§4. Décès ou démission d'un
doyen.
L'inamovibilité de la charge décanale a
été longuement débattue durant la première
moitié du XXe siècle. Contrairement aux conclusions d'Alhaus,73
pour l'évêché de Constance, et de Fournier,74 pour la
France, Robyns,75 Toussaint,76 Paquay77 et Léon-Ernest Halkin78 pensent
que la charge décanale ne peut, en général, être
soustraite à son détenteur. Le formulaire de l'officialité
épiscopale confirme clairement leurs propos : le doyen rural ne peut, en
effet, laisser son bénéfice vacant que per mortem ou per liberam
resignationem.79
72. TOUSSAINT, F., Ibid., p. 71.
73. ALHAUS, J., Die Landdekanate des Bisdums Konstanz im
Mittelalter, dans Kirchliche Abhandlungen, fasc. 109, Stuttgart, 1929, p.
119.
74. FOURNIER, E., Nouvelles Recherches sur les curies, chapitres
et universités de l'ancienne Eglise de France, Arras, 1942, p. 253.
75. ROBYNS, O., Het Landdekanat Beringen en zijne dekens, dans
Limburg, t. 6, Maaseik-Hasselt, 1925, p. 50.
76. TOUSSAINT, F., Ibid., pp. 74-80.
77. PAQUAY, J., les Synodes au diocèse de Liège,
dans Leod., t. 15, Liège, 1922, p. 19.
78. HALKIN, L.-E., Réforme protestante et Réforme
catholique au diocèse de Liège, p. 66, note 6.
79. LAENEN, J., Ibid., p. 176.
Au début du XIIIe siècle, le pape Alexandre III
précise que le doyen rural ne peut être démis de ses
fonctions que sur une décision commune de l'évêque et de
l'archidiacre. Il insiste aussi sur le caractère exceptionnel que doit
revêtir une telle résolution.80 Dans les diocèses de Reims,
Bâle et Strasbourg, le motif de la révocation doit être une
faute grave, sanctionnée le plus souvent par l'excommunication. Le fait
qu'un doyen, qui n'est pas encore prêtre au moment de son
élection, ne le soit pas devenu dans le temps qui lui a
été imparti constitue aussi un argument suffisant pour le
remplacer.81 Le même sort peut lui être réservé si,
à l'occasion d'un contrôle ou d'une contestation, il ne peut
prouver, par la présentation des lettres testimoniales, la
régularité de son entrée en fonctions.82
L'incapacité physique ou mentale à assumer les
fonctions de doyen, si elle est manifeste, peut théoriquement engendrer
les mêmes conséquences.83
Dans le diocèse de Liège, il est très
difficile de déchoir un archiprêtre. Seulement deux cas, où
une destitution a été envisagée, ont été
relevés dans nos régions. Ces destitutions ne sont le fait ni
d'un évêque, ni d'un archidiacre et aucune des deux n'a abouti
à la révocation du doyen. La première date du mois de
décembre 1254 : le doyen de Graide, frappé d'excommunication par
le prieur de Menimes,84 ayant plaidé sa cause auprès du pape,
obtient la levée de cette sentence.85 L'autre, déjà
évoquée au paragraphe précédent, concerne la perte
des lettres testimoniales par le doyen de Woensel, en août 1516, lors
d'une vérification entreprise par un légat romain.
80. FRIEDBERG, A., Ibid., col. 151-152 : quaesivisti utrum
decani rurales qui pro tempore statuuntur, ad mandatum tuum solum [episcopi],
vel archidiaconi vel etiam utriusque institui debeant vel destitui, si fuerint
amovendi. Ad hoc breviter respondeam quia cum ab omnibus quod omnes tangit,
approbari debeat et commune eorum decanus officium exerceat, communiter est
eligendus vel etiam amovendus.
81. TOUSSAINT, F., Ibid., p. 54.
82. CAUCHIE, A. et VAN HOVE, A., ibid.
83. BURCKLE, Ibid., p. 90.
84. Dans le diocèse de Reims.
85. GOFFINET, H., Cartulaire de l'abbaye d'Orval depuis
l'origine de ce monastère à l'année 1356 inclusivement,
époque de la réunion du comté de Chimay au duché de
Luxembourg, Bruxelles, 1879, p. 332.
Les statuts du concile de Susteren, au début du XIVe
siècle, ne mentionnent que deux raisons pouvant entraîner la
vacance du bénéfice décanal : la libre renonciation du
doyen ou le décès de celui-ci. Au XVIIe siècle, le concile
de Bastogne stipule que les fautes graves dont le doyen se rendrait coupable
provoqueraient sa destitution.86
Même un doyen qui change de paroisse ne peut, en aucun
cas, être démis de sa charge, même si son nouveau domicile
se trouve à l'extérieur du concile dont il est titulaire.87 Comme
rien ne lui défend de se faire élire dans le doyenné dont
dépend sa nouvelle paroisse, il lui est permis de cumuler la
présidence des deux districts.88
Mais le doyen rural peut, à tout moment, mettre
lui-même un terme à l'exercice de ses fonctions, pour les motifs
les plus divers : les nouvelles attributions, l'insuffisance des revenus, la
vieillesse ou la maladie.89 Cela ne l'empêche pas de continuer à
desservir la paroisse dont il est titulaire.
86. A.H.E.B., t. 5, pp. 408-409.
87. MUNSTERS, A., Ibid., p. 66.
88. LAENEN, J., Documents concernant la paroisse de Desschel,
dans A.H.E.B., t. 35, Louvain, 1909, p. 425. Dans cet acte, daté du 8
janvier 1271 (n. st.), un même personnage est présenté
comme étant decanus conciliorum de Woncele (Woensel) et de Beverle
(Beverlo, dans le district de Beringen). L'éditeur, perplexe, se demande
si Beverlo est l'ancienne dénomination du doyenné de Beringen, le
lieu de résidence du doyen ou une erreur du copiste. BROUETTE, E., les
Doyens de chrétienté dans le diocèse de Liège des
origines à la fin du XIIIe siècle, dans Leod., t. 58,
Liège, 1971, p. 27. Ayant découvert que ce doyen est titulaire de
la paroisse de Lummen, dans le district de Woensel, cet auteur conclut,
après avoir écarté la thèse peu fondée d'un
changement de dénomination, à une erreur du scribe. Mais il ne
tient pas compte que les doyens sont toujours élus parmi les
curés du concile et que, dans l'usage courant, la formule decanus de
Beverle est une abréviation usuelle de decanus de Beringen et presbyter
de Beverle. L'hypothèse la plus vraisemblable est que ce doyen de
Woensel ait quitté la paroisse de Lummen pour celle de Beverlo et que,
en toute régularité, il soit devenu doyen du district de
Beringen, dont dépend cette église. Dans ce cas, seule
l'inamovibilité de la charge permet d'expliquer qu'il soit resté
doyen de Woensel tout en étant élu à Beringen. Un
raisonnement semblable nous permet de conclure que ce personnage a aussi
été doyen de Fleurus (DE RIDDER, C.B., Encore quelques mots sur
Balen et Meerhout, dans A.H.E.B., t. 8, Louvain-Bruxelles, 1871, p. 361).
89. TOUSSAINT, F., ibid., p. 75.
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