Les études des tendances de recours à
l'externalisation en Europe et en Afrique du nord
affichent des résultats à la limite
spectaculaires. Cependant, bien que des théories soient arrivées
à légitimer cette stratégie, il apparaît
évident qu'il ne suffit pas d'y penser ou d'y recourir automatiquement
lorsqu'on est face à certaines situations. La garantie d'un retour
d'expérience frappant tient à la réussite de
l'implémentation du processus d'externalisation. A cet effet, le plus
grand apport littéraire est fort probablement celui de FIMBEL (2002). Ce
chercheur a, au terme d'une thèse consacrée à
l'identification des facteurs qui ont conduit au succès de quatre-vingt-
quatorze (94) externalisations au sein de l'union européenne,
proposé une démarche à laquelle plusieurs auteurs se sont
greffés en y apportant de plus amples commentaires. Ce dernier fait nous
est apparu comme une légitimation de la richesse ou «
l'exhaustivité » de l'approche brodée par le
spécialiste de l'externalisation, d'oü notre choix de le prendre
nous aussi comme point de départ.
Ce chapitre s'attèlera à présenter un
modèle (section I), et tout en précisant la notion de
succès, il apportera quelques illustrations (Section II) pour
étayer cette première partie de notre propos.
39 WARREN, 1996
SECTION I. LA DEMARCHE D'EXTERNALISATION REUSSIE: LE
32
MODELE DE FIMBEL40
Formaliser une démarche qui permette aux entreprises
d'arriver à un jugement positif de l'externalisation revient à
leur proposer un mode opératoire qui inclut certains
éléments essentiels. Organiser une équipe de projet,
prendre les engagements managériaux nécessaires, définir
leurs besoins, leurs objectifs, les priorités de l'organisation,
identifier et choisir l'alternative appropriée, évaluer les
risques et bénéfices de cette option, négocier un contrat
d'outsourcing, prendre en compte les mécanismes
d'administration et contrôle de la relation, du contrat et de la
prestation (WARREN, 1996). Pour FIMBEL (2002) cela tient à une
démarche en trois (03) phases et dix- sept (17) étapes. Une phase
pré- décisionnelle (I), une phase de mise en oeuvre et une phase
de fonctionnement- exploitation (II).
I. LA PHASE PRÉ- DÉCISIONNELLE
L'un des arguments avancés par ceux qui
considèrent l'externalisation comme une stratégie est le fait que
la décision d'outsourcer repose sur un diagnostic
stratégique (MANASOVIC, 2010). La phase pré-décisionnelle
est probablement la plus importante de trois (03). Elle est celle pendant
laquelle on étudie la faisabilité du projet, on émet des
objections, etc. (B.). Elle est celle présentée dans
l'encadré N°1 du chapitre II (A.)
· Les étapes N°1 et 2
Le moment clé N°1 ou étape N°1
correspond à la survenance ou l'observance de facteurs suggérant
l'outsourcing à l'entreprise. Concrètement, il s'agit
d'un constat -généralement fait par le responsable d'un
département de l'entreprise- qui exprime un besoin que l'on peut
traduire en l'un ou plusieurs des motifs décrits dans le second
paragraphe de la section deuxième du chapitre précédent.
Le domaine concerné peut être une fonction, une sous- fonction ou
tout simplement une opération de l'un des départements suivant :
Informatique- Télécommunications, Distribution, Logistique-
Transport, Services Généraux, Ressources Humaines,
Administration- Finances, Production ou Marketing- Communication
(Baromètre ERNST & YOUNG, 2002).
L'externalisation à ce moment n'est encore qu'une
possible solution. Le top management l'explore en commençant par la mise
sur pied d'un premier comité de direction dont la première
tâche consistera à justifier l'idée en vérifiant le
besoin auquel l'entreprise fait face et les alternatives dont elle dispose.
· L'étape N°3 et ses
facteurs de succ~s
Le comité de direction est ensuite chargé de
planifier, contrôler les investigations relatives à la
faisabilité du projet. Il suit pas-à-pas, non seulement les
études économiques et financières, techniques, sociales et
organisationnelles, mais aussi politiques, juridiques entre autres.
2. Les facteurs de succès
Le succès de ces étapes tient essentiellement
à deux choses :
· La composition du comité de
direction des études.
Le comité de direction doit inclure des membres du
comité exécutif de l'entreprise, les responsables de division
touchés par une éventuelle opération
d'outsourcing, des experts en externalisation indépendants
(WARREN, 1996).
· La maitrise de l'environnement de
l'entreprise par le comité de direction
La maitrise de l'environnement global et du secteur
d'activité de l'entreprise et la compréhension du domaine en
cause sont deux (02) compétences clés dont doivent disposer les
acteurs de ces études.
B. QUELQUES DETAILS SUR LES ETUDES
34
Si le comité de direction peut présenter ses
résultats dans une matrice SWOT41, il est en
revanche difficile de concevoir une matrice globale car, on
ne peut statuer sur les atouts ou faiblesses des entreprises de manière
générale. Ce qui est atout pour un dirigeant devient facilement
frein pour un autre. A titre d'illustration, un atout dont peut disposer une
entreprise est d'avoir parmi ses ressources Critiques un personnel
compétent qu'elle pourrait affecter à la gestion des interfaces
entre l'entreprise et le prestataire ou encore à la gestion du
changement. Pour l'entreprise qui ne peut miser sur une telle ressource
«l'atout» devient faiblesses. Nous nous sommes de fait,
limités à quelques obstructions (en termes de risques et de
freins) couramment faites à la décision d'externaliser à
cette étape du processus.
1. Les tisques
· Les risques financiers
En matière d'outsourcing les risques
financiers s'analysent à partir des causes d'un échec ayant
impliquant des pertes financières ou des couts d'opportunité.
Deux (02) principales causes sont alors souvent citées : la
pérennité économique du prestataire et la
compétence du prestataire.
Pour illustrer lien entre la pérennité
économique et l'outsourcing QUELIN et BARTHELEMY(2001)remarque
que : « certains marchés connaissent des vagues de nouveaux
entrants attirés par une forte croissance ne peuvent apporter les gages
ni de l'ancienneté, ni de l'expérience accumulée
».Autrement dit, il arrive qu'on observe un afflux de prestataires de
domaines externalisables sans que cela ne constitue une opportunité car
la capacité du prestataire à suivre l'évolution
économique de l'entreprise est un critère déterminant. Une
offre qui ne peut pas s'adapter à l'extension de l'entreprise induira
à moyen ou à long terme des couts de résiliation. Or un
problème majeur pendant la phase d'étude tient à la
possibilité d'avoir toute l'information nécessaire et fiable pour
mener une analyse poussé de la solidité financière du
prestataire.
Concernant la compétence du prestataire, elle constitue
un problème dans un contexte tel que le Cameroun où quatre-vingt
et un pour cent (81%) des entreprises ont moins de dix (10) ans d'fige (RGE-
INS, 2009) et donc ne disposent pas d'une certaine expérience.
· Les risques de concentration et de
contrepartie
Le risque de concentration découle du fait que le nombre
des prestataires extérieurs est parfois limité et que le
marché est relativement concentré. Cette situation est courante
dans le
41Strengt, Weakness, Opportunities, Threatness
35
secteur bancaire notamment s'agissant du transport de fonds ou du
traitement des chèques (BOURDEAUX, 2008).
La difficulté -voir l'impossibilité- de trouver
dans l'environnement des prestataires compétents à moindre
coûts est le moindre des maux, car dans un tel contexte, on est
exposé à une forte probabilité de voir le risque de
contrepartie se réaliser, c'est-à-dire, de devoir in
fine être victime de la défaillance du prestataire. Cette
limite du prestataire peut se traduire par : l'inefficacité des
résultats produits par l'entreprise- prestataire, l'atteinte aux
conditions de confidentialité et sécurité des informations
de l'entreprise (AKSISSOU, 2006).
· Le risque technologique
Le risque technologique recouvre l'incertitude à propos
de la capacité du prestataire à faire les bons choix
technologiques pour offrir le meilleur service, à meilleur
coût.
Pour l'informatique, les télécommunications, la
logistique et la R&D, le risque technologique également
apparaît important dans la mesure où plus le temps
s'écoule, et moins il est facilement observable par le client. A terme,
l'un des dangers est de se voir imposer une solution propriétaire dont
on ne peut facilement se défaire (QUELIN et BARTHELEMY, 2001).
· Le risque de dépendance
vis-à-vis du prestataire
TONDEUR et HUYNH (2011) sous- divisent le risque de
dépendance en quatre (04) niveaux :
- Le risque de perte de savoir-faire. Il est
inhérent au fait que l'entreprise externalisatrice se
défait de ses ressources soit en les transférant
soit en les cédant. Elle peut alors perdre sa
capacité à innover, à se
métamorphoser (QUELIN et BARTHELEMY, 2001) ;
- Le risque de Perte de contrôle, perte de
maîtrise. L'on est en présence de la réalisation du
risque de perte de contrôle lorsque l'entreprise n'est
plus à méme d'évaluer la qualité de la
prestation qui lui est servie, mais elle peut encore changer de
prestataire ;
- Le risque de dépendance. On a ici passé
le risque de perte de contrôle et atteint un stade ou l'externalisation
n'est pas transférable ;
- Le risque de hold- up. On parle de hold- up
lorsque l'entreprise est dorénavant si dépendante du prestataire
qu'elle ne peut faire autrement que comme celui- ci le lui demande.
· Les risques de mouvements sociaux
Les risques de mouvements sociaux sont liés soient aux
changements organisationnels subséquents à l'externalisation
(démotivation suite à une redéfinition des postes et des
fonctions, des tâches, des méthodes de travail ...), soit aux
conséquences sociales immédiates de
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l'externalisation (transfert de ressources, licenciements,
reclassements parmi ceux qui sont transférés chez le prestataire)
(VERA42, 2002).
Pour les surmonter, on recourt généralement
dans le premier cas, à des techniques de gestion de changements
organisationnels procédant de la communication, la formation des
employées... Et dans le second à l'inclusion dans le processus de
choix du prestataire de critères relatif aux conditions de travail du
prestataire ou à des réflexions quant aux indemnités de
licenciements (le GOUVERNEUR, 2002).
2. Les freins
? Les freins psychologiques
Les freins psychologiques font référence soit
au manque de volonté ou de maturité intellectuelle des dirigeants
d'entreprise, soit à un manque de confiance prononcée aux
prestataires à maints égards (compétence, aptitude
à garder le « secret professionnel) (AKSISSOU, 2006).
? Le degré de proximité de la
fonction avec le coeur de métier
Il s'agit là d'une limite qui ne tient que pour les
novices dans l'externalisation. Ceux qui ont une dizaine d'années
d'expérience en la matière en effet se livrent de plus en plus
à l'outsourcing de domaines relevant du coeur de métier
(CHANSON, 2007).
S Le niveau de fiabilité de
l'environnement juridique
L'environnement juridique doit être fait d'acteurs
capables de statuer en toute impartialité en cas de conflit entre les
contractants. De méme le contexte de l'entreprise doit être nanti
d'une de la législation du travail souple en matière de mouvement
de personnel et qui statue avec précision sur les questions
d'échange d'employé.
Si au terme de ces études le premier comité de
direction du projet arrive à des constats satisfaisants ou surmontables,
il passe le relais à l'organe décisionnel.
II. L'AVENTURE DE L'EXTERNALISATION PROPREMENT DITE
Par aventure de l'externalisation, nous entendons le moment
ou le déploiement de la stratégie comme à être
effectif au sein de l'entreprise. Elle va donc de la mise en oeuvre de
l'outsourcing (A.) à son exploitation (B.).
42 Directeur fondateur de BIPORIS, entreprise intervenant
BIPORIS dans la mise en place de Centres de Services Partagés (CSP), de
contrats d'externalisation.