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Les doyens ruraux dans le diocèse de liège au moyen àąge. Contribution à  l'histoire politique et religieuse du monde rural.

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par Vincent BASTIN
Université de Liège - Licence en histoire 2000
  

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§3. La dénonciation des faussaires et des usuriers.

Outre les délits mineurs, qu'il a le pouvoir de juger lui-même, le doyen de chrétienté a le devoir de soutenir l'officialité de l'évêque ainsi que celle de leur archidiacre en leur dénonçant les fautes graves, notamment si leurs auteurs sont passibles d'une peine d'excommunication ou de la justice du sang.

En dénonçant les faussaires, ils sont les garants des finances liégeoises. N'oublions pas que les doyens ruraux sont, dès l'origine, des agents fiscaux de l'évêque. Par ailleurs, ils doivent aussi empêcher la propagation de faux documents et d'imitations de sceaux.74

69. Registrum I, f° 52. Registrum II, f° 31 v°. CEYSSENS, J., Ibid., pp. 203- 204.

70. HABETS, J., Ibid., pp. 604-605.

71. Registrum I, f° 52. Registrum II, f° 31 v°. CEYSSENS, J., Ibid., pp. 200- 201.

72. TOUSSAINT, F., Ibid., p. 669.

73. SCHANNAT, J.-F., Ibid., t. 5, p. 313.

74. AVRIL, J., Ibid., pp. 105, 133-134.

Les usuriers doivent être dénoncés au cours du synode ainsi que les dimanches et jours de fête par les curés et les doyens devant l'assemblée des fidèles.75

§ 4. Les sentences d'excommunication.

Si le doyen rural peut infliger des amendes à son gré, il ne peut exécuter lui-même les sentences d'excommunication. Son rôle se limite, dans un premier temps, à proférer des menaces d'anathème. Il en va de même pour l'interdit et la suspense.76

Si les différents avertissements ne produisent aucun effet sur les personnes concernées, ou si celles-ci décident de ne pas payer l'amende, le doyen rural ne peut engager des poursuites. Il doit soumettre le litige à l'officialité archidiaconale.77

Henri Van der Scaeft signale que les difficultés sont causées essentiellement par les curés refusant de payer le cathedraticum et l'obsonium, ainsi que de participer aux frais nécessaires à la défense des droits du clergé et de l'Eglise de Liège. Des héritiers d'un noble ou d'un prêtre, qui refusent que la messe d'enterrement soit célébrée par le doyen, entrent, eux aussi, fréquemment dans l'illégalité.78

Selon les statuts synodaux de Jean de Flandre, les membres de la justice séculière qui refusent d'expulser un excommunié de l'office divin sont, ipso facto, eux aussi excommuniés. Ce genre d'incident est assez grave pour que l'évêque, alerté par le curé de la paroisse concernée, s'empare de l'affaire. Le rôle du doyen consiste alors à faire connaître, de tous les fidèles de leur district, le nom des agents de justice qui viennent d'être exclus de l'Eglise.79 L'archevêque ne peut accomplir cette mission avec efficacité étant donné qu'il ne réside pas dans leur district ; si l'évêque devait avertir tous les curés des paroisses environnantes, sa démarche serait très fastidieuse et beaucoup trop lente.

75. AVRIL, J., Ibid., pp. 109, 117, 161, 167 et 168.

76. CEYSSENS, J., Ibid., p. 221.

77. C'est la raison pour laquelle Van der Scaeft a reproduit, dans son formulaire, une lettre adressée à l'official de l'archidiacre. Registrum I, f° 210-215. Registrum II, f° 124-127.

78. Registrum I, f° 40. Registrum II, f° 20. CEYSSENS, J., Ibid., p. 221.

79. AVRIL, J., Ibid., p. 109.

Les doyens ruraux peuvent aussi être sollicités par une instance supérieure de la hiérarchie ecclésiastique pour exécuter les aggraves ou rénovations d'une sentence d'excommunication, c'est-à-dire pour répéter chaque dimanche et jour de fête, le cérémonial qui exprime symboliquement l'exclusion d'une personne de la communauté des paroissiens, et ce, jusqu'à ce que celle-ci accepte de se soumettre à la puissance de l'Eglise. Devant l'assemblée des paroissiens, au son des cloches et à la lumière des cierges, le prêtre cite solennellement le nom des excommuniés, afin que les fidèles se détournent de leur présence.80

Nous citerons, à titre d'exemple, une affaire concernant le village de Châtelineau. Le 8 mai 1270, l'écolâtre de Notre-Dame de Maastricht somme, avec insistance, les doyens de Fleurus, de Florennes, de Gembloux, de Thuin, de Ciney et de Hanret d'effectuer les aggraves de l'excommunication contre le chevalier de Châtelineau.81 Cet ordre est réitéré le 12 juillet.82 Deux ans plus tard, alors que tous les prêtres cités ci-dessus répétaient, chaque semaine, le cérémonial, le chevalier reconnaît solennellement ses torts devant l'écolâtre.83 Déclaration hypocrite car, un mois plus tard, celui-ci est obligé de réitérer l'ordre de prononcer les aggraves.84 Ce n'est qu'en novembre 1272 que le conflit prend fin, suite à l'intervention de l'official de l'évêque.85

Dans d'autres affaires, l'évêque, par une démarche similaire, s'adresse directement au doyen rural, son représentant dans les campagnes. En 1249, l'évêque Henri de Gueldre excommunie les Trudonnaires qui ont pêché dans un étang appartenant à une abbaye. Il s'adresse, pour cela, au doyen du concile de Saint-Trond.86

80. AVRIL, J., Ibid., p. 109.

81. A.E.M., chartrier de l'abbaye de Soleilmont. (DEVILLERS, L., Description

analytique

de cartulaires et de chartriers du Hainaut, t. 7, Mons, 1875, p. 12).

82.

A.E.M.,

ibid.

(DEVILLERS,

L.,

Ibid.,

pp. 13 et 16).

83.

A.E.M.,

ibid.

(DEVILLERS,

L.,

Ibid.,

pp. 15-16).

84.

A.E.M.,

ibid.

(DEVILLERS,

L.,

Ibid.,

p. 15).

85.

A.E.M.,

ibid.

(DEVILLERS,

L.,

Ibid.,

pp. 15-16).

86. PIOT, C., Cartulaire de l'abbaye de Saint-Trond, t. 1, Bruxelles, 1870, p. 241.

Dans les statuts synodaux de 1548, Georges d'Autriche préconise l'excommunication des concubines per officiales nostros et decanos rurales.87 Cette formule, qui révèle le rôle majeur du doyen dans la procédure d'anathème, est quelque peu ambiguë. En fait, l'excommunication proprement dite est du ressort des officialités épiscopales et archidia- conales. Le rôle du doyen consiste seulement à dénoncer des délits et à recourir aux aggraves, à moins que l'évêque ne lui ait extraordinairement délégué son pouvoir d'excommunication pour une affaire bien précise. Ainsi, en 1258, Henri de Gueldre ordonne au doyen de la chrétienté de Maastricht d'excommunier le seigneur d'Aalburg et de Gronsveld au cas où celui-ci ne cesserait pas ses agissements néfastes envers l'abbaye d'Herkenrode.88

Henri Van der Scaeft regrette beaucoup que le doyen rural ne puisse lui-même exclure quelqu'un de l'Eglise. La procédure d'anathème est très complexe et donc peu efficace : pendant que doyens et curés prolifèrent des menaces et accomplissent inlassablement le cérémonial symbolique, l'évêque et l'archidiacre attendent la soumission des excom- muniés qui, très souvent, restent sur leurs positions. L'auteur du Registrum cite un autre exemple témoignant des lacunes de ce système. Devant le refus de certains curés de payer le voyage du doyen et de ses accompagnants à Liège, celui-ci leur envoie à chacun plusieurs lettres de menaces. Cette démarche ayant échoué, l'official de l'archidiacre s'empare de l'affaire. Il demande aux prêtres de se justifier, mais ils ne le font pas. La censure est alors prononcée, mais elle ne peut être appliquée que lorsqu'elle sera parvenue, par courrier, aux personnes concernées.89

Les absences très fréquentes de certains doyens tendent évidemment à enrayer le bon fonctionnement de la procédure d'excommunication, telle qu'elle est décrite ci-dessus, de même que l'envie de certains doyens de régler eux-mêmes les affaires concernant leur district.90

87. SCHANNAT, J.-F., Ibid., t. 6, Cologne, 1765, p. 396.

88. REUSENS, E., Documents relatifs à l'abbaye de Herkenrode, dans A.H.E.B., t. 16, Louvain, 1879, pp. 261-262. DELESCLUSE, A., Catalogue des actes de Henri de Gueldre, prince-évêque de Liège, Bxl, 1900, p. 61. RENARDY, Ch., Synodes, juridiction de la paix et cessions de dîmes aux Eglises (XIe-XIVe s.), dans le Moyen Âge, t. 81, Bruxelles, 1975, p. 259.

89. Registrum I, f° 210-215. Registrum II, f° 124-127. CEYSSENS, J., Ibid., pp. 222-223.

90. Registrum I, f° 210-215. Registrum II, f° 124-127. Le doyen de Beringen prétend avoir soumis un cas d'anathème à ses supérieurs après avoir prodigué des menaces pendant plus de deux années.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery