'est-à-dire qu'il est fixé au préalable et ne varie pas durant la durée du délai de paiement accordé. Il n'est donc pas lié à des variables économiques externes comme le taux d'intérêt d'un crédit à la consommation dépend du comportement de la courbe des taux à l'époque où le crédit est octroyé. Cependant, tous les savants musulmans reconnaissent que le temps doit être compensé dans une opération : donc, comme pour le taux d'intérêt, la marge sera d'autant plus élevée que le délai accordé sera long. La condition est toutefois que la marge soit fixée dès le départ et qu'elle ne varie plus. La vente par Murahaba est sans aucun doute le contrat le plus populaire et le plus utilisé par les institutions bancaires islamiques. Cette popularité ressort parfaitement des statistiques tenues par les différences banques dans leur rapport annuel. C'est ainsi qu'on lit dans le rapport annuel 1999 de l'ABC Islamic BANK que pas moins de 59,7 % du total de son actif provient du financement par Murabah, contre à peine 8,1 % pour les arrangements par Mudaraba
a) Description du contrat L'ijara en Islam ressemble, en beaucoup de points, au contrat de location ou leasing conventionnel. Le contrat de location correspond non pas à la vente d'un objet, mais à la vente de l'usufruit de l'objet pendant une période déterminée. La propriété du bien reste donc en possession de l'agence de leasing jusqu'à la fin du contrat, alors que le client dispose du bien contre le paiement d'un loyer et à un rythme spécifiés au début du contrat. Malgré cette similitude quasi parfaite, il y a quelques règles auxquelles la validité du contrat est subordonnée qui le distinguent d'un contrat de leasing classique : § Dans un contrat de leasing classique, le locataire du bien devra payer une indemnité correspondant à un pourcentage du montant total s'il manquait à un de ses paiements. Ce type de pénalité est interdit sous la chari'a puisqu'il correspond au paiement d'un intérêt. Si une saction est souhaitée par la banque encas de retard dans le paiement, elle doit être déterminée au début du contrat ; § Une autre condition importante de la validité du contrat est que l'institution qui donne le bien en location doit garder la propriété de ce bien durant toute la durée du contrat. D'après différences peuvent encore être soulevées, mais celles-ci sont celles qui posent le plus souvent problème. Cette première forme de leasing correspond à celle sans option d'achat. Récemment, les juristes musulmans ont mis au point un contrat avec option d'achat appelé IJARA WA IQTINA. Lorsque l'option d'achat est activée, le transfert de la propriété et la détermination de la valeur résiduelle doivent faire l'objet d'un second contrat distinct du premier. Comme pour les autres contrats, il existe certaines règles auxquelles la validité du contrat est soumise : b) Règles légales § L'objet du contrat doit pouvoir être valorisé. Les objets qui n'ont pas d'usufruit ne peuvent être loués ; § Il est important que la propriété de l'objet reste entre les mains de celui qui donne le bien en location, et que seul l'usufruit soit transmis au client. Par conséquent, un objet qui ne peut être utilisé sans être consommé ne peut faire l'objet d'un contrat d'Ijara. Parmi ceux-ci, on peut citer l'argent, l'essence, la nourriture, ... ; § Puisque la propriété reste entre les mains de celui qui donne le bien en location, toutes les responsabilités découlant de la propriété seront supportées par ce dernier, mais les responsabilités afférant à l'utilisation du bien sont supportées par le client locataire. c) Application contemporaine Les exemples d'utilisation du contrat d'Ijara sont nombreux. Parmi ceux-ci, on peut citer l'acquisition par la Kuwait Airways d'avions dans le cadre d'une transaction qui a adopté les structures d'un contrat de Ijara.
a) Description du contrat La vente as-salam est la vente d'un bien dont la livraison se fera dans le futur alors que son paiement se fait au comptant. En général, la vente d'un bien non-existant est interdite car elle implique du gharar. Cependant, pour faciliter certaines transactions, des exception ont été accordées suite à la lecture du hadith suivant : Lorsque le Prophète (sbsl) est arrivé à Médine, il ne constata que la pratique du salam était répandue parmi ses habitants pour la vente de fruits, et ce pour des périodes allant de une à trois années. Il dit alors : « Quiconque pratique une vente par salam, qu'il spécifie la marchandise par son poids ou son volume et un terme prédéterminé. ». Cette vente est donc légale lorsque le prix est payé en totalité au comptant, et que l'objet clairement défini dans le contrat soit délivré à une date et à un lieu déterminé à l'avance. A l'époque du Prophète (SBSL), ces pré-paiement permettaient aux fermiers d'acheter la semence nécessaire à la production des fruits. b) Règles légales § Le bien qui fait l'objet de ce type de contrat doit pouvoir être détaillé le plus précisément possible, pour éviter tout malentendu lors de sa livraison à la date spécifiée; § L'objet doit être livré à la date convenue. La probabilité d'e son existence doit donc être assez élevée. Dans le cas contraire, si l'existence du bien est soumise à trop d'événements incertains et indéterminables, il ne peut faire l'objet de ce type de contrat; § La vente par salam ne peut se faire sur un objet qui existe déjà, car les dommages et la détérioration du bien ne peuvent pas être assurés avant sa livraison. c) Application contemporaine Le contrat de Salam est actuellement utilisé pour remplacer les produits dérivés qui sont interdits en Islam. En effet, des contrats tels que les contrats à terme, les options, ... ne sont pas acceptés, étant donné que la variable prix n'est pas connue à' l'avance et qu'elle dépend de circonstances futuresJl8. Le contrat de Salam est souvent utilisé pour combler le vide laissé par cette interdiction. L'acheteur paie aujourd'hui pour quelque chose qu'il recevra à une date future. On peut donc considérer que le prix appliqué ici est comparable au prix comptant appliqué dans un contrat à terme. Cependant, le prix appliqué dans le Salam peut s'avérer plus bas que le prix au comptant d'un contrat à terme, étant donné que dans un contrat à terme, rien n'est échangé avant l'expiration du contrat, alors que la validité d'un contrat de Salam est soumise au paiement immédiat du montant fixé.
a) Description du contrat Le contrat d'istisna'a est en quelque sorte un dérivé de la vente par salam. La validité de ce contrat est accordée par qiyas suite à la légalité de la vente par salam. Dans ce type de contrat, le prix du bien est payé graduellement tout au long de sa fabrication. Ce contrat est utilisé surtout dans l'immobilier, où l'entrepreneur est payé au fur et à mesure qu'il avance dans la construction du bien. b) Règles légales § Les biens qui font l'objet de ce contrat doivent être des biens manufacturables. Ne peuvent, par conséquent, faire l'objet de cette transaction les biens dont la «fabrication» est naturelle; § Le type de bien, sa taille, les matériaux nécessaires à sa construction, la date et le lieu de sa livraison doivent être clairement spécifiés dans le contrat. c) Application contemporaine L'expansion du complexe médical de l'hôpital Mowasat situé à Dubaï a été financée sur base d'un contrat Istisnâ, contrat qui fut par la suite converti en un contrat Ijara pour permettre l'investissement de plus amples fonds.
a) Description du contrat La Chari'a distingue deux types de prêts. Le prêt 'ariya est un prêt destiné à une certaine utilisation, qui transfère l'usufruit d'un bien temporairement et gratuitement à l'emprunteur, alors que la propriété du bien prêté reste au prêteur. Lorsque l'emprunteur ne voit plus l'utilité du bien, il le restitue au prêteur. Le second type de prêt, le qard, est· le prêt d'avoirs fongibles, c'est-à-dire d'objets qui peuvent être estimés et remplacés selon leur poids, leur taille ou leur nombre. Dans ce cas, l'emprunteur s'engage à retourner l'équivalent de ce qu'il a reçu en dépôt. L'avoir qui fait le plus l'objet d'un qard est sans conteste l'argent, ou tout autre standard d'échange; ce qui correspond donc à une transaction dans laquelle le client obtient de l'argent liquide d'une institution, argent qui doit être remboursé à une date convenue et sans aucune charge d'intérêt. Le Qard Hassan est la seule forme de prêt qui est permise en Islam, étant donné que les autres types de contrats ne peuvent être considérés comme des prêts au sens strict. C'est en effet la seule transaction où un véritable transfert d'argent est opéré. Certains juristes permettent au prêteur de charger l'emprunteur comme contribution des frais engendrés par la mise à disposition du capital. Une condition importante qui accompagne ce recouvrement des coûts, pour éviter qu'il ne soit assimilé à de l'intérêt, est qu'il ne corresponde pas à un pourcentage du montant total. b) Application contemporaine Ce prêt sans intérêt est généralement utilisé par les banques pour venir en aide aux personnes se trouvant dans une situation de besoin temporaire ou de difficulté passagère comme, par exemple, les étudiants. Il est aussi utilisé en complément d'un ou de plusieurs contrats. Il peut, en effet, arriver qu'un entrepreneur avec lequel la banque est engagée dans une relation d'affaire se trouve dans une situation critique. Par conséquent, en octroyant un prêt sans intérêt à ce dernier, la banque peut sauver ou relancer un projet et ainsi sauvegarder les intérêts des deux parties. 2. Le Système bancaire Après ce bref aperçu des différents instruments de financement et d'investissement développés en accord avec les préceptes de la Chari'a, la suite sera destinée à l'étude de l'application de ces préceptes sur la structure du marché bancaire dans un premier temps, et ensuite sur celle des marchés financiers en général.
Dans le système conventionnel, les banques agissent essentiellement en tant qu'administrateurs du système de paiement de l'économie et comme intermédiaires financiers entre les épargnants et les investisseurs. Elles seront nécessaires pour l'exploitation des imperfections des marchés financiers. Parmi ces imperfections, on retrouve la divisibilité imparfaite des actifs financiers, l'imperfection de l'information disponible, les coûts de transaction, de recherche et d'acquisition de ces actifs, ... La banque islamique diffère de la banque conventionnelle en plusieurs points. Premièrement par sa définition, elle possède une philosophie distincte, basée sur les principes islamiques de justice sociale, d'équité et d'équilibre. Pour cela, elle va intégrer les lois, les pratiques, les procédures et les instruments qui vont l'aider à maintenir et à dispenser cette justice et cette équité. . Dans un second temps, la banque islamique se distingue de la banque conventionnelle dans son rôle: plutôt que de remplir la seule fonction d'intermédiaire, elle va jouer le rôle d'un investisseur direct. En effet, étant donné que son fonctionnement est basé sur le principe de Partage des Pertes et des Profits et que le risque n'est pas à sa seule charge mais est supporté tant par elle que par le dépositaire, elle ne peut se contenter d'une simple relation prêteur-emprunteur. C'est plutôt une véritable association qui naîtra entre les deux parties, association où des enjeux communs seront partagés. Les points suivants nous permettront de mieux structurer l'écart qui existe entre le fonctionnement de ces deux institutions. a) Principales distinctions § PARTAGE DU RISQUE L'Islam n'admet pas que le risque soit-transféré en même temps que le capital. Le risque est dès lors partagé entre le détenteur de fonds (investisseur), d'un côté, l'intermédiaire financier (la banque) et l'utilisateur de ces fonds (l'entrepreneur), d'un autre côté. Dans une banque conventionnelle, tout le risque est supporté uniquement par l'entrepreneur. Que le projet dans lequel l'argent est investi échoue ou réussisse, le détenteur de fonds se voit garanti d'un montant fixe, matérialisé par l'intérêt, indépendant du montant du résultat engendré par ce projet. L'Islam considère ce type de transaction comme injuste, et exige que le profit de l'investisseur soit proportionnel à celui de l'entrepreneur. Si le résultat est positif, les bénéfices seront partagés selon une quote-part déterminée lors de la conclusion du contrat. Par contre, si le résultat est négatif, la perte financière sera à charge du seul détenteur de capitaux, l'entrepreneur sera alors considéré comme ayant perdu son temps et ses efforts11(*). § DIMENSION MORALE Chapra12(*) comme Mohsin13(*) insistent sur le fait que le fonctionnement de la banque islamique ne peut se résumer à la simple abolition de l'intérêt. De la même manière, Mikharor distingue « ... la banque en concordance avec le système de valeur de l'Islam ... (et) ... la banque sans intérêt comme un concept mécanique qui dénote une mode bancaire qui vise l'élimination du taux d'intérêt ... 14(*)». Chapra et Mohsin envisagent un système bancaire dont la nature, la forme et les opérations puissent être radicalement distinctes de celles d'une banque conventionnelle. A côté du rejet du Ribâ: ils considèrent essentiel que la banque islamique serve avant tout l'intérêt public plutôt que l'intérêt privé ou celui d'un groupe d'individus. Comme toute institution liée à un contexte islamique, elle possède un rôle social qui Permet de rester en accord avec les objectifs de la Chari'a que sont la justice sociale (al'adalah al ijtima'iyah) et la réussite de l'homme (al falah). Elle se doit non seulement de prospecter les projets qui lui assureraient la plus haute rentabilité mais également ceux qui répondent aux exigences sociales et humaines imposées par ces maqâsid. Son rôle social se reflète non seulement par son rejet du taux d'intérêt considéré comme injuste aux yeux des musulmans, mais également par la promotion et le soutien de projets qui ne vont pas à l'encontre des valeurs islamiques ou qui sont connus pour être préjudiciables pour l'intérêt de la communauté15(*) Cette dimension sociale de la banque islamique est directement reflétée dans une branche de son activité qui n'a pas de contrepartie dans l'activité bancaire conventionnelle: la gestion de la caisse de l'impôt religieux, la Zakât § DIVERSIFICATIO ET ÉTE DUE DES SERVICES Une dernière différence à relever est la nature de l'activité d'une banque islamique. Celle-ci ne va pas se limiter au pur rôle d'intermédiaire financier. C'est ainsi qu'on retrouve dans L'éventail des services offerts tant la collecte des dépôts que la gestion de l'impôt, l'assurance, ... Cette diversification est directement liée au concept sur lequel repose une banque islamique: étant donné qu'elle ne supporte plus seule le risque mais qu'elle en délègue une partie au dépositaire, elle se doit de diversifier au maximum ses activités pour tenter d'offrir à ses investisseurs un revenu aussi élevé que celui offert par les banques conventionnelles. Cette déspécialisation de l'activité bancaire n'est cependant pas propre au système islamique. Ce phénomène se dessine également dans le paysage bancaire belge de ces dernières années. «Les frontières entre les différentes professions financières ne cessent elles aussi de s'estompe1: La tendance la plus frappante à cet égard est le développement de la bancassurance... une évolution similaire a marqué le marché des valeurs mobilières ... (grâce à) la loi du 4 décembre 1990 ... les banques ont eu indirectement accès à la Bourse via la détention d'actions dans les sociétés de Bourse ...16(*))). § RELATION BANQUE-CLIENT Le principe sur lequel repose le fonctionnement de la banque islamique va totalement modifier la relation banque-client telle qu'elle était jusqu'alors définie dans le système conventionnel. Etant donné que le client devient un investisseur et qu'il partage quasi les mêmes risques que la banque, on ne pourra plus parler d'une relation prêteur-emprunteur neutre mais plutôt d'une véritable relation entrepreneur-investisseur, semblable à celle rencontrée dans les opérations d'investissement direct. Cela veut donc dire que les deux parties seront directement impliquées et partageront les mêmes intérêts et seront d'autant plus attentives à la qualité de leur partenaire. Ainsi, la solvabilité du client ne sera plus le facteur décisif, mais la banque s'attardera beaucoup plus tant sur sa qualité d'entrepreneur et sur sa motivation que sur l'éthique et la productivité de son projet. De la même manière, le client musulman ne choisira pas de déposer son argent dans une banque au lieu d'une autre en comparant les rendements offerts. Il va plutôt sélectionner celle qui lui permettra d'investir son argent de façon tant rentable que bénéfique pour lui et la société. Evidemment, la banque islamique ne détient pas l'exclusivité d'une telle relation. De plus en plus, les banques conventionnelles s'impliquent dans des opérations à risque, essayant de réduire leur activité basée sur le crédit. De la même manière, les banques islamiques ne vont pas toujours jouer le rôle d'investisseur mais vont adopter une attitude plus axée sur la solvabilité du client, lorsqu'elles utiliseront, pour les transactions commerciales, des produits qui sont, comme la Murabaha, basés sur la dette. b) Structure de base: la Mudaraba two-tiers A travers tolite la littérature qui abonde sur ce sujet, les économistes musulmans ont développé plusieurs modèles d'un système bancaire alternatif encadré par les exigences d'un contexte religieux. Dans cette optique, Uzair en 195517(*) et plus récemment, Siddiqi18(*) et Chapra19(*) ont développé une forme de structure de banque islamique basée sur ce qui est appelé la Mudaraba two-tiers. Le principal objectif de ce modèle est de remplacer l'octroi de l'intérêt par le partage du profit tant du côté de l'actif que du passif de la banque. Dans Lille relation contractuelle, les détenteurs de fonds vont s'accorder avec la firme bancaire pour «prêter» leur argent et partager les profits générés par l'activité de la banque. Du côté de l'actif, la banque s'accorde avec un agent-entrepreneur à la recherche de fonds, entrepreneur qui accepte de partager ses gains avec la banque selon un pourcentage prédéterminé stipulé dans le contrat. La banque réunit alors tous les gains générés par ses activités et les partage avec les détenteurs de fonds et ses actionnaires selon les termes de l'accord contracté avec eux. Le profit qui est engendré par les dépôts n'est donc plus une charge fixe qui est déterminée par les fluctuations du marché et la conjoncture économique, mais est un pourcentage direct du bénéfice total de la banque. En d'autres termes, la banque va opérer sur base d'une Mudaraba «two tiers., dans laquelle elle agit tant comme mudarib du côté de l'épargne et du financement et comme Rabb al mal du côté de l'investissement et de la gestion des fonds. Afin de mieux comprendre l'activité des banques islamiques, nous distinguerons le côté patrimonial, représenté par son passif, et l'utilisation de ses ressources, ce qui équivaut à son actif. c) Sources de financement En ce qui concerne les sources internes de financement, la banque va acquérir son capital soit sur base d'un contrat de Musharakah, soit sur base d'un contrat de Mudaraba. Dans le premier cas, les actionnaires feront partie du management de la banque et disposeront d'un véritable pouvoir de décision. Dans le second cas, le management, distinct de son actionnariat, se verra confier la gestion totale des fonds. Les fonds propres de la banque seront composés également de la partie des profits générés par son activité qu'elle aura reportée en réserve, ainsi que des différentes réserves de la banque. Pour ce qui est des fonds de tierces personnes, la banque va acquérir ses ressources financières en agissant en tant que Mudarib. Le passif de son bilan est divisé en deux types de comptes par Mikharor: les comptes courants et les comptes d'investissementI32. Les comptes courants sont des comptes à court terme qui peuvent être assimilés à ceux existant dans le système conventionnel. Cependant, bien que la valeur nominale du capital soit garantie, il ne génère aucun revenu ni pour la banque, ni pour le client. La banque ne pourra pas utiliser ces fonds et devra garder une réserve de 100% comme contrepartie. Par conséquent, la banque va généralement charger le client des frais encourus par la gestion de ces comptes. Il arrive quelques fois que certaines banques appliquent pour ces comptes une réserve fractionnelle: une partie du dépôt est gardée en liquide par la banque pour faire face aux besoins quotidiens de ses clients. L'autre est investie par la banque, et l'entièreté des profits ou des pertes qui en découlent appartiennent à la banque. Ici également, le dépôt du client est garanti. Les comptes d'investissement constituent la principale source de fonds pour la banque et ils sont plutôt comparables à des parts dans une société qu'à des dépôts d'épargne. Dans ce cas, la banque ne fournit aucune garantie sur la valeur nominale, aucun revenu fixe ne sera payé. Les détenteurs de fonds seront plutôt considérés comme des (actionnaires» et le seul accord contractuel entre la banque et le client se résume au partage des profits et des pertes engendrés par la gestion des fonds. Le client sera pleinement informé des projets dans lesquels la banque va investir son argent et aura droit à une quote-part prédéterminée des profits. De la même manière, il n'attendra aucune compensation de la banque quant aux pertes engendrées, qui seront concrétisées par une dépréciation de la valeur nominale du montant initial. Dans un article paru dans une revue spécialisée asiatique, Ariff distingue trois grandes catégories de comptes mis en place par la banque: les comptes courants, les comptes d'épargne et les comptes d·investissement. Les comptes courants et les comptes d'investissement ne diffèrent pas des modèles proposés par Mikharor. Le compte d'épargne va permettre à la banque d'utiliser les fonds. A la différence des comptes d'investissements, le capital initial sera garanti; ce qui permet au détenteur de retirer ses fonds lorsqu'il le désire. Ceux-ci seront investis par la banque sans que le client ne soit concerté sur la nature de ces investissements. En contrepartie, la banque s'engage à lui remettre une partie des bénéfices selon une part déterminée à l'avance. Enfin, l'AAOlFI (Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial Instituions), l'association comptable islamique, a également prévu un modèle de comptes de dépôt pour la banque et une tendance à s'uniformiser et à adapter cette dernière structure se dessine à travers les banques islamiques. La différence de ce modèle avec ceux cités ci-dessus concerne essentiellement les comptes d'investissement. Ceux-ci sont partagés entre les comptes restreints et les comptes non-restreints. Lorsque le client décide d'investir dans un compte non-restreint, il laisse une totale liberté à la banque dans la façon dont ses fonds vont être réinvestis. La banque pourra combiner ces fonds avec ses propres ressources ou d'autres ressources étrangères. Le client aura, bien sûr, droit à une partie des bénéfices découlant des décisions d'investissement. En investissant dans un compte restreint, le client impose une série de restrictions sur la manière dont son argent va être réinvesti. A titre d'exemple, il peut interdire à la banque de mêler cet argent avec d'autres fonds ou encore d'investir dans des transactions sans garantie. d) Utilisation des ressources Lorsque la banque est autorisée à utiliser les fonds mis à sa disposition, elle les investira au moyen des différentes techniques financières islamiques (v. supra). Lorsque le prêteur dispose d'un droit de contrôle sur la sélection du projet, les instruments utilisés seront, le plus souvent, des contrats de Mudaraba et de Musharakah. En effet, dans ces cas, les projets d'investissement sont évalués et identifiés d'une manière claire et précise, étant donné le degré relativement élevé de risque encouru. De la même manière, ces techniques d'investissement Sont utilisées lorsque la banque doit traiter avec des emprunteurs institutionnels, comme par exemple des entreprises ou des instances publiques. Par contre, il serait, d'un point de vue pratique, fort difficile d'engager de tels contrats pour les emprunts à petite échelle ou pour l'octroi de crédits à la consommation. Dans ce cas, ce sont des techniques telles que la Murababa ou l'Ijara qui sont utilisées. La banque islamique possède encore une tâche supplémentaire qui n'a pas de contrepartie dans l'activité de la banque conventionnelle et qui consiste en la gestion de la Caisse de la Zakât. e) Gestion de la Zakât Une caisse de gestion de la Zakât est généralement prévue dans la structure d'une banque islamique. Elle possède un rôle dual: elle collecte les Zakât de ses actionnaires, des détenteurs de comptes, de ses employés et de tout autre dévot qui souhaite l'utiliser comme intermédiaire pour cette obligation. La banque peut charger des frais pour la gestion de cette caisse. Elle se chargera du calcul et de la ponction du montant requis par la loi islamique sur les fonds qui lui ont été confiés. En collaboration avec d'autres instances spécialisées et très souvent avec l'Etat, elle s'occupera ensuite de la réaffectation de la somme ainsi collectée aux bénéficiaires désignés. f) Conseil de la Chari'a Les savants musulmans ont une profonde influence sur la pratique quotidienne de la finance islamique. La nécessité d'lme concordance continue avec les préceptes de la loi impose aux banques islamiques la présence d'un Conseil de la Cbari'a, qui surveille la conformité de toutes les transactions bancaires avec la loi islamique. Ce comité joue donc un rôle pivot au sein de la banque. Philipe Moore définit quatre questions que le comité est amené à se poser devant toute transaction proposée: § est-ce que les termes de la transaction sont conformes à la Chari'a?; est-ce le meilleur investissement pour le client? § l'investissement produit-il de la valeur ajoutée pour le client et pour la communauté ou société dans laquelle le client est actif? § comme gestionnaire de fonds, est-ce une transaction dans laquelle le banquier, en tant qu'individu, investirait son propre argent? Si la réponse à une des questions est négative, la transaction devrait en théorie être rejetée, bien que la décision des conseillers ne soit contraignante que lorsqu'elle concerne la légalité de la transaction. Dans les autres cas, ils ne peuvent émettre qu'un simple avis1r. Le rôle de ce comité est essentiel, non seulement pour des raisons religieuses, mais également pour des considérations purement commerciales, étant donné que les clients des banques islamiques n'auront confiance dans leurs opérations que si les savants musulmans garantissent la conformité de celles-ci avec leurs convictions.
Selon l'opinion générale, les fonctions basiques d'une Banque Centrale moderne seraient tout aussi importantes dans le système monétaire islamique, bien que les mécanismes soient différents. Les objectifs de la Banque Centrale devraient également se conformer aux buts normatifs adoptés par toute institution créée dans un contexte religieux, entre autres la sauvegarde de l'intérêt public et la recherche de son bien-être. Dans cette optique, sa tâche consistera en la supervision du système bancaire et l'implantation des politiques monétaires de l'Etat. Elle jouera aussi le rôle de banque de l'Etat et s'occupera de toutes les transactions monétaires et financières de celui-ci avec l'étranger, en veillant à sa stabilité tant interne qu'externe. Enfin, elle sera une banque pour toutes les autres banques où elles ouvriront un compte et déposeront une partie de leurs bénéfices et de leurs réserves. La gestion de ces fonds sera évidemment exempte de toute charge d'intérêt et sera basée sur l'application du PLS système. Les banques pourront également financer leur déficit, selon un prorata du total des prêts qu'elles auront accordés 25% La supervision et le contrôle des banques exécutés par la Banque Centrale devraient être plus difficiles dans un système islamique qu'ils ne le sont dans le système conventionnel, étant donné le degré plus élevé de risque auquel les banques islamiques sont confrontées Par conséquent, un examen approfondi devra être effectué sur la viabilité et la faisabilité des projets dans lesquels la banque investit. 3. Marchés Financiers Les économistes musulmans insistent sur l'exigence des marchés financiers tant primaire, secondaire que monétaire. En effet, ces marchés vont permettre, comme c'est le cas pour le système conventionnel d'«acheminer les ressources disponibles vers les besoins de financement, permettre la négociation des actifs ainsi créés, en fonction des projets, des situations patrimoniales, des anticipations; et améliorer en conséquence l'allocation des ressources, par l'intermédiaire d'une diffusion et d'une utilisation de l'information, sur les supports d'actifs (entreprises) et sur la valeur des actifs eux-mêmes»20(*) Ils sont d'autant plus nécessaires qu'ils vont permettre de compenser le panel encore restreint de produits financiers islamiques et d'opportunités d'investissement que les banques offrent, et d'éviter que surplus de liquidité ne soit investi dans des produits conventionnels qui ne répondent pas aux principes islamiques. Par ailleurs, l'absence de marché où la banque pourrait acquérir plus de fonds, est encore une fois un obstacle à sa croissance et à celle, par conséquent, de tout le système bancaire islamique.
Le marché primaire est le marché vers lequel l'entreprise se dirigera pour trouver de nouveaux financements. L'objectif de ce marché est de canaliser l'épargne vers les investissements à long terme et ainsi de fournir à l'entreprise diverse moyenne de lever les fonds indispensables à la croissance de son activité. Ces investissements sont représentés dans le marché des capitaux conventionnels essentiellement par les obligations et les actions. Le rôle du marché primaire ne diffère pas dans le fond de celui présent sur les places financières conventionnelles: il va permettre l'acquisition des capitaux nécessaires à l'élaboration de projets à plus grande échelle. Seul un filtrage se fera automatiquement pour éviter le commerce et l'échange de tout produit financier qui pourrait Contredire les directives islamiques. L'Islam reconnaît le concept de «responsabilité limitée" tel qu'il est défini pour une société opérant dans un contexte conventionnel. Ainsi, la responsabilité des actionnaires de cette société est limitée à leur seul apport initial. Cette reconnaissance implique la légitimité du commerce des actions en Islam. Par conséquent, la négociation et le transfert de propriété par un titre symbolisant une part dans la société sont également permis. L'émission d'actions est effectuée sur base du concept de Mudaraba. Les règles appuyant une émission ordinaire (prospectus, information, ...) sont aussi d'application dans un contexte islamique. La nature de celles-ci sera cependant différente dans certains cas. Par exemple, le prospectus devra mentionner que l'opération s'appuie sur le principe de la Mudaraba, ainsi que la méthode de distribution. Un autre aspect important qui est interdit en Islam est l'émission des actions à un prix différent du pair, pendant la période où celles-ci sont émises et achetées. Les transactions durant cette période sont, en effet, soumises aux règles de la Chari'a régissant les dispositions monétaires, ce qui implique qu'elles doivent être, dans un premier temps, vendues à leur valeur nominale. Cette période est cependant provisoire et le prospectus devra également spécifier la date du début de négociation des actions. Elle est généralement équivalente à la· date où les actions sont listées sur le marché secondaire. Là, leur prix sera librement soumis à la loi de l'offre et de la demande. Les obligations sont également des moyens de financement importants pour les entreprises non-islamiques. Elles leur permettent d'atteindre des financements à long terme et à des taux prédéterminés. En Islam, ces instruments tombent sous l'interdiction de la Ribâ. Mais cette interdiction ne diminue en rien le besoin des institutions islamiques de trouver, comme le font les autres, des sources variées de financement à moyen et long terme. Dans la pratique, de nombreuses initiatives ont déjà été prises pour combler le manque laissé par cette interdiction. Parmi celles-ci, on peut citer l'émission d'obligations basée sur le Qard Hassan, ne fournissant donc aucun revenu, mais auxquelles sont attachés des warrants, donnant droit à l'achat des actions de l'entreprise émettrice à un prix fixe pendant une période fixe. La solution serait également de transformer adéquatement les instruments islamiques basés sur la dette comme la Murabaha en un instrument de financement à long terme. Dans ces cas, les investisseurs achèteraient les équipements nécessaires à l'entreprise dans un premier temps avant de les lui revendre avec une certaine marge bénéficiaire.
L'existence d'un marché secondaire est essentielle au bon fonctionnement du marché primaire. En effet, l'agent économique musulman possède également une préférence, à un certain degré, pour la liquidité, comme dans n'importe quel autre système. Ainsi, si on permettait aux épargnants de vendre leurs titres rapidement et à un coût moindre, ceci encouragerait l'investissement dans des instruments à plus long terme et à plus haut risque. Malgré que le commerce des actions est tout à fait légitime en Islam, beaucoup des pratiques qui l'accompagnent ne le sont pas. Par exemple, la spéculation, qui est assimilée aux jeux de hasard, est totalement prohibée; ce qui nécessitera la prise de mesures strictes pour le contrôle du respect de cette interdiction. Le concept d'efficience des marchés est également revu. Alors qu'il renvoie à l'intégration efficace de l'information disponible sur le marché dans les variations du prix des actifs négociés dans la finance conventionnelle, il aura une connotation beaucoup plus sociale dans un environnement musulman. Le marché des actions en Islam sera efficient si et seulement si il contribue de manière optimale à la justice, à l'équité et au bien-être dans la société.
Le marché monétaire permet essentiellement aux institutions de trouver différentes méthodes afin d'ajuster efficacement leurs positions de liquidité. Les instruments qui sont utilisés dans ces cas sont des instruments dont le niveau de risque reste relativement bas, à très court terme, et d'un niveau de négociabilité assez élevé. De la même manière, pour faciliter la provision de liquidité nécessaire entre les intermédiaires financiers, un marché monétaire islamique est requis. Dans le système basé sur l'intérêt, le marché monétaire permet aux institutions financières de corriger la synchronisation imparfaite entre les versements et les dépôts. Dans ce cas, le marché monétaire peut être assimilé à une source de financement temporaire. Par conséquent, les institutions financières islamiques doivent développer des produits qui remplissent les mêmes caractéristiques et qui leur permettraient d'en retirer les mêmes avantages. 11 n'existe pas encore de réels marchés financiers islamiques, malgré quelques amorces dans certains pays. Ceci est essentiellement dû au développement fort récent du système bancaire et financier islamique. Alors que le système capitaliste conventionnel se targue d'une existence de plus d'un siècle, ce n'est que vers les années 70 que les circonstances ont permis le développement d'un système basé sur les préceptes islamiques. * 8 _ Al Harran, M.Z.., Proposal for an integrad marketing model of Musharakah financing to help disadvantaged fishing people in Malasia, PelanduknPublication 1994 * 9 _ Al Harran, M.Z.., a.c, * 10 _ AUSAF, A.., Tariqullah, K.., Islamic Financial Instruments for Public Sector Resources Mobilisation, Institut Islamique de Recherche et de Formation, BID, Jeddah, p. 100 * 11 _ Certaines banques acceptent de prendre en charge Wle partie de la perte en réduisant leur part du profit pour pouvoir garder leur clientèle. * 12 _ CHAPRA, M.U., Towarcls a Just Monetary System, Ed. The Islamic Foundation, Leicester, 1985 * 13 _ MOHSIN, M., Profile of Riba-Free Banking, Ed. M. Ariff, 1985. * 14 _ MJKHAROR, A., .Short-Term Asset Concentration and Islanùc Banking., dans Tbeorical Studies in Islamic Banking and Finance, Ed. The Institute for Research and Islanùc Studies, Texas, 1987, p. 185 * 15 _ Ainsi, la banque islamique évitera les projets dans lesquels sont impliqués des éléments interdits comme le porc, l'alcool, les jeux de hasard,... * 16 _ Association Belge des Banques, Le. Système Bancaire Belge, Publication mensuelle, Mai 1997, p. 87. * 17 _ UZAJR, M., An Outline for Interestless Banking, Ed. R Publication, Karachi, 1955. * 18 _ SIDDIQI, M.N., Banking without Interest, Islamic Educations Series, Ed. The Islamic Foundation, Leicester, 1988, Chapitre 1, p. 15. * 19 _ CHAPRA, M.O., Money and banking in an Islamic economy, Ed. The Islamic Foundation, 1982. * 20 _ GEOURS, J, Les Marchés Financiers, Ed. Dominos Flanunarion, France, 1994, p. 71. |
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