CHAPITRE I. GENESE DE L'INSTITUTION.
§1. Les doyens ruraux dans l'Europe
médiévale.
Les diverses études qui ont été
menées jusqu'à présent permettent de démontrer que
l'importance des fonctions décanales varie d'une région à
l'autre. L'étendue des évêchés, leur organisation
hiérarchique, la législation locale et l'intervalle de temps qui
sépare l'apparition des doyennés de celle des
archidiaconés sont autant de facteurs qui peuvent expliquer l'origine de
ces différences.
Dans la plupart des diocèses du nord et de l'ouest de
la France, l'existence des doyennés ruraux est signalée à
la fin du XIIe siècle.1 Dans les évêchés de Reims,
de Soissons2 et de Cambrai,3 le décanat rural est déjà
organisé trois siècles plus tôt. Le rôle des doyens,
très modeste, ploie peu à peu sous l'autorité des
évêques et des archidiacres et s'amenuise encore durant le XIVe
siècle. Le doyen peut y être révoqué et
remplacé à tout moment par une décision commune de ses
supérieurs. Les prêtres de paroisse ne peuvent prendre part
à l'élection.4 En Angleterre, la création des conciles de
chrétienté remonte à la fin du XIe siècle. Les
conciles ruraux correspondent à des hundred ou centuries,
c'est-à-dire à un ensemble qui comporte initialement une centaine
de familles. Les doyens y sont étroitement soumis aux archidiacres, dont
l'apparition, dans ces régions, se situe à la même
époque. Les institutions ecclésiastiques y ont subi la profonde
influence des coutumes normandes.5
1. GAUDEMET, J., le Gouvernement de l'Eglise à
l'époque classique : le gouvernement local, dans Histoire du droit et
des institutions de l'Eglise en Occident, t. 8, 2e partie, sous la direction de
LE BRAS, G. et GAUDEMET, J., Paris, 1979, p. 308. Voir aussi : IMBART DE LA
TOUR, P., les Origines religieuses de la France. Les Paroisses rurales du IVe
au XIe siècle, Paris, 1900, p. 74. FAURE, J., l'Archiprêtre des
origines au droit décrétalien, Grenoble, 1911, p. 146. GRIFFE,
E., les Origines de l'archiprêtre de district, dans Revue d'Histoire de
l'Eglise de France, t. 13, Paris, 1927, pp. 16-50.
2. DEBLON, A., les Origines des doyennés ruraux dans le
diocèse de Liège, dans le Moyen Âge, t. 105, Bruxelles,
1999, p. 708, note 25.
3. BONENFANT, P., Quelques cadres territoriaux de l'histoire
de Bruxelles, dans Annales de la société royale
d'archéologie de Bruxelles, t. 38, Bruxelles, 1934, pp. 8-10. TOUSSAINT,
F., Election et sortie de charge du doyen de chrétienté dans les
diocèses de Liège et de Cambrai, dans R.H.E., t. 42, Louvain,
1947, pp. 52-53.
4. GAUDEMET, J., Ibid., p. 308.
5. ANDRIEU-GUITANCOURT, P., Essai sur l'évolution du
décanat rural en Angleterre d'après les conciles des XIIe, XIIIe
et XIVe siècles, Paris, 1935.
En Italie centrale, dans la plaine du Pô, ainsi que dans
les diocèses de Tarbes, de Lausanne, de Coire et de Genève, la
hiérarchie ecclésiastique a conservé une forme plus
archaïque due à l'absence d'archidiaconés. Le décanat
rural s'y est maintenu au rang d'institution centrale de l'administration
épiscopale. Une terminologie particulière s'applique à ces
prêtres : les plebani ou, en italien, pievani. Chaque pieve regroupe
entre une dizaine et une trentaine de paroisses.6
Les pays nordiques, en particulier la Suède,
connaissent un retard considérable dans le développement du
décanat rural. L'institution des conciles de chrétienté y
remonte à la fin du Moyen Âge.7
Les caractéristiques du décanat rural des
régions rhénanes du Saint Empire et du diocèse de
Liège se ressemblent en de nombreux points. L'oeuvre de Réginon
de Prüm, rédigée à la fin du IXe siècle ou au
début du Xe, est, chronologiquement, la première source
importante sur laquelle se base l'érudition allemande pour retracer
l'histoire des Dekane. Les prêtres des différents districts se
réunissent au sein des Landkapitel qui, tout comme dans
l'évêché de Liège, élisent leur doyen. Ces
assemblées rurales ont aussi la possibilité d'édicter des
lois sur base des coutumes locales. Le diocèse de Liège, qui
compte vingthuit doyennés au milieu du XIVe siècle et
l'archidiocèse de Cologne, qui en compte vingt-cinq à la
même époque, semblent présenter de nombreuses
caractéristiques communes.8
6. BRENTANO, R., Two Churches, England and Italian in the
thirtheen Century, Princeton, 1968, pp. 70-76.
7. GAUDEMET, J., p. 310.
8. WAGNON, H., les Records ecclésiastiques des
assemblées décanales de l'ancien diocèse de Liège,
dans Monumenta iuris canonici, série C, Subsidia, vol. 1, proceedings of
the Second International Congress of Medieval Canon Law, Vatican, 1964, pp.
473-475. HEINTZ, A., Die Anfänge des Landdekanates, Trèves, 1951,
pp. 26, 45-57 et 87. OEDIGER, W., Geschichte des Erzbistums Köln, t. 1, 2e
éd., Cologne, 1972, pp. 271-282.
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