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Les doyens ruraux dans le diocèse de liège au moyen àąge. Contribution à  l'histoire politique et religieuse du monde rural.

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par Vincent BASTIN
Université de Liège - Licence en histoire 2000
  

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CHAPITRE IV.

LE DOYEN ET SES FONCTIONS.

A. Droits et obligations.

§ 1. L'assistance aux synodes généraux.

Depuis l'Antiquité jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, les synodes épiscopaux,1 qui réunissent autour de l'évêque l'ensemble des prêtres qui en dépendent, occupent une place prépondérante dans la gestion des diocèses. Dans certaines régions de France, ils apparaissent dès l'époque mérovingienne. Dans le diocèse de Liège, dès la fin du VIIIe ou le début du IXe siècle, l'évêque guide les prêtres dans l'exercice de leur ministère par des capitula qui, selon certains historiens, seraient expliquées lors des synodes diocésains. En fait, l'existence de ces synodes n'est attestée qu'au Xe siècle.2 Son développement est à mettre en rapport avec l'efflorescence du christianisme dans les campagnes3 et à la volonté de l'évêque d'affirmer partout son autorité.4 Les curés y rendent compte de leurs activités et reçoivent, de l'évêque, de nouvelles recommandations, dont certaines sont issues des conciles provinciaux. Le prélat profite de cette assemblée pour contrôler la discipline du clergé et pour rendre la justice.5

Dès le Xe siècle, deux types de synodes coexistent6 : le synode général, qui se tient dans la cité épiscopale, et le synode rural,7 véritable tribunal

1. LECLERCQ, H., Synode, dans Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, t. 15, 2e part., Paris, 1953, col. 1837-1838. EID, E., Synode, dans Lexikon für Theologie und Kirche, t. 9, Fribourg, 1964, col. 1237-1238.

LAIS, H., Konzil, dans le même dictionnaire, t. 6, Fribourg, 1961, col. 525-532.

2.

AVRIL, J., Ibid., p. 28.

 
 
 
 

3.

KUPPER, J.-L., Ibid., p. 255.

 
 
 
 

4.

DAVENNE, G., les Synodes épiscopaux à Liège du

Xe

au XIIIe

siècle,

(mémoire

 

de

licence présenté à l'Université de Liège), 1947,

p.

233.

 
 

5.

KUPPER, J.-L., Ibid., p. 255.

 
 
 
 

6.

AVRIL, J., Ibid., p. 29.

 
 
 
 

7.

Voir §2.

 
 
 
 
 

itinérant présidé, à l'origine, par l'évêque. Le rôle des doyens, nous le verrons, est remarquable dans l'un comme dans l'autre.

Au début du XIe siècle, l'institution synodale est parfaitement structurée. Elle est subdivisée en une session religieuse et en une session mixte, à laquelle les grands seigneurs laïcs sont conviés, et elle se tient sous deux formes : devant une assemblée restreinte ou dans le cadre de l'audientia in generali concilio.8 Il devient un instrument politique de tout premier ordre pour l'évêque. Au cours de ce siècle, il accède au faîte de sa gloire.9

Le synode général mixte se rassemble sur l'ordre de l'évêque,10 à raison de deux fois par an, au printemps et en automne.11 Pour des raisons pratiques, les deux sessions, mixte et religieuse, se tiennent au même moment.12 La compétence du synode général s'étend à tout ce qui relève du pouvoir épiscopal, en plus des compétences d'ordre temporel. Les participants y débattent du culte des saints, de l'élection d'abbés, de la discipline des clercs, de querelles entre monastères, de conflits entre monastères et laïcs, de contesta- tions relatives aux dîmes et aux prébendes, d'hérésies et d'outrages à l'autorité épisco- pale. Il exerce aussi une juridiction gracieuse. Il va de soi que les affaires temporelles ne concernent pas l'ensemble du diocèse, mais seulement la terre de saint Lambert.13

Dès le milieu du XIIe siècle, cette institution décline irrémédiablement.14 Selon Joseph Avril, cette décadence s'explique par une poussée à la fois interne et externe.15 L'évêque, véritable souverain foncier, voit son pouvoir se

8. KUPPER, J.-L., Ibid., p. 257.

9. DAVENNE, G., Ibid., p. 234.

10. KUPPER, J.-L., Ibid., p. 258.

11. DAVENNE, G., Ibid., pp. 64-66, pense qu'il y en a trois. Par contre, KUPPER, J.-L., Ibid., pp. 259-260, pense que la session de février-mars serait une «session de rechange». Selon AVRIL, J., Ibid., p. 32, la règle des deux synodes annuels souffre de nombreuses exceptions.

12. KUPPER, J.-L., Ibid., p. 258.

13. KUPPER, J.-L., Ibid., pp. 263-271.

14. DAVENNE, G., Ibid., p. 234.

15. AVRIL, J., Ibid., pp. 32-33.

maintenir intact seulement dans les limites de la terre de saint Lambert, qui se transforme irrésistiblement en principauté.16 Dès lors, au début du XIIIe siècle, plusieurs seigneurs laïcs ne daignent plus participer au synode, dont ils contestent aussi les institutions de paix. Par ailleurs, à la fin du XIIe siècle, la victoire du pape sur l'Empire ne fait plus aucun doute. L'évêque de Liège se rapproche de plus en plus de l'orbite pontificale. Or, certains légats ont dénoncé les carences de l'Eglise de Liège et la nécessité de certaines réformes. L'influence du pontife romain se fait omniprésente.17

Sous l'épiscopat de Hugues de Pierrepont, les pouvoirs judiciaires du synode mixte sont répartis entre l'officialité de l'évêque et celle des archidiacres.18 Cette évolution, nous le verrons, a provoqué un impact important sur les synodes paroissiaux qui, des mains de l'archidiacre, passent entre celles des doyens ruraux.19

Au début du XIIIe siècle, l'évêque de Paris, Eude de Sully, rédige les Precepta ; il est très vite imité par nombre de ses confrères. Au cours du XIIIe siècle, l'archevêché de Cologne et la plupart des diocèses voisins (Tournai, Cambrai, Arras et Münster), se dotent de statuts synodaux.20 Quant au concile «national» de Würzburg, son influence sur l'Eglise de Liège, ainsi que sur l'ensemble du clergé de l'Empire, ne doit pas être négligée.21

Les évêques de Liège ressentent alors de plus en plus le besoin de formuler par écrit un certain nombre de résolutions et de les regrouper dans un ouvrage de référence. A cet effet, Jean de Flandre réunit, en 1288, dans la ville épiscopale, un important synode diocésain. Selon Jean-Pierre Delville,21 le

16. Ce phénomène prend racine lors de l'accession de Raoul de Zähringen au siège épiscopal. KUPPER, J.-L., Raoul de Zähringen, évêque de Liège (1161-1191). Contribution à l'histoire de la politique impériale sur la Meuse moyenne, Bruxelles, 1974, p. 829.

17. AVRIL, J., Ibid., pp. 32-33.

18. DAVENNE, G., Ibid., pp. 212-220.

19. Voir §2.

20. AVRIL, J., Ibid., pp. 34-36 et 61. DELVILLE, J.-P., Synodes et statuts synodaux liégeois sous l'Ancien Régime, (mémoire de licence présenté à l'Université de Liège), 1973, pp. 2-4.

21. DELVILLE, J.-P., Ibid, p. 4.

moment est particulièrement bien choisi pour une telle entreprise car l'évêque a réussi à rétablir la paix, d'une part avec la cité de Liège et, d'autre part, avec les Brabançons. Mais les villes et les nobles, écartés des débats, s'insurgent lors de la proclamation de ces statuts. Jean de Flandre rédige alors une lettre à leur attention, où il s'explique notamment sur le sens précis des termes civitas, oppida et villa. Mais cela ne suffit pas à calmer les protestataires, qui informent le pape Nicolas IV du conflit qui les oppose à l'évêque. Ce dernier est alors contraint de corriger certains points des statuts. En 1291, il en publie une modération.22

L'ensemble du clergé liégeois se rassemble encore en 1360 et en 1423 mais, cette fois, à l'invitation de papes ou de légats pontificaux. La première réunion trouve son origine dans la volonté d'Innocent IV de travailler à la réforme du clergé.23 La seconde s'opère à l'initiative de Martin V, afin de préparer le concile général de Pavie.24

De nombreux troubles sévissent dans le diocèse de Liège, au milieu du XVe siècle : outre la guerre contre les Bourguignons, l'évêque doit surmonter des discordes avec le clergé quant au soutien à apporter au pape Eugène IV. Après avoir réuni les prêtres en 1337 et en 1339 à propos de la conduite à adopter envers les mandements du concile de Bâle, jugé schismatique par le pape, Jean de Heinsberg les réunit une troisième fois, en 1445, dans l'optique de corroborer, de préciser et de compléter les statuts de 1288. Il en profite aussi pour demander les subsides nécessaires à l'attaque de plusieurs châteaux détenus par l'ennemi. Les nouveaux statuts sont promulgués en 1446.25

L'apparition du luthéranisme, à Wittenberg, en 1517, et sa rapide propagation poussent Erard de la Marck à convoquer un synode diocésain, en 1526. Mais ses démarches ne sont pas couronnées de succès car le clergé le soupçonne de vouloir lui retirer ses exemptions.26 Il échoue à nouveau en 1535. Puis, en 1538, suite

22. DELVILLE, J.-P., Ibid., pp. 4 et 10-12.

23. DELVILLE, J.-P., Ibid., p. 16.

24. DELVILLE, J.-P., Ibid., p. 20.

25. DELVILLE, J.-P., Ibid., pp. 23-26.

26. VAN HOVE, A., Ibid., pp. 16-43. HALKIN, L.-E., Réforme protestante et Réforme catholique pp. 96-108 et 227-242.

à une nouvelle tentative de réunir le clergé, les chanoines de la principauté, exaspérés par la politique de l'évêque, décident d'émigrer à Louvain.27 Son successeur, Georges d'Autriche, conserve les mêmes objectifs. En 1548, la nécessité de publier la Formula reformationis édictée par Charles Quint, en attendant les conclusions du concile de Trente, lui fournit une excellente opportunité pour réunir l'ensemble du clergé liégeois.28

Pour l'évêque, le synode est occasion privilégiée pour transmettre à tous les membres du clergé les décisions relatives au statut de chacun dans la hiérarchie ecclésiastique. Comme tous les prêtres ne peuvent, pour des raisons pratiques, se présenter simultanément dans la cité mosane, seuls s'y rendent leurs délégués. Ainsi, les curés des paroisses rurales sont représentés par le doyen du concile, éventuellement accompagné de l'un ou l'autre prêtre du district.29

Pour participer au synode, les doyens revêtent l'aube et l'étole, alors que les curés ne portent que le surplis. Ils doivent s'y rendre à jeun et ne peuvent se faire remplacer, sauf pour des motifs graves qu'ils doivent transmettre à l'évêque.30 Leur présence est d'autant plus primordiale qu'ils ont le devoir de diffuser et d'expliquer les statuts synodaux au clergé de leur district. Pour cela, ils reçoivent chacun un exemplaire de l'ouvrage. L'évêque insiste sur la parfaite compréhension de tous les préceptes ; lui et son official se chargent eux-mêmes de répondre aux questions des doyens qui n'en auraient pas bien saisi le sens.31

C'est aussi au cours du synode diocésain que les doyens présentent leurs comptes, en particulier ceux relatifs au cathedraticum, taxe qui revient en partie à l'évêque.32 Ils lui rapportent aussi les noms des prêtres décédés, des usuriers, des faussaires et des excom- niés.33 Le prélat peut ainsi gérer son diocèse avec soin.

27. DELVILLE, J.-P., pp. 28-34.

28. DELVILLE, J.-P., pp. 35-39.

29. AVRIL, J., Ibid., p. 95. DELVILLE, J.-P., pp. 92-94. Cette obligation est toujours d'actualité dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (SOHET, D., Ibid., p. 88.

30. AVRIL, J., Ibid., p. 97.

31. AVRIL, J., Ibid., pp. 97, 161, 184 et 185.

32. KUPPER, J.-L., Liège et l'Eglise impériale, p. 255.

33. AVRIL, J., Ibid., pp. 109, 117, 161, 167 et 168.

Une fois retournés dans leur canton, les doyens doivent convoquer un concile dans un délai de deux mois afin de savoir si tous les prêtres se sont procuré une copie des statuts et s'ils en ont compris le contenu. Jean de Flandre34 et Jean de Heinsberg35 prévoient des sanctions très lourdes, allant jusqu'à l'excommunication, pour les prêtres qui ne posséderaient pas les statuts.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand