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Chants de recueils et culte Protestant aujourd'hui à  Kinshasa. Effort pour la revalorisation des chants traditionnels

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par Maurice Mondengo Iyoka B
Université protestante au Congo - Diplome d'études approfondies en théologie 2008
  

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1.2.1.2 Généalogie hymnologique des chants de recueils

S'il faut remonter « la généalogie hymnologique» des chants de recueils nous devons faire un exercice de recension de l'ouvrage de James Lyon. Car il est vrai que cet hymnologue a fait un travail remarquable que nous ne pourrons mesurer à bon escient la portée profonde dans cette modeste étude. Il relève, entre les lignes, les grands secrets de la marche en avant de la Réforme protestante par rapport à la musique d'Église. Il examine le parcours des chants de recueils et ses typologies au début, au milieu et vers le crépuscule de la Réforme. Il le fait beaucoup plus par rapport à une nation (l'Allemagne protestante), à un théologien allemand (Martin Luther) et beaucoup plus par rapport à un musicien allemand dévoué pour la cause du chant au début de la Réforme : Jean Sébastien Bach. Nous présumons que les présupposés musicologiques et historiques de l'auteur veulent traduire l'idée selon laquelle il fallait tenir compte de l'impact de cette nation dans la naissance du protestantisme. Car, c'est de là qu'est partie la grande Réforme du XVIe siècle, pour aller comme « jusqu'aux extrémités de la terre ». Abordons maintenant le contenu de l'ouvrage, chapitre après chapitre. Nous le ferons sous forme d'une recension.

1) Chapitre premier : La Réforme (1523-1562)

L'auteur, de prime abord, parle du début de la Réforme. Il le fait par rapport à la période entre 1523 et 1562. Il va de son contexte historique où il relève des thèses aux premiers cantiques, de la guerre des paysans, de dissidences et polémiques41(*), de l'érection d'une nouvelle théologie de la musique, de la fin d'une époque par rapport à la disparition de Luther, 42(*) et de conflits qui surgirent après Luther. C'est le premier temps. Il aborde la question de textes et mélodies43(*) dans l'élaboration des premiers cantiques avec Martin Luther. Il passe en revue la vie et la chronologie de l'oeuvre hymnologique de Luther44(*) pour le monde allemand. C'est le deuxième temps. Enfin, il examine les méandres des premiers travaux de l'élaboration des cantiques. Il cite les figures emblématiques dans cet effort, Johann Walter45(*) et le cercle des poètes de Wittenberg à qui Luther lance un appel pathétique pour qu'ils conçoivent de nouveaux cantiques, dans l'esprit des psalmistes et des prophètes de l'Ancien Testament à la lumière du Christ. Son mot d'appel était : « Nous cherchons partout des poètes ». Son souci était celui de voir tous les grands poètes de son temps écrire des poèmes pour les nouveaux cantiques.46(*) Il le demande à tous, partant des auteurs luthériens.47(*) On peut se permettre de penser que si Luther tenait à cette entreprise de création des cantiques jusqu'à lancer des appels, cela devait avoir des liens avec la concurrence qui se levait du côté des humanistes de Bâle et de Strasbourg. D'ailleurs, la création et la renommée du corpus bâlois et strasbourgeois48(*) ne pouvaient que l'indiquer. Par ailleurs, l'auteur relève aussi l'apport du dialecte dans l'élaboration des cantiques49(*), signale les dissidences des proches collaborateurs et disciples de Luther sur la question de la cène, et le problème du lien entre la Loi et l'Évangile voire le baptême des enfants qui se sont suivies [...]50(*) Avant de terminer, l'auteur parle de textes et mélodies des cantiques de sources anonymes51(*) généralement d'origine médiévale, mais qui, faussement, seront attribués à certains auteurs allemands. Il évoque aussi le cas de six mélodies du Psautier calviniste de Genève (1539-1562) que Johann Sebastian Bach utilisera et de l'apport en textes et mélodies de Nikolaus Herman52(*) qui ont joué aussi un rôle important dans le compagnonnage des premiers cantiques aux côtés de la Réforme du XVIe siècle. En clair, l'auteur indique que la contribution essentiellement significative de Nikolaus Herman pendant cette période du protestantisme est son choix pour que l'Évangile soit annoncé aux enfants53(*). Il allie les traditions populaire et savante tout en créant de nouveaux textes et mélodies. Le chant deviendra inséparable du culte protestant. Un lien se tissera entre le chant d'assemblée, désormais marqué par le « Nous » communautaire (contrairement au règne de « Je » qui avait prédominé quelques temps avant), et le chant polyphonique destiné à la Cantorei et à la formation scolaire. A la suite de Martin Luther (1483-1546), la plupart des auteurs valoriseront les psaumes. Ils exploiteront autant les textes de l'Ancien et du Nouveau Testament. L'éclairage théologique se fonde uniquement sur la christologie dont les aspects premiers concernent l'incarnation, la tentation, la Parole, le mystère, l'action, la Passion et la Résurrection du Christ. La nouvelle doctrine sur la « justification par la foi seule » (Rechfertigunglehre) est, le plus souvent, propagée sur un ton polémique adressée à l'adversaire « papiste ». L'examen de diverses typologies atteste de la valeur catéchétique de nombreux texte. Le temps liturgique dans l'organisation des cultes est désormais ponctué par de nombreux cantiques, plus particulièrement destinés au temps de Noël (Weihnachten), la Passion, et la Pâques (Ostern) sans ignorer les thèmes de la mort (Tod) et celui de la pénitence qui revenaient aussi souvent car se référant à la première Thèse de Luther (1517). L'apport de poètes-théologiens est à relever en ce sens qu'ils ont eux aussi perpétué la tradition médiévale de la piété populaire mais aussi savante. En d'autres mots, pendant cette période, le chant est véritablement considéré comme la forme principale de la prière chez les protestants. Et l'apport de Johann Sebastian Bach est considérable dans les domaines des mélodies (où la Musica naturalis, fondée sur des archétypes mélodiques communs à tous fera son poids) et de la mise en musique de textes de Luther comme ceux du cercle des poètes de Wittenberg et même ceux de la communauté allemande des Böhmische Brüder. Ce qui est remarquable est que toutes les créations hymnologiques de ce temps respecteront le « mot d'ordre » de Luther : toujours un « lien entre le texte et la mélodie » (Wort und Ton). Ce sont là, les grands traits caractéristiques du premier chapitre.

2) Chapitre deuxième : L'orthodoxie et la mystique (1562-1618)

Au deuxième chapitre, James Lyon examine la question, mieux l'apport de l'orthodoxie et de la mystique dans le travail de l'élaboration ou de la création des cantiques protestants entre 1562 et 161854(*) où le contexte historique est celui des polémiques55(*). Il le fait en traitant quelques points essentiels qui présentent, de manière éloquente, le tableau du contexte historique immédiat. Nous le relevons succinctement.

L'auteur parle de l'héritage discuté de Luther56(*), des efforts de la Formule de Concorde57(*), et ceux de la période de l'orthodoxie tempérée qui crée le concept de Frömmigkeitsbewegung pour stimuler la dimension spirituelle par l'édification et la piété personnelles et pour lequel la musique revêt une importance particulière. Car désormais musique et piété marcheront ensemble.58(*) A en croire l'auteur, il s'est passé plus d'un demi siècle, c'est-à-dire 56 ans au moins où l'on a vu la marche en avant de la Réforme marquer les pas si pas carrément s'arrêter. Le contexte historique nous montre que la disparition de Martin Luther, en 1546 avait quelque peu fait entrer la Réforme dans un processus difficile. Très difficile. Un sentiment général de malaise s'instaura59(*). Les Protestants et les catholiques n'avaient accepté la paix conclue à Augsbourg en 1555 que comme une trêve60(*) qui préparait à d'autres hostilités. Les débats théologiques, en faveur d'un enseignement dogmatique  « pur », se sont envenimés. Les grands sujets de discordes étaient la cène, la christologie, la justification, les oeuvres, la loi divine et surtout le libre arbitre.61(*)

Meister James Lyon souligne deux faits majeurs sur lesquels nous allons nous appesantir. Le premier nous renseigne que deux camps opposés se formèrent : d'un côté les gnésio-luthériens, réputés intransigeants, car se considérant de vrais luthériens et les philippistes, partisans avérés de Philipp Melanchthon (1497-1560) ami personnel de Luther. C'est ici que l'héritage de Luther se trouve être discuté62(*) sinon vraiment disputé. Le second est que l'opposition radicale aux calvinistes et à la Contre-Réforme catholique se renforce également. Tous ces faits conduiront, à coup sûr, l'Église et les fidèles dans un climat de fin des Temps, d'apocalypse, de superstition populaire, de sorcellerie et de satanisme63(*). Bref, un climat de confusion totale s'installa. Il fallait faire quelque chose : chercher et trouver une voie de concorde et d'apaisement.

La Formule de Concorde, fruit de l'effort de quelques personnages d'envergure dont le théologien, prédicateur et musicien Nikolaus Selnecker (1530-1592) ancien élève de Melanchthon, adviendra et marquera en 1570, la fin d'une longue période d'inertie qui avait commencé vingt ans plus tôt.64(*) On assiste, dès lors, à la poussée d'un désir ardent de réconciliation entre les gnésio-luthériens et les philippistes ; mais aussi une bonne volonté de rétablir une interprétation orthodoxe de l'héritage de Luther65(*). Chose qui ne réussira pas à tenir très longtemps. Car, bien que les Articles de Concorde soient rédigés en 1577 par une commission de théologiens, avant la publication du Livre de Concorde, adopté en 1580, par les villes et les princes luthériens ; bien que ce corpus soit constitué avec la Confession d'Augsbourg, les articles de Smalkalde, les deux catéchismes et les cantiques de Martin Luther, comme le fondement de la doctrine protestante, la fameuse Formule de Concorde qui, pourtant, respecte les idées de Réformateur s'est vue beaucoup plus comme une contre-attaque personnelle au Catéchisme calviniste de Heidelberg. Elle était faite avec un transfert d'accent dans l'énoncé de certains dogmes pour l'érection d'une Église encore beaucoup plus intransigeante. Par voie de conséquence, elle affronte le Calvinisme. Il en résultera un grand découragement. L'unité du monde luthérien, malheureusement, ne sera pas réalisée66(*) bien longtemps encore après la disparition de Martin Luther.

James Lyon relève dans ce chapitre, entre autres, l'entreprise de la rédaction des grands traités dogmatiques pendant la période entre 1580 et 1620. Cette période est réputée celle de Frühorthodoxie, la première orthodoxie. Il convient d'indiquer que la créativité théologique, ici, est malheureusement toujours sous-tendue par la soif de polémiques sur les deux natures du Christ et sur son corps par rapport à la cène, sur le Christ médiateur même sur la problématique de l'histoire de l'Église. Malgré tout, les théologiens parviennent à un accord sur l'autorité divine de la Bible, considérée comme la norme pour le salut. Mais cet accord, malheureusement, sera plus tard contesté par le Concile de Trente (1545 -1563). C'est ici qu'on voit se frayer la voie de la concorde et d'apaisement évoquée dans les lignes précédentes, laquelle passe par le piétisme personnel et quotidien de chaque chrétien. Dans cette voie, cet auteur cite le chantre Johann Valentin Andreae (1586 -1654), l'un des précurseurs du Piétisme dont l'apport est à considérer. En fait, c'est J. V. Andreae qui préconisa une pastorale tournée vers la praxis de la foi et de la piété : un christianisme intériorisé. Mais ce ne fut pas un succès. Car un autre ton s'invitera. A propos d'un autre ton dans la nature des cantiques67(*), l'auteur relève que face à la production des cantiques singulièrement diminuée, la nouvelle piété fécondera d'autres sonorités poétiques et  mélodiques. Un autre ton traduit aussi la rupture entre la communauté et l'individu qui est totalement consommée dans l'Église. On assiste à la dictature prédominante de « Je » (Ich) dans les textes de cantiques et l'ethos des chrétiens. Les valorisations qui changent. Le ton de la joie passe à celui de l'inquiétude doctrinale, eschatologique et de la confession. La mélancolie prédomine. Face à l'impudicité et l'ivrognerie du peuple, les enseignements dogmatiques tournent vers un ton moralisateur. D'où, il faut une nouvelle expression de la piété.68(*) Cette nouvelle expression de la piété passe par l'adhésion de nombreux auteurs luthériens au Frömmigkeitsbewegung, qui pour la plupart, tiennent tout de même à demeurer fidèles à l'orthodoxie luthérienne.

Les figures emblématiques à retenir ici au début de ce mouvement sont celles des mystiques comme le silésien Martin Moller (1547-1606) et son successeur immédiat, Philipp Nicolai (1556-1608). Ils seront suivis par Valerius Herberger (1562 - 1627) et les autres qui les suivirent jusqu'à l'adhésion des derniers à citer comme Heinrich Müller (1631 - 1675) et Christian Scriver (1631- 1675). Cette impulsion de la mystique répondait à la profonde crise de la foi qui surgit à la fin du XVIè siècle, eu égard à l'opposition entre la théologie et la piété. La réaction face à cette impasse fera que les auteurs manifestent une prédilection particulière pour le Cantique des Cantiques et la littérature médiévale sur la prière. Ils prônent même un retour à la poésie d'un Bernard de Clairvaux (1090/91 -1153) et la littérature d'édification luthérienne destinée au peuple se développe rapidement. James Lyon parle aussi du répertoire et de la pratique69(*)où il relève l'histoire de la polémique préoccupante qui se cristallisa entre les orthodoxes et les calvinistes dans la confrontation éditoriale entre les Psautiers, en 1602 de Cornelius Becker (1561-1604) et en 1573 d'Ambrosius Lobwasser (1515-1585). Il faut relever que la perte effective de la piété sera, en réalité, compensée par la création de nombreux cantiques sur le thème de la « Croix et de la consolation » (Kreuz-und Trostlied), la mort bienheureuse, le jour du jugement dernier et, surtout, l'amour mystique pour Jésus, le « bien-aimé ». L'auteur nous fait remarquer qu'en cette fin du XVIè siècle, le chant homophonique de la communauté, avec mélodie au soprano devient institutionnel. Ici, prédominera le souci de voir  toute la communauté chrétienne participer absolument au chant. Ce faisant, une pensée harmonique se développera progressivement à partir de la mélodie. Des mélodistes et compositeurs d'envergure, tels que Bartholomäus Gesius (1562-1613), Hans Leo Hassler (1564 -1612) et Melchior Vulpius (1570-1615), apparaissent. A partir d'eux et les autres, les premières grandes collections, pour le chant d'assemblée et la musica figuralis, seront publiées. Entre 1580 et 1700, environ mille titres des recueils sont édités. Mais l'influence de la musique italienne est évidente70(*). L'auteur parle des Böhmische Brüder, les frères tchèques et moraves qui, plus tard, s'imposeront quand même avec leur corpus de chant d'assemblée sur l'ensemble des Églises protestantes de la nation allemande.71(*) La figure de proue de ce mouvement est certainement Petrus Herbert (1530 -1571), auteur de quatre-vingt treize cantiques. Ce poète protestant rencontra et discuta personnellement dans un échange constructif avec Jean Calvin et adhéra aux convictions calvinistes. C'est le premier temps. Au deuxième temps de cette période de l'orthodoxie et mystique, James Lyon nous fait noter les efforts des auteurs luthériens qui véhiculèrent les enseignements théologiques et catéchétiques de Luther par des textes des cantiques72(*), des prémices de la jesusliebe73(*), avec Martin Moller l'un des principaux ténors qui, dans ce mouvement, mettra l'accent sur l'humanité de Jésus dans l'exploitation de Cantique des Cantiques comme centre de l'Unio mystica. L'auteur évoque aussi le cas de la création des premiers cantiques de confiance en Dieu (vertrauenslieder)74(*) alors que le peuple traversait des temps troublés par des conflits doctrinaux, des épidémies et l'ambiance apocalyptique. Ces cantiques sont l'expression d'un peuple en désarroi. Ici, les figures emblématiques sont Ludwig Helmbold (1532-1598) et Kaspar Bienemann (1540-1591). On notera aussi l'ère des cantiques sur la mort (Sterbelieder)75(*) car la confrontation de la mort était plus qu'au quotidien. C'est la conséquence des guerres et des épidémies. Mais l'accent d'importance est mis ici sur le jugement dernier. Il faut citer dans cette vague Bartholomäus Ringwaldt (1530 /1532-1599) et Christoph Knoll (1563-1621). Pour le courant mystique76(*), Philipp Nicolai chercha d'apporter une réaction significative à un courant orthodoxe abstrait dans sa réflexion et oublieux de la foi active. Ce courant valorisera la consolation car considérée comme fruit d'une expérience profonde fondée sur le trinôme « peste, mort et vie » et dont les principaux antidotes aux malheurs de l'époque sont la joie et l'espérance en la vie éternelle. Les principaux textes de cantiques de ce courant se référeront à la très ancienne tradition forgée par Tertullien (ca 155-ca 222), saint Augustin (354-430), le prédicateur Johann Tauler (1361) et Bernard de Clairvaux (1090/91-1153). Les mystiques exploiteront le Cantique des Cantiques et l'Apocalypse comme deux occurrences bibliques de base. James Lyon relève l'apport des psaumes d'Ambrosius Lobwasser et de Cornelius Becker77(*) et des autres auteurs78(*), des sources anonymes79(*), et des mélodistes80(*)dans la création des cantiques pendant cette période difficile de la Réforme où les querelles politiques et religieuses n'allaient que crescendo jusqu'à la guerre de Trente Ans (1618-1648). Mais comme le soutient l'auteur, la musique est demeurée le vecteur qui liait et réconciliait le ciel et la terre. Car l'amour de Dieu se manifestait essentiellement par le chant dans la vie et dans le coeur d'un peuple troublé.

3) Chapitre troisième : La guerre de Trente Ans (1618-1648)

Au troisième chapitre, James Lyon examine la période entre 1618 et 1648. C'est le temps difficile de la guerre. La production des cantiques ne s'est pas arrêtée pour autant. Mais comment se présente le contexte historique ? Quels sont les méandres de la production des cantiques, leurs typologies et les poètes ? Comment est la marche en avant de la Réforme pendant la Guerre de Trente Ans ? Voilà la matière à laquelle l'auteur se soumet dans ce chapitre d'angoisse de la Réforme. Mais cette guerre de Trente Ans n'est elle pas un mal nécessaire qui a imposé un renouvellement en musique d'Église?

Les informations sur la Réforme et les chants protestants, dans ce troisième chapitre, tournent autour des principaux points suivants. Le contexte historique81(*) est dominé par la cristallisation d'un conflit qui trouvera son point d'orgue à la guerre dénommée Guerre de Trente Ans qui n'a pas seulement provoqué de bouleversements sur les plans humain, religieux, politique et économique mais a également suscité une extraordinaire réaction de la part des poètes et des musiciens, créateurs de textes et de mélodies pour les cantiques d'obédience luthérienne dont mille deux cents ont été publiés entre 1618 et 164882(*). La nouveauté est que les cantiques sont aussi destinés à la piété (Frommgkeit) domestique. Le chant est donc pratiqué en commun lors du culte (Gottesdienst) et, individuellement, par le recueillement (Andacht) à la maison. Le temps est devenu celui de la meditatio comme l'attitude principale du chrétien en cette époque troublée83(*). On note ici, bien que les sentiments soient les plus contrastés tant la guerre est la source de perturbations morales et physiques, de nouvelles créations où les auteurs et les compositeurs travaillent en étroite collaboration sont nombreuses car la relation entre la poésie et la musique est renouvelée.84(*) Les typologies sur la fragilité de l'existence humaine, la proximité de la mort et de la fuite du monde d'une part, et celles de la joie de vivre et la recherche du monde et sa nature comme contre-valorisation aux misères et aux destructions que la guerre fait subir aux populations et aux paysans, d'autre part.85(*)

A part les typologies, l'auteur nous fait remarquer l'ère du changement de langage qui devient manifeste dans le travail de la poésie et la composition de chants. Les compositeurs mieux la plupart des musiciens ont bénéficié d'une solide formation théologique. Les chants composés au temps de guerre, les mélodies reflètent, en quelque sorte, le miroir des sentiments vécus par les uns et les autres. Le langage tonal instaure une dualité complémentaire entre le Majeur de l'extériorité et le mineur de l'intériorité, qui est davantage lié à la notion de la piété86(*)des cantiques de louange. Malgré les détresses humaines, les pasteurs et les musiciens d'Église invitent leurs congrégations à exprimer, par leur chant, leur gratitude à Dieu. Les formes poétique et mélodique resteront sensibles aux influences italiennes de l'opéra et du balletto conçu pour les pas de danse. Mais retenons que le fond religieux se réfère toujours à la piété et à l'enseignement luthérien d'origine. C'est encore l'oeuvre de Johann Valentin Andreae (1586-1654) et de Johann Arndt (1555-1621). La tendance d'une rénovation beaucoup plus spirituelle que dogmatique se montre dans les textes de chants et dans le chef des théologiens. Ils encourageront la pratique dévotionnelle sous la forme d'exercices quotidiens. Ils pousseront les fidèles à une attention soutenue au temps de la Passion et à l'amour pour Jésus, fondée sur la thématique de l'Epoux, issue de Cantique des Cantiques. Un ténor emblématique à retenir ici est Johann Crüger (1598-1662) qui créera un nouveau style mélodique et entreprendra son imposant corpus éditorial, publié à Berlin et à Francfort-sur-le-Main. Lui aussi privilégiera la dimension personnelle de la vie chrétienne et entretiendra l'étroite relation entre le « mot » et le « son » (Wort und Ton) de Luther. Les comportements de la piété populaire attacheront une grande importance aux recueils des prières et chants nourrissant la certitude de la foi, l'espérance de la vie éternelle. Les premiers cantiques sur la « mort » (Sterbelieder) et la « pénitence » (Buslieder) susciteront l'émotion des congrégations.87(*)

James Lyon relève encore qu'en cette période de troubles, les textes et mélodies sont beaucoup plus ceux édictés par la psychologie de la fin des temps. Les hommes et les femmes profondément désorientés et désespérés cherchent, alors, une compensation essentielle et, lorsque leur foi n'est pas mise en péril, la trouvent dans l'évocation du Ciel, le lieu de la joie suprême, le paradis, là où les anges chantent et dansent.88(*) Le pasteur Tobias Kiel (1584-1627), auteur d'une célèbre comédie spirituelle et populaire sur le thème du Roi David est l'un des poètes et mélodistes qui nourrissent les textes de cantiques. Mais à ses côtés, il y a Johann Hermann (1586-1630), connu pour ses chants sur la mort tandis que le pasteur et professeur de théologie Johann Mattaus Meyfart (1590-1642, enterré le 30 janvier) qui a beaucoup lutté contre le conflit entre les luthériens et les calvinistes en tentant de trouver un accord, est connu pour ses thèmes sur le jugement dernier et ses cantiques sur la détresse générale basée sur le livre de la Genèse. Ces trois poètes sont les ténors qui forgèrent les beaux textes dans les typologies pour la fin des Temps.89(*) L'auteur mentionne aussi le nom de deux autres poètes : Martin Opitz (1597-1639) et Otto von Schwerin (1616-1679). Le premier qui trouva refuge en Hollande, car chassé par les Espagnols pour son attachement à la cause calviniste, est connu pour ses cantiques du comportement et de l'esprit chrétien, de l'Avent, ceux de la pénitence et du recueillement. Ses cantiques ont le mérite d'être utilisés ou en textes ou en mélodies harmonisées par Bach. Mais aussi sa contribution en un « Traité de la poésie allemande » (Buch der deutschen Poeterey » vaut la peine d'être retenue. Le second, théologien et professeur d'Université voire conseiller d'un prince électeur (Friedrich Wilhelm, 1640-1688) à Berlin, est connu pour ses magnifiques cantiques du soir, de la Résurrection90(*).

En cette période d'angoisse de la guerre et de la peste, James Lyon souligne que les textes de consolation de Johann Heermann (1585-1647)91(*), sont tenus pour les plus importants car ayant de belles et profondes paroles principalement destinées à la « méditation privée » (private Andacht), au dialogue personnel du croyant avec Dieu, et moins pour l'espace communautaire de l'Église. Heermann était fortement influencé par le pasteur et Cantor Martin Moller (1547-1606) et le théologien Johann Arndt est l'auteur de nombreux cantiques mis en recueils. On peut retenir son fameux « dévotion musicale des coeurs : Musique pour la maison et le coeur ». C'est lui le chantre de la consolation et de l'appel à la pénitence par excellence.92(*)

Les poètes ont aussi écrit des cantiques de la guerre93(*) qui faisaient allusion à la situation de la guerre de Trente Ans (1618-1648). On se rappellera que la guerre, comme c'est toujours le cas, avait provoqué les plus grands malheurs moraux et matériels. Les communautés complètement anéanties étaient emparées par le doute. C'est pourquoi les pasteurs-poètes ne devraient qu'encourager leurs fidèles par la création de leurs cantiques, destinés à enrichir le sens des prédications, tout en faisant participer chaque chrétien à l'édification par le chant94(*). Par ailleurs, l'auteur fait remarquer que Johann Rist, le pasteur (1607-1667) et Johann Schop l'ancien violoniste (1590-1667)95(*) ont fait preuve d'une collaboration poétique et musicale exemplaire pendant toute la période de la guerre de Trente Ans et cela jusqu'à leur mort survenue la même année. Schop a composé quatre-vingt-dix-sept mélodies pour les nombreux textes du pasteur Rist. Ses typologies sont très variées. Elles couvrent également toutes les nuances de temps liturgiques.

Le cercle de Königsberg, en dépit de la guerre et son cortège de malheurs, créera « les sociétés de langue » dont l'objectif était de faire de la nouvelle littérature l'instrument culturel d'une société érudite. On y rencontre les aristocrates, les patriciens, et une certaine bourgeoisie, celle qui avait été formée par les Universités. Ils produisirent des recueils de typologies variées par leurs figures emblématiques en l'occurrence Georg Werner (1589-1643) et Georg Weissel (1590-1635) et Simon Dach (1605-1659).96(*)

Un autre fait marquant de la période de la guerre de Trente ans, est celui de la réforme des recueils de Hanovre. James Lyon relève quelques méandres qui entourent l'exigence de la réforme des recueils de Hanovre. Il faut reconnaître que les esprits des communautés avaient été diversement touchés par les tragédies engendrées au cours des trente années de guerre (1618-1648). Les blessures morales et physiques ont mis du temps à se cicatriser. Dans le domaine du cantique, un bouleversement se produira avec la mise en cause de la forme, sinon de l'esprit d'un ensemble de textes entonnés depuis le début du XVIe siècle. Les ténors, en l'occurrence des éditeurs comme David Denicke (1603-1680) et Justus Genesius (1601-1680) s'attaquent ici au concept du Frömmigkeitsbewegung. Entre-temps, de nombreuses vicissitudes théologiques ont malmené le message évangélique. Le peuple était profondément découragé et se tournait vers des pratiques démoniaques. Il fallait le ramener à la foi. La motivation de ces deux poètes était de chercher à sacrifier d'abord à la forme, pensant régénérer, de la sorte, une liturgie alors moribonde, inapproprié, dans le temps et dans l'espace, où vivait un peuple déprimé et reversé dans l'apostasie.

Cette vision de faire la musique d'Église influencera certainement d'autres auteurs tels que : Georg von Lilien (1547-1666) connu pour ses textes et mélodies sur la Passion exploité plus tard par Johann Sebastian Bach, Wilheim Il von Sachsen-Weimar (1598-1662) pour ses cantiques pour le culte (Gottesdienstield), Caspar Peltsch (1600-1648 ?) avec ses cantiques de Noël, Paul Stockmann (1602-1636) pour ses cantiques de la Passion (Passionslied), Samuel Kinner (1603-1668) pour ses cantiques pour la sainte cène (Abendmahlied), Bodo von Hodenberg (1604-1650) pour ses cantiques du matin (Morgenlied), Jacob Peter Schechs [Schechsius] (1607-1659) pour ses cantiques de la Croix et de la consolation (Kruz-und Troslied) et Caspar Ziegler (1621-1690) pour ses cantiques de Noël (Weihnachtslied).

On peut remarquer que tous ces auteurs cités ont eu le privilège d'être repris pour leurs oeuvres dans l'héritage hymnologique de Bach. Le compositeur Bach a exploité leurs textes et mélodies97(*) comme ceux des sources anonymes. La plupart de ces oeuvres reflétaient, comme le miroir, cette période difficile et les cantiques dans l'ensemble s'élaboraient autour des typologies de la mort, la Croix et de la consolation sans oublier celle de la pénitence d'après les Psaumes.98(*) Car, en temps de guerre, la mort est toujours prochaine.

Les affres de la guerre de Trente Ans n'ont pas du tout bloqué l'inspiration aux mélodistes. Car, comme le souligne James Lyon, les plus grands compositeurs de l'époque ont « trouvé » de nombreuses mélodies pour le culte, immédiatement mises en musique à plusieurs voix sous la ruine de la guerre. La plupart même ont bénéficié d'une solide formation théologique qui conférait une authentique dimension spirituelle à leurs créations.99(*) Retenons les figures de proue de ce groupe : le Kapellmeister Melchior Franck (1579 ?-1639), le pasteur Michael Altenburg (1584-1640), le pasteur Bartholomäus Helder, le professeur et poète Matthaus Apelles von Lowenstern Auf Langenhof (1594-1648), le compositeur Heinrich Albert (1604-1651), l'organiste et compositeur Christoph Anthon (1610-1658), le poète lyrique et compositeur Georg Neumark [Der Sprossende, Thyrsis] (1621-1681).

Il sied de faire observer, avant de boucler avec ce chapitre, que tous ces mélodistes ont produit des cantiques qui ont été exploités par Bach pendant ce temps d'incertitude et d'angoisse. Comme le souligne avec assurance notre auteur, Bach exploitera quarante-huit typologies pour soixante cantiques où les thèmes de la confiance, de la consolation, du comportement chrétien, de la pénitence seront spécialement valorisés. Mais il mettra lui-même en musique quarante-huit nouvelles mélodies où la figure tragique et souffrante de Jésus dominera ce corpus. Les textes destinés à l'année liturgique réapparaissent alors qu'ils avaient été quelque peu négligés à l'époque précédente (1562-1618). Par réaction à cette période qui reste l'une des plus dramatiques de l'histoire européenne, les auteurs, poètes, mélodistes, compositeurs, ont réussi à développer une création artistique de haute valeur éthique. James Lyon relève dans son étude un fait paradoxal à la réalité de temps de guerre. C'est comme si la souffrance avait provoqué en ces mélodistes un sursaut essentiel, leur garantissant ce qu'ils nommaient et considéraient alors comme la « paix éternelle ».100(*) La fin de la guerre de Trente Ans, en 1648, fait entrer les Allemagnes dans une époque de transition indispensable à la reconstruction morale et matérielle des populations sensiblement touchées par les affres de la guerre. L'apostasie s'empara du fidèle, il lui arriva de chercher la consolation à ses misères loin de Dieu. De ce désarroi naîtra le Piétisme, mouvement riche et complexe qui instaura une nouvelle attitude chrétienne vis-à-vis de la foi. Mais cette doctrine sera critiquée par les théologiens101(*) parce qu'en désaccord avec l'amour prôné par les Évangiles102(*).

4) Chapitre quatrième : le Temps des mutations (1648-1685)

Dans ce chapitre, Meister James Lyon parle d'un autre temps fort de la Réforme. Il le fait par rapport à la production des chants et ses typologies après la période de la guerre de Trente Ans. Il fait déjà plus d'un siècle après la proclamation de Thèses de Luther. Le protestantisme a affronté plusieurs difficultés et survécu à la guerre de doctrines comme à celle des armes à feu. L'auteur examine les grands moments de ce qu'il nomme Temps de mutations. Son attention, dans ce chapitre, est fixée entre 1648 et 1685. Il traite les points saillants de cette période. Il commence par le contexte historique mais aussi psychologique de ce temps103(*) qui indique l'état d'indigence morale et économique impressionnante dans lequel se trouvaient les Allemagnes. Selon James Lyon, les Allemagnes entraient dans une période de mutation au cours de laquelle la foi ébranlée des populations devait se reconstituer. C'est ici que le rôle des Piétismes sera déterminant. Quelques faits importants de ce contexte sont à relever104(*) :

1. La théologie abstraite sera de plus en plus contestée à l'avantage d'une piété (Frömmigkeit) vécue au sein des congrégations. Les relations entre ces dernières et leurs pasteurs changent en profondeur.

2. L'émergence de la Raison (Vernunft) prépare déjà ce que l'on désigne par Aufklärung. Le répertoire des cantiques subit des transformations théologiques et poétiques significatives.

3. Un nouveau type de mélodie apparaît avec le concept de Frömmigkeitsmelodie. Il faut indiquer avec James Lyon que ce type de mélodie s'est beaucoup plus développé chez le chrétien désemparé, et créa un profond sentiment de piété105(*).

4. L'éclosion de la piété sous un autre jour où le sentiment mystique se renforce par l'émotion qui fait face à la légalité mystérieuse de l'existence.

5. La production abondante de la poésie du courant piétiste. La figure la plus représentative de ce courant est, sans conteste, Johannes Angelus Silecius (1624-1677), chantre de la poésie pastorale par l'Unio mystica. Le théologien de Rostock, Heinrich Müller (1631 -1675), inaugure, de son côté, en 1659 un nouveau type de Gesangbuch. Il faut indiquer que Müller anticipera sur Darmstädter Gesangbuch de 1698 et sur le corpus du piétiste Johann Anastasius Freylinghaussen (1670 -1739)106(*).

6. Le chant, comme le soulignera le Père du Piétisme historique, suscitera le réveil, l'enthousiasme. Il contribuera à l'amélioration du monde intérieur, à l'édification de soi-même et renforcera le combat missionnaire. De plus, il forgera une relation avec Jésus. En 1649, Martin Lamprecht, un libraire de Lunebourg, publiera aussi un recueil de cantiques luthériens.

Pour Meister Lyon, c'est la préface de ce recueil de Martin Lamprecht qui est essentielle pour comprendre le contexte historique et psychologique, ainsi que le rôle joué par le chant, la musique et le répertoire des Kirchenlieder en ces temps de crises. On y trouve le chant à l'église et à la maison, celui des psaumes de David, roi et prophète, pour l'acquisition et la certitude du salut. Ce chant monte aux oreilles de Dieu. Son recueil est donc destiné à la dévotion privée, domestique.

Le Temps des mutations est aussi connu pour la collaboration étroite entre Paul Gerhardt (1607 -1676) et Johann Crüger (1598 -1662) qui lièrent une amitié profonde et complémentaire. Nous pouvons nous permettre de nommer cette collaboration la symbiose, car chacun de deux avait quelque chose à apporter dans cette relation musicale. Il faut dire que pour les deux, c'est une amitié entre le pasteur-poète et le musicien. L'auteur relève que leur amitié et collaboration ont été l'une des plus fécondes de toute l'histoire de l'hymnologie protestante allemande107(*). Il faut aussi relever le dépassement qu'il y a dans cette contribution hymnologique. Les compositions poétiques de ces auteurs s'ancraient dans le respect de la culture luthérienne tout en lui donnant l'ouverture à une nouvelle forme de piété. Leur contribution hymnologique insistait sur le recueillement face à l'adversité. C'est ainsi que le répertoire sera aussi pratiqué à la maison sous forme d'exercices destinés à approfondir la connaissance de Dieu et sa providence. Il faut indiquer que :

1. La poésie de Gerhardt est fondée dans l'ensemble sur les notions de « consolation » (Trost), de « joie » (Freude), et de « fidélité » (Treue).

2. Le pasteur luthérien est ici désigné comme le « chanteur de la joie et du réconfort » dont les thèmes privilégiés sont la Passion, la « prière » (Beten), la « vie chrétienne) (christliches Leben), la « croix » ( Kreuz), le « reconfort » (Erquickung), la « mort » (Tod) et la « vie éternelle » (ewiges Leben).

3. Crüger composera des mélodies très caractéristiques pour les textes de son ami. Ces mélodies étaient imprégnées par la foi et les épreuves vécues.

4. Leur travail commun se concrétisera, une première fois, par la publication de dix-huit cantiques de Paul Gerhardt, en 1647 à Berlin, dans la seconde édition de la Praxis pietatis melica («  Pratique musicale de la piété ») qui est une collection emblématique initiée par Grüger.

5. Crüger publiera, entre 1647 et 1661, quatre-vingt-huit cantiques de Paul Gerhardt. Il créera une forme de mélodie inhérente à un certain type de spiritualité. Pour lui, la pratique du chant est pieuse. Il prône la dualité Majeur-mineur en substitution des anciens modes. Il s'intéresse à la culture mélodique du Psautier de Genève et adapte, dans le nouvel esprit, d'anciennes mélodies.

6. En authentique pédagogue, Johann Crüger préconise, dans ses traités, que le chant doit être pratiqué avec « plaisir ». Ce faisant, il s'oppose à un enseignement fondé sur la « contrainte ». La musique est source de « joie céleste » (Himmelsfreude), affirme-t-il, en 1660, dans ses Musicae practicea praecepta (Préceptes de musique pratique).

7. Crüger est marqué par la culture luthérienne selon laquelle l'exercice quotidien de la musique rend heureux. Il aura contribué à une synthèse harmonieuse des hymnologies luthérienne et calviniste dont Bach utilisera treize de ses mélodies.

L'histoire de chants protestants que présente James Lyon dans ce chapitre retient aussi la contribution des poètes de Silésie et de Lusace. Les auteurs de cette région partagent un profond sentiment mystique en exaltant l'union avec Jésus, souffrant sur la Croix et dialoguant, le plus souvent avec « l'âme » (Seele)108(*). Lyon cite deux figures de proue de cette région : David Behme (1605-1657) et Johann Franck (1618-1677). Ces deux contribuèrent eux aussi de manière déterminante à l'hymnologie protestante avec des typologies variées. Ils ont fait ce travail allant de thèmes de la prière de Notre Père, cantique de la pénitence, cantique de désaveu du monde, le cantique de noël, le cantique de la sainte cène, pâques, pentecôte... en un sens, sur le temps liturgique109(*).

On note aussi l'apport des poètes de Saxe et de Thuringe qui, comme des pédagogues, au cours d'une période marquée par les troubles de la guerre de Trente Ans (1618-1648), utilisaient quotidiennement le chant pour encourager leurs élèves à célébrer constamment l'annonce de la « Bonne nouvelle »110(*). C'est l'oeuvre de christian Keimann (1607-1662) Michael Franck (Staurophilos, 1609-1667) qui rechercha l'unité entre le texte et la mélodie, pour la « régénération de l'Esprit », Johann Flittner (Flitner) (1618-1678), Ahasverus Fritsch (1629-1701) et Samuel Rodigast (1649-1708) connu pour son fameux poème : « Ce que Dieu fait est bien fait »111(*). Retenons que les poètes du Nord de l'Allemagne sont principalement marqués par le style et la pensée du pasteur et poète érudit, Johann Rist (1607-1667)112(*).

Un autre fait marquant de ce Temps des mutations, c'est la poussée de la dualité inséparable pour le chrétien protestant allemand autour de la Bible et le recueil de cantiques. C'est l'apport de l'exégèse biblique qui occasionne cela. Chaque jour, le chrétien lit la Parole de Dieu et la chante aussi bien à la maison qu'à l'Église. Les musiciens et les poètes bénéficient d'une formation théologique. Ils se nourrissent des travaux herméneutiques de grands auteurs, en l'occurrence, Johann Olearius (1611-1684). Père de l'art du chant spirituel, Olearius est auteur de deux cent quarante textes de cantiques exploitant les typologies très variées. Pendant cette période, l'attachement à la formation théologique et la lecture de la Bible poussa les compositeurs près de brefs commentaires des textes bibliques, sur l'enseignement de Martin Luther (1483-1546) et des Pères de l'Église. Ces travaux, comme le soutient James Lyon, ne se situent pas en contradiction avec une théologie pratique, qui se concrétise dans la vie quotidienne ; la réflexion commande l'action113(*).

L'Ecole de Johann Scheffler [Silesius] n'est pas la moindre dans cette période de mutations. Car avec Johann Scheffler ou Johannes Angelus Silecius (1624-1677) qui est connu comme le chef de file de cette école, la pensée mystique sera fondée sur la tolérance et l'intérêt pour un langage symbolique reliant toutes les formes de pensée religieuse : la kabbale juive, la mystique médiévale, la théosophie de Jacob Böhme (1575- 1624)114(*). Aujourd'hui, on se réfère à son ouvrage principal, Cherubinischer Wandersmann (« Le Pèlerin chérubinique »), publié en 1657, comme la source essentielle de la poésie mystique allemande.115(*) Les prémices du Piétisme comme celles de Piétismes mystique et reformé sont aussi des points saillants des Temps des mutations116(*). Si le cheminement des Piétistes allemands a été long et complexe, Philipp Jakob Spener (1635-1705) et August Hermann Francke (1662-1727) avec leurs publications frayeront la voie qui réagira contre l'enseignement, délibérément aristotélicien, d'une théologie éloignée de la « piété ».

Dans cet effort et à leur suite, il faut citer Christian Scriver (1631-1675) qui aura exercé son ministère pour la mystique spiritualiste des prémices du Piétisme car adepte de la Frömmigkeitsbewegung.117(*) Le pasteur et théologien Heinrich Müller est aussi retenu pour son combat contre la théologie abstraite pour mieux revendiquer ce qu'il nommait lui-même « une théologie du coeur » où l'influence de Bernard de Clairvaux (1090/91-1153) sur ses oeuvres est indéniable. Müller s'intéressera beaucoup plus à la fonction de la musique pendant la célébration du culte. Son influence sur la pensée musicale de Bach est essentielle. Les Piétismes mystique et réformé sont un mouvement complexe dans sa diversité. Ceux-ci sont favorables à une séparation d'avec l'institution ecclésiale, alors que le Piétisme réformé s'inspire en partie, de la théologie calvinienne.

Les autres auteurs érudits dont beaucoup de théologiens et de prédicateurs118(*) mais aussi des sources anonymes très nombreuses nourriront le Temps de mutations par des poésies et mélodies multiples forgées autour de Piétisme.119(*) Il faut indiquer avec l'auteur que la plupart des mélodistes étaient des compositeurs confirmés dont l'oeuvre s'étend aussi bien à la musique d'Église qu'à la production séculière. Les mélodistes de ce temps sont réputés dans la fertilité de relier leur création musicale aux péripéties de la vie quotidienne.120(*)

En de tels temps troublés, renchérit James Lyon, la musique n'a jamais la seule valeur esthétique. Elle est l'expression intime et convaincue de ce que pensent les hommes de ce temps, de leur relation essentielle avec Dieu et, surtout, avec son Fils Jésus, mourant sur la croix. Cette période de Piétisme a investi la nouvelle réflexion chrétienne. Il a inspiré la vie quotidienne, à « l'Église » (Kirche), à « l'Ecole » (Schule) et à la « Maison » (Haus).121(*) Johann Sebastian Bach, contemporain du débat entre les tenants de l'orthodoxie, les piétistes et les philosophes « éclairés » (Aufklärer) exprimera par son art, la réponse à la double question théologique et philosophique sur le sens de la vie et celui de l'art. Avec lui, les querelles esthétiques prendront souvent le pas sur la mise en perspective d'une musique vécue au quotidien, peu soucieuse de représentation, mais d'abord vouée au seul respect et à la gloire de Dieu. (Soli Deo Gloria).122(*)

L'essentiel de ce quatrième chapitre de l'ouvrage de James Lyon nous retrace les méandres de l'histoire de cantiques et recueils protestants depuis la Réforme. Il y a une sorte d'hégémonie des Piétismes qui s'impose ou mieux impose son orientation de la pensée hymnologique laquelle ne cherchait qu'à reconstituer les morceaux de foi ébranlée des populations Allemandes qui se trouvaient, à cause de la guerre de Trente Ans mais aussi des calamités et la peste, dans un état d'indigence morale et économique très malheureuse. Pourra-t-on prétendre que le contexte psychologique de crises jetant tout un peuple en souffrance se trouve-il être celui de beaucoup de productions hymnologiques ?

5) Chapitre cinquième : Les Piétismes, l'Orthodoxie tardive et l'Auflklärung (1685-1750)

Au dernier chapitre de son ouvrage, Meister Lyon se soumet à un exercice difficile. Il cherche à expliquer ce qu'on peut appeler « le terrain d'attente » entre les tenants de l'orthodoxie, les piétistes (les défenseurs de la foi) et les philosophes « éclairés » (Aufklärer) (les défenseurs de la raison). Il le fait par rapport à l'art de production de nouveau répertoire de cantiques entre 1685 et 1750. Il cherche et trouve ce dépassement dialectique beaucoup plus dans l'oeuvre de Johann Sebastian Bach. Pour lui, et c'est vrai, c'est Bach qui donne la bonne réponse à la double question théologique et philosophique sur le sens de la vie et celui de l'art. L'apport des Piétismes et de l'Aufklärung dans le travail de la création des cantiques protestants entre 1685 et 1750123(*) où le contexte historique est celui de l'aboutissement des mutations décrites dans le chapitre précédent.124(*). L'auteur traite de ces quelques points essentiels qui présentent, de manière éloquente, les méandres de cet aboutissement. Nous le relevons succinctement.

Retenons que, dans un premier temps, l'auteur examine le contexte historique et doctrinal de cette période mais aussi la quiddité de l'apport du « Piétisme de Halle ». Il évoque les quelques controverses de Piétistes radicaux, missionnaires et de sympathiques qui tenaient à en finir avec « l'Église visible » mais aussi de la défense de l'orthodoxie luthérienne des autres auteurs sans oublier certaines sources anonymes qui contribuèrent très efficacement à cette entreprise pendant l'Aufklärung. Relevons les traits caractéristiques de chaque point majeur de ce chapitre.

1. Le contexte. Il faut dire le contexte historique et doctrinal qui couvre cette période, tel que nous le présente James Lyon, est celui qui fait sauter aux yeux le développement des sensibilités piétistes qui s'opposaient résolument aux orthodoxes, partisans d'une théologie abstraite et intellectuelle125(*). Les deux groupes antagonistes en présence excellaient dans l'élaboration des textes et mélodies des cantiques qui véhiculaient leurs présupposés théologiques divergents. C'est ici que le travail du compositeur Johann Sebastian Bach s'érigera. Il empruntera ses textes et mélodies de cantiques à tous les courants. Il les transcendera, en quelque sorte, par son génie. Grâce à Bach, la Frömmigkeitsmelodie aura désormais des adeptes. La prière, la médiation sur Jésus, la vocation à le suivre, par une certaine forme d'exaltation, suscitera l'étonnant corpus, publié à Halle, par Johann Anastasius Freylinghaussen (1670-1739).126(*) Le rayonnement pédagogique et caritatif de Halle est incontestable. Il trouve son appui sur un biblicisme sobre qui réconciliera, à la fois, le réveil et l'éclosion de la raison, d'où la confrontation positive entre Aufklärung et Piétisme, qui portera son empreinte dans l'oeuvre du Thomascantor. L'émulation entre le chant d'assemblée, solennel, isométrique, et le chant domestique, marqué par le rythme de danse, introduit à une harmonieuse complémentarité127(*).

2. La création piétiste de Halle s'est beaucoup plus développée sous l'impulsion d'August Hermann Francke, à partir de sa propre conversion. Sa pédagogie, il la doit beaucoup à la Réforme de l'humaniste et pédagogue tchèque Comenius (1592-1670) mais aussi à celle du suisse Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827)128(*). Il faut reconnaître que cette nouvelle vision dans la création de cantiques fondée sur une autre conception de la « charité » (agapè), introduira à une pédagogie de la vie dont le chant sera l'élément primordial mieux fondamental. A l'Église, un chant d'assemblée isométrique est adapté, notamment, par le Kapellmeister Wolfgang Carl Brigel (1626-1712) ; à la maison, pour la Hausandacht, la famille se retrouve dans la pratique de Sololied ou aria, de caractère rythmique. Les auteurs de ce courant sont aussi très nombreux avec des typologies variées mais demeurant toujours fidèles à la vision piétiste de l'hymnologie. Il est important de noter que ces auteurs sont pour la plupart ceux de l'école de Philipp Jakob Spener (1635-1705), le père du Piétisme historique.

3. Les piétistes radicaux, missionnaires et sympathisants sont ceux des compositeurs et mélodistes qui n'ont pas suivi entièrement la conception proposée par Philipp Jakob Spener pour une nouvelle réforme de l'institution ecclésiale. Ils sont radicaux car certains ont préféré adopter une ligne plus radicale en se séparant de l' « Église visible », spécialement de ses conventions en matière de rites. Le maître à penser de ce courant était le cordonnier-théosophe Jacob Böhme (1575-1624)129(*). Böhme draina derrière lui un nombre important de grands théologiens-poètes parmi lesquels figurent Christoph Wegleiter (1659-1706), Gottfried Arnold (Christophorus Irenaeus) (1666-1714) qui, beaucoup influencés par Spener et Böhme, introduisirent l'idée d'une décadence dans l'histoire de l'Église.

4. La défense de l'orthodoxie luthérienne bien que trop souvent théorique et source des discussions subtiles conduisant à de vaines polémiques, avait néanmoins l'avantage de produire et conserver le répertoire de chants destinés au culte qui surmontaient aussi aisément les querelles doctrinales.130(*) Pour ce courant, la source se trouve être dans l'héritage direct de la théologie de la musique telle que prônée par Martin Luther tout en s'inspira de la culture piétiste.131(*) Ici, on retiendra quelques noms des auteurs : Johann Gottfried Olearius (1635-1711) pour son influence sur Bach son supérieur hiérarchique de l'organiste de la Neue Kirche, Erdmann Neumeister (1671-1756) qui ouvrit une nouvelle voie aux textes des cantates, mis en musique non seulement par Bach, mais aussi par Johann Philipp Krieger (1649-1725), Georg Philipp Telemann (1681-1767) et Philipp Heinrich Erlebach (1657-1714).132(*) Le dernier à citer à cause de sa contribution théologique dans la musique d'église est Valentin Ernst Löscher (1673-1749). Son opposition au « Piétisme de Halle » bien que sans grand succès, est fondée sur sa compréhension théologique de la justification par la foi seule. Il tentera d'établir une nouvelle culture en traitant la question de la vérité sur la théologie et l'Église. Selon lui, les rapports au sujet de la vérité sont nécessaires pour la foi chrétienne. Il est donc le tout dernier représentant emblématique de l'orthodoxie luthérienne tardive.133(*)

5. Les autres auteurs de figures représentatives ou non et les sources anonymes ont aussi contribué à l'érection fondamentale d'une hymnologie protestante pendant la période de l'Aufklärung. Les oeuvres de Bach qui les reprennent et son effort de compositeur qui cherche à établir une synthèse harmonieuse entre l'orthodoxie de l'Église à sauvegarder, la mystique qui unit le chrétien à Christ et la raison qu'impose l'Aufklärung en sont un témoignage remarquable134(*).

Au moment de conclure ce chapitre, retenons avec James Lyon que face à la poussée de la raison, la conception de la vie évoluera considérablement. Car il fallait trouver un accord entre les chantres de la foi et ceux de la raison. Et la musique réussira à taire ces divisions. Et Bach dans le monde de la Réforme protestante à l'heure de l'Aufklärung est une figure de fierté protestante. Si en général, la musique était au service d'une foi vivante et active, celle de Bach a été l'expression de la piété la plus authentique et la maîtrise de la science musicale à son plus haut degré. Avec lui, la piété et la science se réconcilient, de la sorte, par la conversion du « coeur » (Herz). Le chrétien, seul face à Jésus, essentiellement valorisé, se substitue à la communauté des polémiques. Il travaille quotidiennement à sa conversion, à sa sanctification personnelle, par la pénitence. Il se dégage ici une autre prise de conscience du péché grâce au réveil intérieur, au changement, en vue d'une vie nouvelle. James Lyon fait un rapprochement d'un passage célèbre des écrits johanniques à la nouvelle conception théologique du Piétisme. C'est ainsi qu'à l'instar de Jn 4, 23 qui dit : « Mais l'heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en vérité ; car ce sont là les adorateurs que le Père demande », le Piétisme préconisera une théologie du « coeur » face à la raison de l'Aufklärung. Le « cantique doctrinal » (Lehrlied) disparaît en même temps que le chant liturgique dépérit. La musique domestique, pour chaque jour et chaque moment de la vie ordinaire, se développe considérablement. Le Psalmlied est particulièrement valorisé.135(*)

Il faut conclure avec cette imposante généalogie hymnologique de chants de recueils.

6) Conclusion de la recension

Nous venons de rendre, dans les lignes qui précèdent, l'essentiel de l'histoire de la création des cantiques et recueils protestants depuis la Réforme selon ce que nous avons puisé dans le guide de James Lyon. Ce guide structuré en cinq chapitres chronologiques nous a éclairé sur le lien analogique et chronologique dans la production des chants de recueils. L'auteur a laissé voir l'apport des poètes, des mélodistes et surtout des théologiens dans ce travail l'époque de Luther.

Selon James Lyon, l'élaboration et la production des chants protestants ne peuvent pas se comprendre ni s'expliquer, pour une meilleure interprétation, en dehors de leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique. C'est autrement affirmer que, derrière chaque cantique, existe une histoire. Cette histoire a des liens psychologique (individuel ou collectif) où les sentiments tiennent une densité importante, religieux (individuel ou collectif) où les rapports entre l'humain et un pouvoir surnaturel dominent, sociologique où les faits sociaux sont pris en compte et théologique où la vie individuelle ou collective est comprise par la voie des textes sacrés, en l'occurrence la Bible en ce qui concerne la présente étude.

Les chapitres parcourus présentent une indication éloquente de l'herméneutique des formes poético-théologiques en typologies variées, assortie des oeuvres des auteurs qui ont accompagné la Réforme à travers les siècles. Mais qu'en est-il des typologies relevées dans cette lecture de la marche en avant de la Réforme ?

* 41 Ibid., p. 3.

* 42 Ibid., p.4.

* 43 Ibid.

* 44 Ibid., pp. 5-6.

* 45 Ibid., p. 16.

* 46 Ibid., p. 18.

* 47 Ibid., p. 21.

* 48 Ibid., p. 31.

* 49 Ibid., p.34.

* 50 Ibid., p. 36.

* 51 Ibid., p. 38.

* 52 Ibid., pp. 16-44.

* 53 Ibid., pp. 46-47.

* 54 Ibid., p. 49.

* 55 Ibid., p. 50

* 56 Ibid.

* 57 Ibid.

* 58 Ibid.

* 59 Ibid.

* 60 Ibid.

* 61 Ibid.

* 62 Ibid.

* 63 Ibid.

* 64 Ibid.

* 65 Ibid.

* 66 Ibid.

* 67 Ibid.

* 68 Ibid., p. 51.

* 69 Ibid., p. 52.

* 70 Ibid.

* 71 Ibid.

* 72 Ibid., p. 53.

* 73 Ibid., p. 64.

* 74 Ibid.

* 75 Ibid., p. 66.

* 76 Ibid., p. 73.

* 77 Ibid., p. 74.

* 78 Ibid., p. 75.

* 79 Ibid., p. 76.

* 80 Ibid., pp. 76 -78.

* 81 Ibid., p.86.

* 82 Ibid.

* 83 Ibid.

* 84 Ibid.

* 85 Ibid.

* 86 Ibid., p.87.

* 87 Ibid., p.87.

* 88 Ibid.

* 89 Ibid., pp. 87-91

* 90 Ibid.

* 91 Ibid., p. 92.

* 92 Ibid.

* 93 Ibid.

* 94 Ibid.

* 95 Ibid., p.101.

* 96 Ibid., p.105.

* 97 Ibid., pp. 109-113.

* 98 Ibid., pp. 109-115.

* 99 Ibid., pp. 115-120.

* 100 Ibid., p. 120.

* 101 Selon J. LYON, les théologiens descendaient de leurs chaires universitaires et exerçaient leur mission auprès des affligés.

* 102 Ibid., p. 121.

* 103 Ibid., p.124.

* 104 Ibid.

* 105 Ibid.

* 106 Ibid.

* 107 Ibid.

* 108 Ibid., p. 138.

* 109 Ibid., pp. 138- 140.

* 110 Ibid., p. 140.

* 111 Ibid., p. 144.

* 112 Ibid.

* 113 Ibid., p. 146.

* 114 Ibid.

* 115 Ibid., p.148.

* 116 Ibid., p. 150.

* 117 Ibid., p.150.

* 118 Ibid., p. 153.

* 119 Ibid., p. 163.

* 120 Ibid., p. 164.

* 121 Ibid., p. 171.

* 122 Ibid.

* 123 Ibid., p. 174.

* 124 Ibid.

* 125 Ibid.

* 126 Ibid.

* 127 Ibid.

* 128 Ibid., p.174.

* 129 Ibid., p. 179.

* 130 Ibid., p.184.

* 131 Ibid.

* 132 Ibid., pp. 184-185.

* 133 Ibid., p. 185.

* 134 Ibid., p. 193.

* 135 Ibid.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams