Section 2 : L'approche comparative
Comme nous l'avons vu, l'approche actuarielle repose sur des
prévisions complexes qui sont à la base de la valorisation finale
de la société. Par ailleurs, des hypothèses parfois trop
réductrices, notamment l'hypothèse de croissance stable de
l'entreprise sur une longue période, limitent la qualité de la
valorisation par ces méthodes. Ainsi, banquiers d'affaires et analystes
financiers utilisent peu ces méthodes, notamment celles basées
sur l'actualisation des dividendes qui reflètent mal la création
de valeur de l'entreprise. Il ne faut toutefois pas les rejeter car une
méthode, celle de l'actualisation des free cash-flows, est
utilisée presque systématiquement pour valoriser les
sociétés.
Mais, force est de constater que la méthode DCF n'est
nullement exhaustive. Elle est systématiquement complétée
par des méthodes comparatives qui permettent d'apprécier la
société en tenant compte de son secteur et de ses concurrents.
L'approche comparative se base en effet sur les
éléments suivants pour valoriser une entreprise :
· Des transactions comparables c'est
à dire sur quelle valorisation et quels multiples des
sociétés similaires ont-elles été
cédées. En d'autre mot on va rapprocher la valeur d'une
société par des ratios de valorisation utilisés lors
d'opérations de rapprochement récentes (fusion, acquisition,
cession) portant sur des sociétés cotées comparables ;
· Des sociétés présentant un
profil similaire en termes de taille, marchés,
risques ;
· Des indices de
références comme le CAC 40, Le Nouveau Marché,
IT.CAC, que l'on utilisera si l'on considère que l'entreprise est
représentative de cet indice;
· Un secteur d'activité si l'on
considère que l'entreprise présente des caractéristiques
représentatives d'un secteur. On se basera alors sur les analyses et
données du secteur pour évaluer la société.
Ainsi dans cette deuxième section, nous essayerons de
présenter les différents outils et indicateurs financiers
utilisés pour les différentes comparaisons boursières et
de développer par la suite les différentes
catégories de comparaisons boursières utilisées dans les
calculs de valorisation (la comparaison par rapport à des
références transactionnelles, la comparaison par rapport à
un indice de référence, la comparaison par rapport à un
secteur d'activité, l'approche comparative multicritères et enfin
l'approche comparative globale) .
1) Les différents outils et indicateurs
financiers
Les professionnels des marchés financiers, pour
valoriser une société cotée à partir de l'approche
comparative, ont recours à des indicateurs financiers tels que les
multiples, les ratios, etc. ...
Dans la méthode des multiples, on évalue
l'entreprise sur la base des niveaux de valorisation de sociétés
comparables (entreprises du même secteur, ou ayant le même
modèle économique).
Le principe :
- on sélectionne les ratios qui vont servir à la
comparaison (le CA, l'EBE, le REX...),
- on calcule la valeur des multiples à partir des
ratios des comparables,
- on applique ces multiples à la société
que l'on souhaite évaluer.
Il existe deux types de multiples :
- les multiples boursiers : les comparables
sont dans ce cas des sociétés cotées en bourse; la valeur
des capitaux propres retenue pour la comparaison est la valeur de ses titres en
bourse, c'est à dire la capitalisation boursière. Ils sont
calculés à partir d'un échantillon de
sociétés cotées
- les multiples de transactions : les
comparables ne sont pas obligatoirement des sociétés cotés
en bourse. La valeur des capitaux propres retenue pour la comparaison est
égale au prix de cession des titres lors de la transaction. Ils sont
calculés à partir des transactions publique et prives
Les différents indicateurs financiers utilisés
sont les suivants :
Ø le price earning ratio (P/E) :
Le Price Earning Ratio plus connu sous
l'abréviation « PER » est une expression
boursière tirée de l'anglais (P/E ou Price/Earning Ratio)
signifiant « coefficient de capitalisation des
bénéfices ».
Le PER[ ] est le rapport entre le
cours de bourse d'une entreprise et son bénéfice après
impôts, ramené à une action (bénéfice par
action).On l'appelle donc aussi parfois en français le quotient (ou
multiple) C/B : (Capitalisation boursière/Bénéfice
net de l'entreprise, ou Cours / Bénéfice net par action), combien
de fois le cours capitalise le bénéfice.
Sa formule s'écrit mathématiquement comme
suit :
![](La-valorisation-des-societes-franaises-introduites-sur-les-nouveaux-marches-de-la-Bourse-de-Par21.png)
Avec
- BNPA le bénéfice net par action
Dans la pratique boursière, et sans que cela soit
obligatoire, on retient dans le calcul du P/E une estimation du BNPA de
l'exercice en cours.
La logique de cette démarche consiste à retenir
les titres dont le cours capitalise peu de fois les bénéfices.
Dans l'hypothèse où les bénéfices correspondent
à la richesse supplémentaire (distribuée ou non)
dégagée par l'entreprise, le P/E indique en combien d'exercices
le capital investi dans le titre est récupéré. Une analyse
en termes de P/E permet donc de juger du prix de marché d'un titre.
Ø le ratio cours sur dividende
(P/DNPA)
Le rapport cours / dividendes (ou cours / BNPA
distribués) est une variante du price earning ratio (P/E)
utilisé par les investisseurs soucieux d'obtenir un fort revenu (ou
rendement).
Sa logique est voisine de celle du P/E et proche de la notion
de délai de récupération (« Pay
Back »), puisque plus petit est le ratio, plus
la dépense d'investissement est récupérée
rapidement. Il tend à privilégier les sociétés dont
le taux de distribution des dividendes est relativement fort, c'est à
dire les sociétés que l'on appelle « les valeurs de
rendement ».
Ø le ratio cours sur cash flow (P/CF
ou P/MBA ou P/CAF)
Le Cours sur Cash Flow est un ratio financier calculé
en divisant le cours de l'action par le cash flow par action.
Par exemple, un ratio P/CF de 10 indique que pour 1 € de
cash-flow dans la société, le cours de l'action de celle-ci est
de 10 €.
Les ratios P/CF diffèrent considérablement entre
secteurs. Ils seront beaucoup plus faibles dans les secteurs à forte
intensité capitalistique (l'industrie notamment) que dans le secteur des
services, du software par exemple. Il est aussi noté par P/MBA ou P/CAF
avec MBA la marge brute d'autofinancement et CAF la capacité
d'autofinancement.
Ø Le ratio du résultat
d'exploitation : VE/Rex
Des variantes du ratio précédent se sont
développés dans la pratique, la valeur économique de
l'entreprise ne valorisant plus le chiffre d'affaires, mais l'EBE
(excédent brut d'exploitation) ou le Rex (résultat
d'exploitation). Le multiple de résultat d'exploitation va ainsi
exprimer la valeur de l'entreprise sur la base d'un nombre d'années de
résultats d'exploitation.
Il est à noter que l'on raisonne le plus souvent sur la
base du multiple du résultat d'exploitation, plutôt que sur
d'autres agrégats (excédent brut d'exploitation, ...) pour
déterminer la valeur de l'actif économique, étant
donné que le résultat d'exploitation est le résultat
dégagé par l'actif économique qui lui revient
intégralement. Ce résultat est en effet intégralement
réparti entre ceux qui financent l'actif économique, c'est
à dire entre les créanciers et les actionnaires. Dans la
pratique, et sans que cela soit obligatoire, on retient dans le calcul du
multiple du résultat d'exploitation une estimation du résultat
d'exploitation après impôt de l'exercice en cours.
La logique est donc la même que pour le ratio
précédent (VE/CA), bien que l'on considère qu'il est plus
pertinent de prendre en compte des résultats intermédiaires (les
résultats d'exploitation dégagés par la
société) que le chiffre d'affaires brut pour valoriser
l'exploitation d'une société.
Ø Le ratio de l'excédent brut
d'exploitation : VE / EBE
On considère ici le ratio de la valeur de l'entreprise
VE sur l'excédent brut d'exploitation. Le multiple de l'EBE (ou EBITDA)
va ainsi exprimer la valeur de l'entreprise sur la base d'un nombre
d'années d'EBE (ou d'EBITDA).
Dans certains secteurs, la notion de dotation aux
amortissements n'est pas significative. Par exemple, dans la production
cinématographique, cette notion correspond à des charges qui ont
été affectées et qui reviennent en compte de
résultat. On peut alors utiliser le ratio VE/Rex pour la
valorisation.
En revanche dans d'autres secteurs l'importance des dotations
aux amortissements est telle (parfois supérieure à 20% des
ventes), et les pratiques utilisées à l'étranger pour
constater l'usure des immobilisations sont si variées, qu'il faut
raisonner au niveau du résultat d'exploitation avant dotation aux
amortissements pour pouvoir faire des comparaisons boursières
pertinentes. On se focalise alors sur l'excédent brut d'exploitation
(EBE), que les anglo-saxons appellent EBITDA, en substituant le ratio VE/EBE au
ratio précédent VE/Rex.
Ø les ratios capi/CA, capi/Rex et
capi/EBE
Nous avons vu précédemment que l'approche
comparative utilisait des ratios basés sur la valeur économique
(VE) de l'entreprise (VE/CA, VE/Rex et VE/EBE), c'est à dire
basés sur la somme de la capitalisation boursière et de
l'endettement net, de façon à tenir compte de la structure
financière des sociétés entrant dans le
périmètre de la comparaison boursière.
Or, dans certains cas (structure financière identique
ou saine), ou pour certains secteurs d'activité (les
sociétés informatiques, ...), il peut paraître plus
pertinent de ne retenir que la capitalisation boursière au
numérateur, afin de ne tenir compte que du nombre de fois où le
chiffre d'affaires (ou le résultat d'exploitation, ou l'excédent
brut d'exploitation) de la société concernée au titre de
l'année en cours, ou des années suivantes, est comprise dans sa
capitalisation boursière. C'est ainsi dans ces différents cas de
figure que ces trois ratios (ou l'un d'entre eux) seront utilisés dans
le cadre d'une comparaison boursière.
Ø le ratio valeur de l'entreprise sur chiffre
d'affaires (VE/CA)
Le ratio valeur de l'entreprise (capitalisation
boursière + endettement net (dettes financières -
trésorerie)) sur chiffre d'affaires est un multiple de valorisation
(multiple de chiffre d'affaires) permettant de déterminer le nombre de
fois où le chiffre d'affaires est intégré dans la valeur
économique (valeur des capitaux propres + valeur de l'endettement) d'une
société.
Ce ratio, appelé également price sales ratio
(PSR), consiste donc à évaluer l'entreprise sur la base d'un
coefficient multiplicateur de ses ventes.
Le chiffre d'affaires est une donné beaucoup plus
fiable que le bénéfice déclaré. En effet, autant le
bénéfice peut résulter d'un certain nombre de « choix
comptables » plus ou moins douteux (le montant des provisions, le calcul
des amortissements, ...), autant le chiffre d'affaires pro-format (ou à
périmètre constant) est une donnée brute qui ne souffre
d'aucune contestation. Ce ratio, utilisé fréquemment par les
praticiens en charge de l'évaluation financière des
sociétés cotées, présente certains avantages.
Toutefois, étant donné qu'il valorise le chiffre d'affaires de la
société, et non ses résultats, il est nécessaire,
dans la mesure du possible, d'utiliser ce multiple de valorisation en
complément d'autres indicateurs financiers.
Ø Les indicateurs de
rentabilité
De la même façon que pour les marges
présentées ci-dessus, le fait de rapprocher, dans le cadre dune
approche comparative, les indicateurs de rentabilité de
sociétés entrant dans le périmètre d'une
comparaison boursière permet, même s'il ne s'agit pas de multiples
de valorisation strictosensus, de savoir si ces sociétés
dégagent des niveaux de rentabilité équivalents, et ainsi
si elles peuvent être valorisées de façon identique.
Les indicateurs de rentabilité qui sont retenus dans le
cadre d'une approche comparative sont : la rentabilité
financière (résultat net / fonds propres),
appelée généralement ROE (return on
equity) par les professionnels et la rentabilité
économique (résultat d'exploitation / actif
économique), appelée ROCE (return on capital
equity) dans la pratique des marchés financiers.
Ø Le gearing
Si, dans le cadre d'une approche comparative, on désire
vérifier que les différentes sociétés de notre
échantillon de comparaison ont une structure financière
équivalente, cette donnée pouvant être une condition
nécessaire d'une comparaison fiable sur certains secteurs, il peut
s'avérer essentiel de faire apparaître le gearing de ces
sociétés.
Le fait de présenter le gearing, également
appelé taux d'endettement net (endettement net / fonds propres) va
permettre ainsi de tenir compte de la structure financière de ces
sociétés. En effet, si une société a un gearing
très élevé, on va considérer qu'elle doit
être valorisée moins cher qu'une autre société
présentant un taux d'endettement net plus faible, voire négatif
(si la trésorerie est plus importante que les dettes
financières). Cette remarque est réaliste, un endettement
important ayant pour effet d'augmenter le niveau de risque d'un titre
financier.
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