3) Le modèle de Bates
Ce modèle prolonge l'approche développée
par les auteurs Gordon et Shapiro en ce sens qu'il reprend la même
hypothèse de croissance du dividende à un taux constant g, et
donc l'hypothèse de stabilité du P/O. la différence
réside dans le fait que la période n devient une
probabilité définie par un nombre d'années
déterminé.
Ainsi le modèle de Bates va permettre de calculer la
valeur actuelle d'une société en tenant compte des
bénéfices et du taux de distribution des dividendes, au lieu du
seul dividende.
La valorisation de Bates se construit sur une logique
comparative. En effet, elle va s'exprimer en fonction d'une
réalité constatée sur le marché et en
référence directe avec le prix actuel du marché.
Cette logique comparative se développe en trois temps
:
- (1) l'entreprise concernée appartient à un
secteur ou à un échantillon de référence, dont les
caractéristiques de marché sont connues. Ces
caractéristiques sectorielles recouvrent le PEo (Price Earning ratio de
l'année de référence), le pay-out, le taux g de croissance
du bénéfice pendant n années, le taux t de rendement
exigé sur le marché (taux de rentabilité spécifique
du marché actions). Ces données réelles vont permettre
d'exprimer le PE n, c'est-à-dire le Price Earning ratio théorique
du secteur en n ;
- (2) au-delà de l'année n, limite de l'horizon
de prévisions des analystes sur la société, il est
posé par hypothèse que les prévisions de croissance de
résultat et de pay-out de la société ne peuvent se
distinguer de celles du secteur. Dans ces conditions, les prévisions du
secteur et les prévisions de la société se confondent.
Cette affirmation essentielle de l'approche de Bates permet de
considérer que la valorisation théorique du secteur et de la
société sont identiques à l'année n, soit :
PE n secteur = PE n sociétés ;
- (3) avec cette valorisation théorique de la
société à l'année n, et avec les prévisions
spécifiques des analystes de 0 à n sur la croissance des
résultats et sur le pay-out, il est possible de déterminer le
PEo, valorisation théorique actuelle de la société.
Ces trois hypothèses nous permettent de construire la
relation suivante :
PEo réel secteur(1) ?PE n théorique
secteur = (2) PE n théorique Sté ? (3) PEo théorique
Sté
L'originalité de la méthode de Bates est de ne
pas développer d'hypothèses simplificatrices sur la formule
d'Irving-Fischer. Elle recouvre plutôt un important travail de mise en
forme, tout particulièrement lié à un souci de
résolution rapide à l'aide de tables (les tables de Bates)
proposées à l'origine en annexe du développement de la
formule de Bates. L'approche de Bates commence à partir de la formule
suivante de distribution des dividendes :
P/Oo = D1 /Eo
Avec :
- P/Oo le pay-out de l'année en cours ;
- D1 le dividende encaissé à l'année1
;
- Eo le résultat de l'année 0.
Pour faciliter cette présentation, il est retenu un
taux de croissance g du bénéfice et un P/O constants. Dans le
cadre d'une utilisation concrète, la variation de ces deux
paramètres justifie le développement d'un calcul basé sur
plusieurs séquences successives.
Ces hypothèses de présentation sur g et P/O
permettent de considérer que :
Avec E i le
bénéfice de l'année i ; et
Ainsi, en utilisant la formule d'Irving-Fischer :

Où, pour mémoire, l'indice o caractérise
l'année présente (celle où l'on fait
l'évaluation).
En mettant D1 / (1+g) en facteur, on obtient :

Comme D1 = Eo * P/Oo ; et que ;
L'équation précédente devient :

Avec PEo = Vo / Eo ; et PE n = Vn /E n ;
L'équation précédente devient
:
Soit aussi :

Pour reprendre la présentation originale de Bates,
posons :
M = PE n ;
m = PEo ; et 
Puis, les deux paramètres propres aux tables de
Bates :

Nous obtenons ainsi l'équation originale de la formule
de Bates :
M = m A - (d) B
Soit, d'une façon plus explicite :
Ou encore :
Les tables de Bates apportent une résolution rapide de
cette équation par une lecture immédiate des valorisations des
paramètres de calcul A et B en fonction de n, t et g. Il est
également important de souligner que l'utilisation d'une machine
à calculer programmable permet aujourd'hui de déterminer
directement le résultat. En effet, la généralisation de
l'usage de ces machines à calculer explique pour une large part la
grande fréquence d'emploi de cette méthode
d'évaluation.
Par cette facilité d'emploi et son fondement
théorique, le modèle de Bates s'est imposé comme une
méthode usuelle d'évaluation du marché boursier. Ainsi, on
peut souligner son utilisation quasi systématique pour justifier la
valorisation des titres lors des introductions en bourse sur le Second
Marché. Il faut simplement rappeler que le véritable enjeu de la
formule de Bates porte sur la pertinence de la détermination de
l'échantillon de référence. Le PE(n) de la
société est déterminé théoriquement par
projection dans le futur de données réelles et des
hypothèses des analystes.
La méthode de Bates s'appuie pour l'investisseur sur
des flux théoriques : les résultats, ce qui est une faiblesse
dans la mesure concrète du retour sur investissement. Par contre, cette
méthode intègre deux composantes de valorisation du marché
: le taux de capitalisation actuel des bénéfices (PEo du
secteur), et le taux de rentabilité spécifique des actions (le
taux d'actualisation t).
3) Le modèle de Holt
Le modèle de Holt répond à la critique
faite au modèle de Bates en ce qui concerne l'hypothèse de
perpétuité de la croissance des dividendes puisqu'il ne la
reprend pas. Au contraire, ce modèle a pour objectif de
déterminer la durée (forcément limitée) de
croissance exceptionnelle de la société implicitement contenu
dans son Price earning ratio.
Le principe de cette méthode, qui doit permettre
d'échapper partiellement à la difficulté du choix du taux
d'actualisation, est de comparer le P/E relatif de la société
étudiée avec le P/E moyen du marché.
La formule développée par Holt est la
suivante :
Avec :
- c le taux de croissance du bénéfice par action
;
- r le rendement ;
- n l'horizon au-delà duquel le P/E de la valeur a
rejoint celui du marché.
Simple et clair dans sa conception, le modèle de Holt
souffre lui aussi de ses hypothèses trop peu réalistes. En effet,
il suppose un taux de croissance des BNPA (bénéfices nets par
action) et un rendement constants. Or, rien ne prouve que le P/E du
marché reste stable et que les risques de non réalisation des
BNPA propres à chaque société soient identiques.
De plus, le modèle de Holt ne s'applique qu'aux
sociétés de croissance qui ont un P/E élevé.
Toutefois, une société de croissance ne le
demeurera pas toujours, et son P/E rejoindra tôt ou tard celui
d'entreprises dont l'activité progresse à un rythme beaucoup plus
lent.
Les difficultés de cette méthode résident
donc surtout dans la connaissance des données (P/E, croissance,
rendement) de marché. Par contre, elle peut être pratique à
utiliser pour évaluer une société dotée d'une
croissance exceptionnelle par rapport à d'autres sociétés
du même secteur.
4) La méthode d'actualisation des Free
Cash-flows ou du Discounted Free Cash-flows
(DCF)
Cette méthode, très largement utilisée,
consiste à calculer la valeur de l'entreprise comme étant
égale à la somme actualisée des flux futurs
générés par l'exploitation courante de l'entreprise.
Autrement dit, cette méthode permet de dégager la valeur
économique de la firme en faisant abstraction de ses dettes
financières c'est à dire de sa structure financière. Ces
flux peuvent être déterminés de deux manières :
soit à partir de l'excédent brut d'exploitation (EBE), soit
à partir du bénéfice net.
Ainsi on a par la première méthode :
EBE
- variation du besoin en fonds de roulement (BFR)
- investissements d'exploitation
+ /- frais financiers nets
- dividendes distribués
- impôts
Et par la deuxième méthode :
BN
+ Amortissements et provisions
+ / - éléments exceptionnels
- variation du BFR
- dividendes distribués
- investissements d'exploitation
Les flux étant obtenus, la formule de valorisation est
la suivante :

Avec :
- FCF i le cash flow disponible de
l'année 1 ;
- t le taux d'actualisation risqué ;
- FCF n le cash flow disponible de
l'année n.
Le cash flow disponible de l'année n ( ) est
déterminé de la manière suivante :
FCF n = FCF p
/ (t - g)
Avec :
- FCF p le flux de la dernière année
:
- t le taux d'actualisation risqué ;
- g le taux de croissance à l'infini du FCF.
Le principal avantage de cette méthode est sa
simplicité puisque les FCF se calculent aisément à partir
des données prévisionnelles de l'entreprise. En effet, la
méthode de l'actualisation des free cash-flows permet, à
partir de calculs très simples, d'aboutir à une valorisation
tenant compte des performances financières futures de l'entreprise.
Toutefois, elle trouve des contestations naturelles sur au
moins trois points :
- dans sa valorisation, compte tenu de la
valeur déterminante de FCF n pour un horizon de
prévisions n limité aux capacités d'anticipation des
analystes financiers ;
- dans son principe, quand la
société étudiée est en période de FCF
négatifs liés par exemple à une séquence
d'investissements d'exploitation importants. Il faut alors raisonner sur des
projections de FCF potentiels, en multipliant l'effet d'hypothèses ;
- dans sa sûreté enfin, en
apportant une lecture plus précise des paramètres de cette
évaluation.
Enfin, cette méthode, même si elle prend en
compte un taux d'actualisation risqué exprimant une relation avec le
taux de rentabilité spécifique des actions, ne tient par contre
pas compte du prix du marché, référence pourtant
fondamentale en terme d'évaluation financière.
Pour répondre à cette dernière critique,
le cash flow disponible de l'année n peut être
déterminé d'une autre façon, de manière à
tenir compte du prix du marché.
La valeur terminale V(n) ne va plus être calculée
en tenant compte de l'hypothèse d'une croissance à l'infini, mais
en tenant compte d'un P/E(n) théorique déterminé en
fonction des références et des prévisions actuelles du
secteur.
Ainsi, le cash flow disponible de l'année
n :
FCF n = FCF p / (t - g)
devient :
FCF n = PE n E n
Avec :
- P/E (n) le price earning ratio du marché
anticipé en n ;
- E (n) le bénéfice anticipé en n de la
société considéré.
La formule précédente d'actualisation des
free cash-flows :

Devient alors :

Cette nouvelle formule présente l'avantage de tenir
compte du prix du marché et de la situation économique de la
société en n. En effet, le dernier terme, qui pose souvent des
problèmes dans l'utilisation des modèles d'évaluation
basés sur l'actualisation des flux futurs, est cette fois ci
calculé à partir des prévisions des analystes. La formule
corrigée repose donc sur des hypothèses théoriques moins
fortes que la formule classique d'actualisation des free cash-flows.
C'est d'ailleurs cette formule corrigée qui sera la plus souvent
utilisée par les professionnels des marchés financiers.
La méthode d'actualisation des free cash-flows
est, au milieu de toutes les méthodes d'évaluation
basées sur l'actualisation des flux futurs, la méthode de
référence des marchés boursiers. En effet, sa
simplicité, associée à la pertinence des flux futurs
retenus (les cash-flows disponibles) et de son fondement
théorique, en fait la méthode la plus satisfaisante et la plus
facile à argumenter.
Cette méthode est bien adaptée pour les
sociétés innovantes qui disposent de bonnes prévisions
à moyen terme. C'est pourquoi, elle fût largement utilisée
dans l'évaluation des sociétés introduites au Nouveau
Marché français entre 1998 et 2000.
5) Analyse critique de l'Approche actuarielle
Comme nous l'avons vu, l'approche actuarielle repose sur des
prévisions complexes qui sont à la base de la valorisation finale
de la société. Par ailleurs, des hypothèses parfois trop
réductrices, notamment l'hypothèse de croissance stable de
l'entreprise sur une longue période, limitent la qualité de la
valorisation par ces méthodes. Ainsi, banquiers d'affaires et analystes
financiers utilisent peu ces méthodes, notamment celles basées
sur l'actualisation des dividendes qui reflètent mal la création
de valeur de l'entreprise. Il ne faut toutefois pas les rejeter car une
méthode, celle de l'actualisation des free cash-flows, est
utilisée presque systématiquement pour valoriser les
sociétés.
L'utilisation des méthodes actuarielles pour valoriser
les sociétés innovantes du Nouveau Marché peut
également poser d'autres problèmes. En effet, ces
méthodes, pourtant séduisantes, ne pourront pas être
utilisées si les flux futurs actualisés trouvés sont
négatifs. Ainsi, la présence de flux futurs actualisés
négatifs oblige les professionnels de l'introduction en bourse à
prendre de nouvelles hypothèses, ce qui, compte tenu des
hypothèses initiales contenues dans les différents modèles
actuariels d'évaluation et des perspectives futures incertaines des
valeurs de la nouvelle, les obligent à faire de véritables paris
fortement aléatoires sur l'avenir.
Ces diverses remarques nous conduisent à penser que
l'approche actuarielle, bien qu'elle représente depuis de nombreuses
années une des méthodes fondamentales utilisées pour
évaluer les sociétés cotées en bourse peut, compte
tenu de ses caractéristiques intrinsèques, ne pas être en
mesure de valoriser correctement les sociétés innovantes du
Nouveau Marché.
Toutefois, compte tenu de l'utilisation systématique
d'au moins une de ces méthodes, qui sera très souvent la
méthode d'actualisation des free cash-flows, par les
professionnels des marchés et, surtout, par les investisseurs,
l'approche actuarielle ne doit être rejetée, y compris dans
l'hypothèse où la société innovante
concernée dégage des free cash-flows futurs
actualisés négatifs. De plus, et même dans ce cas de
figure, l'utilisation d'une ou de plusieurs méthodes actuarielles peut
parfois donner, pour les sociétés innovantes du Nouveau
Marché, des résultats réellement satisfaisants.
En conclusion, compte tenu de la force des hypothèses
des méthodes d'évaluation actuarielles et de l'incertitude des
prévisions réalisées par les analystes concernant
l'évolution et les perspectives des divers segments de la nouvelle
économie, il nous paraît important d'utiliser l'approche
actuarielle en complément d'une autre approche : l'approche comparative
(ou comparaisons boursières) qui se base en effet sur les
éléments suivants pour valoriser l'entreprise : des
transactions comparables, des sociétés présentant un
profil similaire, des indices de références et un secteur
d'activité. On se basera alors sur les analyses et données du
secteur pour évaluer la société.
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