Etude de la condition de la femme face à la violence du terrorisme intégriste dans le recueil de nouvelles « Oran, langue morte » d'Assia DJEBAR( Télécharger le fichier original )par Lamia AKERMOUN Université Saad Dahleb de Blida - Licence de français 2010 |
I-3-3) A TRAVERS LE COMPORTEMENT DU PERSONNAGEA côté de la caractérisation du personnage à travers son discours, s'ajoutent celles du comportement et des habits. Autrement dit, le personnage peut se révéler à partir de ce qu'il porte et de ce qu'il fait. Dans La fièvre dans des yeux d'enfant, le personnage principal, Isma, se déguise dans la rue pour se méfier des terroristes : « Eh oui, soupirè-je, comme c'est facile, à quarante ans de paraître cinquante, ou sans âge, femme invisible à force d'être ordinaire, mal coiffée, mal chaussée, habillées de couleurs ternes, avec une jupe sans forme, un couffin de provisions au bras. »56(*) Une façon, pour le personnage de se protéger des attentats qui se produisent, chaque jour, dans la ville. Cependant, la romancière laisse son personnage s'évoluer à sa guise ; La psychologie d'Isma nous montre son goût pour la modernité et pour l'émancipation : « A peine la porte fermé, j'enlève ces hardes ; je me retrouve vite en petite tenue. »57(*) Le caractère d'Isma la situe en individu particulier, puisqu'elle parcourt un itinéraire différent de celui qui a été destiné à toutes les autres femmes. Signalons sa façon libre de s'habiller, ainsi que sa relation extraconjugale avec un musicien : « heureuse de connaître ce commencement, heureuse d'être vivante et libre, ce jour là. Heureuse d'empoter en moi au long de cette marche, son visage, ses traits, ses rides légères, ses lèvres. Ses doigts. »58(*) En outre, ce changement rend Isma libre, allégée du poids des croyances et des tabous religieux et moraux : « Mon rire, ma chevelure mouillée dans le cou, ma façon « peu musulmane » de m'accroupir, de garder un pantalon de garçon ou quelquefois un séroual, mais de la ville, trop court. » 59(*) Dans L'Attentat, ce fut le comportement de Mourad qui a entraîné sa mort. En effet, ce dernier a plongé dans la clandestinité et a changé de domicile, afin de continuer son combat contre la barbarie intégriste. Finalement, il a fini par se dévoiler, en signant ses articles par son propre nom : « Il a mené une vie quasiment clandestine une année entière après le flot des menaces [...] Mourad qui, les premiers jours, sortait le plus rarement possible et ne faisait que discuter avec son fils, a repris un rythme presque normal. »60(*) Là, également, nous remarquons le changement du personnage qui décide de faire face à ce qui se passait autour de lui. A ce propos Y.Reuter notait que : « les personnages se diversifient socialement et se développent par la mise en texte des traits physiques variés et d'une épaisseur psychologique à laquelle vient s'ajouter la possibilité de se transformer entre le début et la fin du roman.»61(*) Ceci dit, que le personnage n'est pas donné comme une entité définitive, dans un roman, mais il évolue et se transforme au cours de l'histoire. Dans La femme en morceaux, le personnage principal, Atyka se caractérise par son amour pour la culture et la langues françaises : « Je serai professeur de français, mais vous verrez, avec des élèves vraiment bilingues, le français me servira pour aller et venir, dans tout les espaces, autant que dans plusieurs langue ! » 62(*) Ainsi, son comportement avec ses élèves, révèle sa tolérance et sa responsabilité professionnelle à l'égard de ses élèves, et gardant ses limites avec les questions politiques et religieuses : « Nous sommes ni en sciences politiques, ni en cours de religion ! Je vous rappelle que nous commentons des extraits traduits des Mille et une nuits. » 63(*) Toutes ces caractéristiques que nous avons vues ont permit de connaître les personnages, de leur attribuer des caractères différents, mais surtout de croire à leur existence. Ainsi, le souligne Goldenstein dans son étude : Les différents procédés de caractérisation concourent à donner aux personnages une « épaisseur » qui leurs permettra d'accéder à la vie fictive des héros des romans [...] Doué de « vie », soumis à une intrigue ou bien servi par elle, le personnage s'impose à la conscience du lecteur qui « croit » en son existence. 64(*)
Toutefois, il conviendrait encore de situer le personnage par rapport à la narration. Ce que nous verrons dans le chapitre suivant. * 56 Idem, p 72 * 57 Idem, p 77 * 58 Idem, p 88 * 59 Idem, p 98 * 60 Idem, pp 141.142 * 61 Y.Reuter, Introduction à l'analyse du roman, Paris, éd Dunod, 1996, p 24 * 62 Assia Djebar, Oran, langue morte, Op.cit, p 168 * 63 Idem, p 198 * 64 J.P.Goldenstein, Pour lire le roman, Op.cit, p 53 |
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