b. Le compromis.
Parfois, le dénombrement des voix ne permet pas de
désigner le vainqueur. Des objections graves peuvent survenir,
génératrices de débats stériles. Lorsque le nouveau
doyen ne peut être élu traditionnellement, le président,
avec l'assentiment de l'assemblée, peut désigner deux arbitres,
qui ont pour mission de trancher en faveur d'un seul candidat. S'ils n'arrivent
pas à se mettre d'accord, le choix revient au président,
c'est-à-dire l'archidiacre ou son remplaçant.63
59. BERLIERE, U., Suppliques de Clément VI, pp.
577-578.
60. BERLIERE, U., Suppliques d'Innocent VI, p. 56.
61. BERLIERE, U., Ibid., p. 616. BAIX, F., les Doyens du
concile de Chimay, dans Nam., t. 22, Namur, 1947, p. 8, pense à tort que
c'est depuis ce moment que les doyens de Chimay sont choisis uniquement par le
pape. Ce dernier n'intervient, en fait, qu'en vertu du droit de réserve
spéciale, comme c'est le cas ici, ou selon les principes de la
nomination par provision apostolique (v. page suivante), ce qui peut se faire
dans tous les doyennés.
62. BERLIERE, U., Suppliques de Clément VI, p. 507 :
ad quem [decanatum concilii Bekensis] consuevit quis de rectoribus parochialium
ecclesiarum dicti concilii per electionem elegi et assumi, etsi fuerit
generaliter vel specialiter reservatum. TOUSSAINT, F., Ibid., p. 73, a raison
d'affirmer qu'il s'agit là d'un cas d'application du droit de
réserve générale, vu que le doyen dont il est question
n'entre pas dans les critères nécessaires à l'utilisation
du droit de réserve spéciale.
63. Aucune description d'une élection par compromis
n'est connue pour le diocèse de Liège. Par contre, BURCKLE, J.,
Ibid, pp. 169-172, en a découvert pour les évêchés
de Bâle et de Strasbourg.
L'élection per viam compromissi est une
procédure exceptionnelle, donc assez rare. Dans le diocèse de
Liège, seul le cas de l'accession de Gauthier Backer au décanat
rural de Léau nous est parvenu.64
c. La nomination par provision apostolique.
Cette procédure évite au candidat de subir
l'épreuve du scrutin. Mais elle engendre un inconvénient de
taille : la révolte des curés, qui se voient ainsi privés
du droit d'élire leur supérieur. L'auteur du Registrum mentionne
plusieurs cas de prêtres de quartes-chapelles qui, dans le but
d'échapper à la juridiction du doyen rural, ont entrepris des
démarches pour élever leur église au statut d'ecclesia
media, se plaçant ainsi sous la tutelle de l'archidiacre.65 Quant aux
dépenses nécessaires, le doyen de Beringen les juge bien trop
élevées ; elles empêchent tout de même bon nombre de
prêtres sans argent de postuler.
Une fois que la décision du Saint-Siège est
prise, le candidat, même s'il n'est pas tenu de demander l'approbation de
l'évêque, est tout de même obligé de prêter
serment entre les mains de l'un de ses représentants : il doit jurer de
rester fidèle et obéissant à ses supérieurs
hiérarchiques, de défendre les droits de sa décanie et de
n'avoir connaissance d'aucun acte de simonie lui permettant d'entrer en
fonctions. La provision apostolique doit, ensuite, être
enregistrée par un notaire. Au premier synode décanal suivant, le
futur archiprêtre fait publier les actes de sa nomination par un notaire
qui rédige, in dorso vel in plica de l'acte de provision, le
procès-verbal de cette publication. Ce n'est qu'à ce moment que
le candidat est officiellement promu doyen. Le traditionnel banquet,
donné par ce dernier échange d'un don collectif de joyeuse
entrée, inaugure sa carrière.66
64. BERLIERE, U., Suppliques d'Innocent VI , p. 343.
65. Henri Van der Scaeft a, dressé la liste des
prêtres qui se sont rebellés à l'occasion de son
entrée en fonctions. Registrum I, f° 89-111. Registrum
II, f° 63-72.
66. Registrum I, f° 88. Registrum II,
f° 56. CEYSSENS, J., Ibid., p. 177.
Les exemples de nomination par provision apostolique sont
assez nombreux. Le plus ancien remonte au milieu du XIVe siècle : le
seigneur de Seraing-le-Château demande au pape de désigner Gilles
d'Heure-le-Romain au poste de doyen de Graide.67 Au début du XVe
siècle, Helmicus de Dyck devient doyen de Chimay après avoir
sollicité Jean XXIII.68 Malgré un cumul irrégulier de
bénéfices, il voit son mandat prolongé sur l'ordre de
Martin V.69 A Beringen, du début du XVe siècle au milieu du XVIe,
la plupart des doyens seraient entrés en charge par provision
apostolique.70
Ainsi donc, dès le milieu du XIVe siècle, les
prêtres de paroisse et l'évêque ont été,
à plusieurs reprises, dépossédés de leurs droits
sur l'élection d'un doyen, alors qu'à l'origine, celle-ci
était de leur seul et unique ressort. L'archidiacre, dont le rôle
a toujours été très limité en cette matière,
est, lui aussi, totalement évincé. Tous ces changements
surviennent en faveur de Rome ; l'emprise du Saint-Siège ne cesse de
s'accroître au détriment des autorités locales.
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