C. La maîtrise de la masse salariale
1. Notion de masse salariale
La masse salariale représente la totalité des
dépenses engagées par l'entreprise au titre de la
rémunération de travail (Donnadieu G. ; 1997). Sur cette
base, on distingue trois approches de la masse salariale selon qu'elle est
utilisée par le technicien de la paie, le comptable ou le
gestionnaire.
a. Pour le technicien de la paie, c'est « la somme
annuelle des éléments de salaires qui sont soumis aux cotisations
de Sécurité Sociale » : c'est la masse
salariale sociale.
Cette acception se confond avec l'approche fiscale qui veut
que la masse salariale soit calculée à partir des informations de
la DADS (Déclaration Annuelle Des Salaires) autrement dit l'ensemble des
éléments imposables tels que : indemnité de
remboursement des frais professionnels, montant des avantages en nature,
véhicules, nourriture, logements.
Le calcul d'une masse salariale de référence sur
la base de la déclaration annuelle des salaires, permet une valorisation
rapide et valide (contrôle des informations) de la masse salariale.
b. Pour le comptable, c'est « le total des postes
comptables concernés par les écritures de la paie,
c'est-á-dire les rémunérations du personnel et les charges
sociales légales ou contractuelles » : c'est la masse
salariale comptable.
Ce sont les comptes de la classe 66 « charges de
personnel » de l'Organisation pour l'Harmonisation des Droits
Africains(OHADA) comprenant l'ensemble des éléments liés
à l'emploi de personnel. Ils peuvent donc être utilisés
dans l'estimation de la masse salariale au sens large dans la mesure où
elle comporte aussi les cotisations sociales de l'employeur.
c. Pour le gestionnaire de la masse salariale, c'est
« l'ensemble des salaires versés á une population
donnée pendant une période donnée
(généralement année) » : c'est la masse
salariale budgétaire, qui se décompose en masse salariale de
base (éléments permanents) et en masse des éléments
non permanents.
Toutefois, toutes ces approches excluent de la masse
salariale, les éléments de rémunération ne
dépendant pas de l'exécution du travail dans sa durée
normale (gratification exceptionnelle, perdiem, primes
particulières).
La masse salariale est au coeur des équilibres
économiques et sociaux de toutes organisations (Beuer G. et Al, 1986). A
ce double titre, elle constitue une variable stratégique de la Direction
Générale. Toutes politiques salariales reposent sur la recherche
d'un triple équilibre : le niveau de la masse salariale, la
compétitivité externe et l'équité interne.
2. Niveau de la masse salariale
Le premier équilibre est interne : la masse salariale
ne doit pas dépasser le niveau possible des engagements de l'entreprise.
Elle constitue dans la plupart des entreprises le poste de dépenses le
plus important. On constate que les difficultés des
sociétés se concrétisent très souvent par
l'impossibilité de verser les salaires. On veillera donc à
assurer la mise en conformité de la masse avec les possibilités
de trésorerie à court terme et avec les ressources
financières à long terme.
La masse salariale apparaît à l'analyste comme
une donnée brute, calculée périodiquement dont il est
intéressant de suivre, puis de décomposer les évolutions
périodiques. Ce sont en effet, beaucoup plus les variations de la masse
salariale que son niveau brut qui constituent les variables stratégiques
susceptibles d'éclairer les décideurs sociaux d'une part, les
décideurs financiers, d'autre part.
Il paraît commode de distinguer quatre groupes de
facteurs d'évolution de la masse salariale qui se combinent pour
provoquer la variation globale :
a) La variation du niveau
d'activité
Il s'agit de prendre en compte le niveau d'évolution
des activités (en hausse ou baisse) et l'incidence des
différentes causes de variation d'activité qui ont un impact sur
la masse salariale notamment :
ü le recours aux heures supplémentaires ;
ü l'appel au chômage partiel ;
ü les effets du travail à temps partiel
accordé à certains salariés ;
ü les éléments à caractère
imprévisible ou accidentel (arrêt de production, grèves,
incidents graves...).
b) La variation quantitative des
effectifs
« La première des causes de modification
d'une année sur l'autre de la masse salariale à activité
constante tient évidemment à la variation quantitative des
effectifs. Cette variation peut être mesurée de façon
simple en comparant l'effectif moyen des deux années c'est-à-dire
la moyenne arithmétique des employés au cours de chacun des douze
mois » (J. PERETTI, 2000)
Dans ce cas, la masse salariale, après déduction
du pourcentage correspondant à la variation des effectifs, est
généralement dénommée « masse salariale
à activité et effectif constants ».
c) La variation des niveaux des
rémunérations
On mesure, à ce niveau, l'impact des mesures
d'augmentation générales et/ou catégorielles.
La variation est généralement
appréciée :
ü En masse, c'est-à-dire en mesurant d'une
année sur l'autre l'évolution des sommes réellement
versées aux salariés ;
ü En taux, compte tenu de l'impact des augmentations sur
l'année prise en compte et sur l'année suivante (effet de
report).
La masse salariale déterminée après
déduction des évolutions des rémunérations peut
être appelée « masse salariale à activité,
effectifs et niveau de rémunérations constants ».
d) Les variations dues à l'évolution
des structures de la masse salariale et aux mesures
individuelles.
Globalement, le niveau de variation de la masse salariale
résultant de cette évolution résiduelle peut être
calculé par différence :
Incidence des évolutions de structure et des
mesures individuelles = variation globale de la masse salariale - somme des
incidences des variations d'activité, d'effectifs, de
rémunération.
Toutefois, le souci d'optimiser les politiques de
rémunération peut conduire à identifier les principales
composantes des évolutions structurelles puis à en mesurer
l'impact. On prend alors en compte l'effet des mesures individuelles, puis
celui des entrées-sorties sur la structure de la masse salariale.
Ø Effets des mesures
individuelles
Ils peuvent être classés commodément en
trois groupes :
ü Glissement : il regroupe l'ensemble des
valorisations de la compétence et de la performance individuelle
provoquant des augmentations de salaire ;
ü Vieillissement : il s'agit de la prise en compte
de l'ancienneté de chaque agent, soit dans la progression de sa prime
d'ancienneté, soit dans l'application d'une grille d'augmentation
automatique liée à l'ancienneté ;
ü Technicité : C'est une augmentation
liée à l'amélioration des qualifications d'un agent.
Ø L'incidence de la redistribution des
effectifs.
Il s'agit de prendre en compte les changements dans la
structure des effectifs provoqués par les mouvements de personnel,
à savoir essentiellement :
ü les incidences des entrées-sorties sur la
structure des emplois ;
ü l'effet qualitatif des créations et/ou
suppression de postes ;
ü la modification de la répartition
géographique, des formes d'emploi, des lieux d'affectation,
etc. ;
ü les promotions ou redéfinitions collectives des
emplois.
On peut d'ores et déjà retenir les trois ratios
significatifs des évolutions de la masse salariale :
ü le niveau absolu de la masse salariale et son
évolution (éventuellement décomposé en salaire des
permanents et des non permanents : CDD et intérimaires) ;
ü le ratio masse salariale sur l'ensemble des charges et
son évolution ;
ü la décomposition de la masse salariale
budgétaire entre rémunération, primes diverses, charges
sociales patronales et son évolution.
Ø Incidences des facteurs d'évolution
sur la masse salariale
Les décisions de la GRH ont un impact sur les
évolutions de la masse salariale (Annexe4).Ces incidences sont
appréciées à travers six (6) variables
fondamentales :
- Effet en niveau : Il traduit l'évolution
de rémunération instantanée d'un individu ou d'un groupe
de personne entre deux dates données (décembre A et
décembre B) ;
- Effet en Masse : Il mesure l'évolution de
rémunération annuelle d'un individu ou d'un groupe de personnes
entre deux périodes de référence (Année A et
Année B) ;
- Effet de report : Il concerne l'incidence en
masse sur l'année N+1 des mesures d'augmentations prises au cours de
l'année N ;
- Effet d'effectif : Il mesure l'impact de la
variation d'effectif (création ou suppression de postes) ;
- Effet de structure : Il mesure l'impact des
changements de catégories professionnelles, à effectif
constant ;
- Effet noria : Il mesure l'influence
spécifique des entrées et des sorties par catégories. La
noria concerne la variation du salaire moyen d'une catégorie due aux
mouvements d'entrées-sorties de personnels.
Dans le cadre de la gestion de leur masse salariale, les
entreprises effectuent des simulations en fin d'exercice sur la base des
hypothèses afin de déterminer la masse salariale
prévisionnelle.
En pratique, au cours de l'exercice de réalisation, des
facteurs peuvent survenir modifiant ces prévisions. Dans cette optique
et en vue de la prise de décisions par anticipation et des corrections
des dérives éventuelles il paraît donc impérieux
d'élaborer un outil de suivi et d'ajustement : le tableau de bord
du suivi budgétaire de la masse salariale (Annexe 5).
3. la compétitivité
externe
Une politique de compétitivité ou
d'équité externe en matière de rémunération,
porte sur le niveau de rémunération offert par une entreprise par
rapport au marché (Faugere. J.P. ; 1988). Il n'est pas possible de
verser pour un métier donné des rémunérations
sensiblement inférieures à celles qui sont proposées sur
le marché du travail (par exemple les augmentations accordées par
d'autres entreprises dans le secteur).
Une telle politique de compétitivité a des
effets sur la capacité de l'entreprise de recruter, sur la
stabilité de la main d'oeuvre de même que sur la
rentabilité de l'entreprise (DUFETEIL L. ,1989).
4. L'équité interne dans les groupes
(les différences par catégorie).
L'équité interne implique une comparaison des
différents emplois à l'intérieur d'une organisation
(LANCIAUX C. ,1988).Cette comparaison a pour but de déterminer la valeur
de l'apport de chaque emploi à la réalisation des objectifs de
l'organisation. Elle est prise en compte comme une contrainte dynamique.
La cohérence interne est donc un critère
pertinent quant à la détermination des salaires à
l'intérieur d'une organisation. Elle a un effet sur la stabilité
de la main d'oeuvre, sur la satisfaction des employés et sur leur
productivité.
Compte tenu de l'importance de la rémunération,
toute organisation doit faire en sorte que la gestion de ses politiques et
pratiques salariales soit cohérente et efficace et que, dans le temps,
elles demeurent équitables et compétitives.
Bernard MARTORY, a montré que d'autres facteurs peuvent
aussi influencer la structure de salaire et l'évolution de la masse
salariale. Il s'agit de :
- les résultats financiers et les perspectives
financières de l'entreprise,
- les conventions collectives nationales ou
corporatives ;
- les demandes syndicales (hiérarchisation et
indexation des salaires par rapport à l'indice du coût de la
vie) ;
- la conjoncture économique,
- la politique de l'emploi ;
- la politique sociale.
En fonction de chaque facteur, l'entreprise adoptera une
stratégie ou apportera des solutions idoines.
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