§3. Procédures d'élection.
Dans ce chapitre, deux procédures décrites par
F. Toussaint32 ont été volontairement écartées :
l'acclamation unanime (via Spiritus Sancti) et l'acceptation d'un candidat sans
avoir procédé au vote (quasi via Spiritus Sancti). La raison en
est que, dans ses explications, cet auteur se base, non pas sur l'étude
de sources fiables, mais sur une réflexion peu convaincante à
propos de vagues similitudes entre les doyens ruraux et l'archiprêtre
urbain.
Les statuts synodaux et paroissiaux restent
généralement muets à ce sujet. Seuls les statuts
promulgués, en 1548, par Georges d'Autriche mentionnent divers modes de
nomination en vogue dans le diocèse de Liège, mais qui ne
s'appliquent pas tous aux doyens ruraux.33
a. Le scrutin.
Le scrutin est la procédure la plus répandue
pour le choix d'un nouveau doyen. C'est ainsi qu'ont été choisis,
par exemple, Jean de Cansterperre, pour succéder à Gérard
de Rivo à la tête de la chrétienté d'Hilvarenbeek,
en 135034 et Jean de Maresco, à Rochefort, trois ans plus tard.35 A la
fin du XVe, cette tradition est toujours en vigueur puisque les membres du
concile de Louvain élisent per viam scrutinii leur nouveau doyen.36 En
1552, le vice-doyen de
31. CEYSSENS, J., Ibid., p. 176. ROBYNS, O., Het Landdekanat
Beringen en zijne dekens, dans Limburg, t. 6, Maaseik et Hasselt, 1925, p.
52.
32. TOUSSAINT, F., Ibid., pp. 67-68. Voir, à ce sujet :
SCHOOLMEESTERS, E., les Archiprêtres de Liège, dans Leod., t. 8,
Liège, 1909, pp. 61-69.
33. SCHANNAT, J.-F. et HARTZHEIM, J., Concilia Germaniae, t. 6,
Cologne, 1765, p. 393.
34. BERLIERE, U., Suppliques de Clément VI, dans A.V.B.,
t. 1, Rome, 1906, p. 507.
35. BERLIERE, U., Suppliques d'Innocent VI, dans la même
collection, t. 5, Rome, 1911, p. 343.
36. LAENEN, J., Ibid., p. 176.
Beringen, Jean Dompens, mentionne cette coutume dans son
registre.37 En 1543, Englebert de Mérode remporte l'élection,
à Bastogne, au détriment de son rival Englebert de Tavegnis.38
Les seuls électeurs admis à y participer sont
les curés et les vicaires perpétuels de la
chrétienté, qu'ils soient réguliers ou séculiers.
Ni les personnes morales détentrices d'un personnat, ni les vicaires ou
chapelains amovibles, n'ont droit de vote.39 De nombreux historiens pensent que
la réunion, en vue de l'élection d'un doyen, s'opère
uniquement à l'initiative de l'archidiacre, à la date et à
l'heure déterminées par celui-ci.40 Cela ne se vérifie pas
toujours. Dans le concilium aureum, qui regroupe, jusqu'au XIVe siècle,
les doyennés de Susteren et de Wassenberg, les électeurs sont
convoqués par le plus âgé d'entre eux afin de fixer,
ensemble, une date pour le scrutin.41 Ni l'archidiacre, ni son éventuel
remplaçant ne peuvent voter.42 La séance se tient dans la
chapelle où ont lieu, d'habitude, les réunions conciliaires.43 Il
arrive parfois que la vacance des fonctions décanales se prolonge
pendant plusieurs années.44
Henri Van der Scaeft décrit une manière
très simple d'ouvrir la séance au cours de laquelle un nouveau
doyen doit être élu : l'archidiacre ou son
délégué prononce seulement un discours de circonstance, le
plus souvent en latin.45 Les statuts du Concilium aureum dépeignent une
cérémonie beaucoup plus chargée : la prière du Veni
sancte Spiritus est chantée en premier lieu, suivie d'une messe
37. Registrum compositionum, f° 35 : electus
decanus.
38. VANNERUS, J., Documents relatifs à la seigneurie de
Houffalize (1417-1778), Arlon, 1905, p. 9.
39. Registrum I, f° 82. Registrum II,
f° 52. CEYSSENS, J., Ibid., p. 172.
40. Dans certains cas extrêmes, l'archidiacre ne se
résout à convoquer l'assemblée des électeurs
qu'après plusieurs années, profitant ainsi lui-même des
revenus du décanat. Les exemples cités par CEYSSENS, J., Ibid.,
p. 174, remontent seulement à la fin XVIIe siècle, mais de
pareilles situations ont pu se produire antérieurement.
41. MUNSTERS, A., Ibid., p. 66.
42. BERLIERE, U., Ibid., p. 343.
43. TOUSSAINT, F., Ibid., p. 66, note 5, pense qu'il s'agit
souvent d'une chapelle dédiée à Notre-Dame.
44. Registrum compositionum, f° 39. Jean
Dompens écrit, en 1552, que c'est à l'évêque que les
revenus du décanat doivent être versés parce que le
prélat a décidé d'administrer lui-même le
doyenné de Beringen, à la suite d'un litige. Or, nous savons que
le doyen précédent, Guillaume Van der Heesen, est mort en 1547
(Registrum compositionum, f° 30).
45. Registrum I, f° 83. Registrum II,
f° 52 v°.
célébrée par un des électeurs,
afin de placer le vote sous la protection du Saint-Esprit. Un serment
spécial d'honnêteté et d'impartialité doit enfin
être prononcé par chaque membre du concile.46
J. Burcklé, dans les deux évêchés
qu'il a étudiés, a relevé trois procédures
d'élection.47 La première consiste, pour les prêtres
amenés à se prononcer sur le choix d'un doyen, à
révéler au secrétaire de l'assemblée le nom de la
personne choisie ; la deuxième à écrire, sur un morceau de
papier, le nom du candidat favori, puis de le déposer dans une urne. La
troisième ressemble un peu à la précédente, si ce
n'est qu'il suffit de découper le nom du prétendant
souhaité d'une liste fournie à chaque électeur.48 Dans le
«Gouden Concilium»,
il apparaît clairement que c'est la première
procédure qui est suivie par les électeurs.49
Le mode du scrutin nous est, à ce jour, inconnu. Le
droit commun requiert la majorité absolue45. La question est de savoir
s'il a été rigoureusement appliqué. Burcklé, qui a
étudié le décanat rural dans les
évêchés de Bâle et de Strasbourg, conclut que, dans
ce dernier diocèse, la qualité des électeurs
prévaut sur le nombre.50 Englebert de Mérode, est élu
doyen de Bastogne, le 22 mars 1543, selon le principe de la sanior pars.51 Dans
le district de Susteren, les témoins comptent le nombre de voix et les
examinent. Les deux aspects, c'est-à-dire le nombre et la qualité
des électeurs, se retrouvent donc dans cette élection.52
Si l'archidiacre n'oppose pas son droit de veto, la parole est
laissée à l'élu, qui a, bien sûr, la
possibilité de rejeter le choix de ses confrères. Mais nous ne
connaissons pas de cas de refus. Il semble que le nouveau doyen profite souvent
de cette possibilité pour discuter les modalités de son
entrée en fonction et tenter ainsi de tirer parti de la situation.53 Il
prête ensuite le serment d'observer et de conserver les libertés
et les coutumes du concile
46. MUNSTERS, A., Ibid., p. 66.
47. BURCKLE, J., Ibid., pp. 169-172.
48. MUNSTERS, A., Ibid., p. 66.
49. A.H.E.B., t. 5, Louvain, 1868, p. 409. Il s'agit de statuts
du doyenné de Bastogne, non datés, recopiés en 1700. Le
texte original est perdu.
50. BURCKLE, J., Ibid., p. 169. C'est le principe de la sanior
pars des élections épiscopales.
51. VANNERUS, Ibid., p.9.
52. MUNSTERS, A., Ibid., p. 66.
53. BERLIERE, U., Ibid., p. 343 : Et ipsam electionem sibi
praesentaverunt et tandem, cum honesta difficultate, consentiit.
dans leur intégralité.54 Une fois que
l'assemblée a pris connaissance du résultat du vote, toute
personne présente sur le lieu d'élection peut formuler des
objections. La promesse d'obéissance des prêtres au nouveau doyen
et l'établissement du procès-verbal de la séance closent
les débats. Henri Van der Scaeft ajoute, dans le Repertorium, qu'il est
de bon ton, pour le nouveau promu, d'offrir un festin à toute
l'assemblée.55
Mais la procédure n'est pas achevée pour autant.
Après avoir pris connaissance du procès-verbal,
l'évêque ou son délégué se doit d'ouvrir une
enquête, afin de se forger une opinion sur la personne choisie. S'il
décide d'infirmer l'élection, il a le pouvoir de
déterminer lui-même, parmi les membres éligibles du concile
en question, le nouveau doyen.56 Dans le cas contraire, l'élu
prête serment de fidélité, dans les mains de
l'évêque ou de son représentant. Celui-ci lui
confère alors l'institution canonique54. Les frais de procédure,
qui s'élèvent, au début du XVIe siècle, pour la
chrétienté de Beringen, à seize florins du Rhin, sont
intégralement pris en charge par le nouveau doyen.57
L'évêque de Liège n'est pas le seul
à pouvoir confirmer ou non l'élection d'un doyen rural. Dans ses
travaux, Van Hove a mis en évidence le rôle du pape dans
l'attribution des bénéfices ecclésiastiques
liégeois. Le pape détient ce droit sur certains
bénéfices dont il a déposé ou
transféré le titulaire, ceux qui ont fait l'objet d'une
renonciation entre ses mains, ceux dont le détenteur est mort à
Rome et ceux dont la charge ne peut être cumulée avec une
promotion accordée à son dépositaire par le
Saint-Siège. C'est le droit de réserve spéciale.58 En
1351, le doyen d'Ouffet ayant résigné sa charge entre les mains
du notaire
54. A.H.E.B., t. 5, p. 409.
55. Registrum I, f° 85. Registrum II,
f° 53 v°. CEYSSENS, J., Ibid., p. 177.
56. MALBRENNE, N., les Doyens ruraux et leurs fonctions, dans
Revue catholique, t. 21, Louvain, 1863, p. 95.
54. CAUCHIE, A. et VAN HOVE, A., Documents concernant la
principauté de Liège, t. 1, Bruxelles, 1908, pp. 172-173. HALKIN,
L.-E., Réforme protestante et Réforme catholique au
diocèse de Liège : le Cardinal de la Marck,
prince-évêque de Liège (1505-1538), Liège-Paris,
1930, p. 66, note 6. MALBRENNE, N., les Doyens ruraux et leurs fonctions, dans
Revue catholique, t. 21, Louvain, 1863, p. 96.
57. Registrum I, f° 85. Registrum II,
f° 53 v°. CEYSSENS, J., Ibid., p. 175.
58. VAN HOVE, A., Etude sur les conflits de juridiction dans
le diocèse de Liège à l'époque d'Erard de la Marck
(1506-1538), Louvain, 1900, pp. 45-57. Selon cet auteur, ce sont les papes
d'Avignon qui ont utilisé le plus ces droits car, leurs
bénéfices en Italie étant perdus, ils cherchent à
augmenter leurs revenus et à se faire de nouveaux alliés.
apostolique, c'est au pape que revient le droit de confirmer
le nouveau doyen.59 Deux ans plus tard, Gauthier d'Ochain, doyen du concile de
Rochefort, accepte du Saint-Siège la dignité d'abbé de
Saint-Gilles de Publémont, qu'il ne peut cumuler avec les fonctions
décanales. La désignation de son successeur est donc du ressort
du pontife romain.60 Dans le district de Chimay, en 1360, une querelle survient
entre Henri, curé d'Olloy et Nicolas, curé de Treignes, pour
l'obtention de la charge décanale. L'examen de la situation est
confié au Saint-Siège, qui tranche en faveur du premier
prétendant.61
Le droit de l'alternative, une réserve
générale, permet au pape d'intervenir dans l'attribution des
bénéfices laissés vacants au cours des mois impairs de
l'année. C'est pour cette raison que le Saint-Siège confirme
l'élection de Gérard de Rivo, à la tête de la
chrétienté d'Hilvarenbeek, en 1350.62
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