§2. Le recrutement.
a. Critères légaux.
Comme le rappellent les conciles de Poitiers (1078),7 de
Latran (1123),8 de Reims (1131)9 et de Latran II (1139),10 la toute
première condition pour devenir doyen rural est d'avoir reçu le
sacrement de l'ordre. Mais, en 1179, lors du troisième concile de
Latran, cette règle est remise en question. Désormais, un clerc
n'ayant pas reçu l'ordination sacerdotale peut être admis à
la charge décanale s'il devient prêtre par la suite, mais s'il ne
reçoit pas le sacrement de l'ordre, son office lui sera retiré.11
Cette mesure étant retranscrite sans plus de précisions, les
glossateurs fixent le délai de l'ordination à six mois.11 En
1274, le concile de Lyon, présidé par Grégoire X, double
la durée du délai.12
Tant les membres du clergé séculier que
régulier peuvent briguer cet office, mais les membres d'un ordre
religieux ont besoin, en principe, d'une autorisation de leur supérieur,
de l'évêque ou du pape pour poser leur
5. WERMINGHOFF, A., Concilia aevi Karolini, t. 1, 1e partie,
dans Monumenta Germaniae Historica, Hannovre, 1906, p. 322 : Ut de his qui
longe positi sunt de octo vel decem unus ab episcopo eligatur qui acceptum
chrisma sibi et sociis diligenter perferat.
6. DEBLON, A., Ibid., p. 707.
7. MANSI, G.-D., Sacrorum Concilium nova et amplissima
collectio, t. 10, Paris-Leipzig, 1901, col. 498.
8. MANSI, G.-D., Ibid., t. 21, Paris-Leipzig, 1903, col. 281. 9.
MANSI, G.-D., Ibid., t. 21, col. 459.
10. MANSI, G.-D., Ibid., t. 21, col. 529.
11. MANSI, G.-D., Ibid., t. 22, Paris-Leipzig, 1903, col.
219.
12. TOUSSAINT, F., Ibid., p. 56.
13. MANSI, G.-D., Ibid., t. 24, Paris-Leipzig, 1903, col. 91.
candidature. Malgré tout, certains chanoines se sont
ingéniés à trouver le moyen de contourner ces
règles qui leur enlèvent le droit de disposer librement de leurs
activités.14 Jean Maresco, chanoine régulier de Saint-Augustin,
devient doyen du concile de Rochefort, en 1353, cum dispensatione
diocesani.15
L'âge minimum requis est envisagé dès
1131, au cours du premier concile de Reims,17 où défense est
faite aux adolescents de devenir doyens. Cette règle, reformulée
à Latran huit ans plus tard,18 puis à nouveau à Reims en
114817, est affinée par le troisième concile de Latran,19 qui
fixe à vingt-cinq ans révolus l'âge minimum pour devenir
archiprêtre.
b. Critères traditionnels.
Même si aucun texte règlementaire n'oblige un
candidat à desservir une paroisse du concile pour en devenir le doyen,
il semble que cette coutume se soit répandue partout dans le
diocèse de Liège. Le formulaire de l'officialité
épiscopale, daté du règne d'Erard de la Marck, souligne
toute l'importance, pour le candidat, d'administrer une paroisse appartenant au
concile qu'il souhaite diriger.20 Les listes des doyens confirment l'usage
généralisé de cette tradition.
Fernand Toussaint, se fondant sur ce formulaire,21 ainsi que sur
des mesures
14. Registrum I, f° 81. Registrum II,
f° 51. Contrairement à l'avis de TOUSSAINT, F., Ibid.,
p. 61-62, nous pensons que Henri Van der Scaeft, le doyen du concile de
Beringen qui est l'auteur du registre en question, a pu trouver la
possibilité de se soustraire aux exigences traditionnelles. Nous ne
renions pas le fait qu'il parle de façon intéressée vu
qu'il est lui-même chanoine régulier de l'ordre des
Prémontrés. L'intérêt du texte de Van der Scaeft,
c'est qu'il se fonde sur des textes de lois.
15. BERLIERE, U., Suppliques d'Innocent VI, p. 56.
16. MANSI, G.-D., Ibid., t. 21, col. 460.
17. MANSI, G.-D., Ibid., t. 21, col. 529.
18. MANSI, G.-D., Ibid., t. 21, col. 716.
19. TOUSSAINT, F., Ibid., p. 59.
20. LAENEN, J., Notes sur l'organisation
ecclésiastique du Brabant à l'époque de l'érection
des nouveaux évêchés, dans A.A.R.A., t. 56, Bruxelles,
1904, pp. 176- 179 (annexes). Ce document est une compilation de deux chartes
au moins. La première date du règne de Jean de Horne ; la
seconde, d'Erard de la Marck.
21. TOUSSAINT, F., Ibid., p. 59. LAENEN, J., Ibid., p. 177 : de
legitimo thoro procreatum.
Prises antérieurement par les papes Alexandre III et
Grégoire X,22 pense que la naissance légitime est un argument
pouvant entrer en ligne de compte. Mais l'exemple de Helmicus de Dyck, doyen de
Chimay au début du XVe siècle, infirme cette hypothèse.23
Par contre, on peut penser que l'envoyé de l'évêque ait
reçu pour mission de s'assurer que la charge décanale ne devienne
pas héréditaire et qu'il a utilisé, comme preuve,
l'argument de la naissance légitime. A ce jour, aucun cas de succession
héréditaire n'a pu être clairement établi.
Le bagage intellectuel constitue-t-il un critère
important pour le choix d'un doyen? Le canon 20 du concile de Cologne de 1536
stipule que seuls les prêtres qui dominent par leur savoir peuvent
accéder au décanat rural.24 De nombreux maîtres
universitaires sont devenus doyens dès le milieu du XIIIe siècle.
A cette époque, la charge décanale nécessite un certain
bagage en droit, car elle comprend l'exercice de la justice gracieuse et
contentieuse. De plus, le doyen rural doit être apte à comprendre
tous les règlements énoncés dans les statuts synodaux afin
de pouvoir les expliquer aux prêtres qui ne les comprendraient pas bien.
Ajoutons à cela la nécessité de maîtriser les
règlements et les coutumes locales. La gestion de biens
ecclésiastiques, le recencement des bénéfices et
l'entretien de la comptabilité liée à la collecte des
impôts sont autant de tâches capitales de son ressort.25
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