De la responsabilité civile et pénale découlant de la violation du secret médical en droit rwandais: cas du VIH/sida( Télécharger le fichier original )par Channy UWIMANA ULK - Licence en droit 2009 |
I.2.1. La pratique du secret médical dans les différents pays
Pour mieux connaître la portée du secret médical dans le contexte du VIH/SIDA, il nous parait indispensable de voir d'abord la pratique du secret médical dans quelques pays africains. · Au Maroc
Le respect de la confidentialité, du secret médical et de l'éthique est une préoccupation majeure du PNLS (Programme National de Lutte contre le SIDA), du service des maladies infectieuses et de l'association marocaine de lutte contre le SIDA23(*). Dans les services des maladies infectieuses le diagnostic d'infection à VIH n'est communiqué qu'au patient, qui se charge lui-même, s'il le souhaite, d'en informer son partenaire ou son entourage. Cependant, dans le secteur privé, cela n'a pas toujours été respecté particulièrement au début de l'épidémie.24(*) · En Tunisie Les médecins se trouvent confrontés à la contradiction entre le respect du secret médical et la loi. Dans un document réalisé par le professeur ZRIBI sur la prise en charge des patients atteints d'infection à VIH/SIDA en Tunisie. Il est dit : « Les sujets infectés par le VIH se montrent souvent réticents à informer leurs partenaires ou refusent de le faire. 25(*)»
Dans ce cas, le médecin entreprendra des recherches, les contacts soit directement, soit par le biais du programme gouvernemental de lutte contre le SIDA. Après s'être procuré le nom et l'adresse des partenaires sexuels ou des personnes avec lesquelles des aiguilles ont été partagés, il est pris contact avec eux pour les informer qu'ils ont pu être exposés au VIH sans leur communiquer la source de la transmission éventuelle. Les principes qui président à la recherche des contacts sont les suivants : - toute personne qui a été exposée au VIH a le droit de savoir. - toute personne qui est infectée par le VIH a le droit à la confidentialité.26(*) Nous pensons que dans ce cas on doit voir ce qui est primordial entre ces deux principes, c'est-à-dire, peser entre la confidentialité du patient et la protection de toutes autres personnes qui peuvent être contaminées par la séropositive · Au Botswana Bien que généralement considérée comme intangible, le secret médical n'a jamais été érigé en principe absolu. La décision d'y déroger procède d'un compromis qui met en balance le droit du patient au respect de sa vie privée et à la confidentialité et la protection des personnes courant le risque d'être infectées par lui-même.27(*) · Au Sénégal Les textes ne permettent pas au médecin de prendre l'initiative de révéler la maladie de la PVVIH, même dans son rôle de prévention. Si par des déclarations plus ou moins avancées, on fait comprendre au conjoint que l'autre est atteint de la maladie, on a rompu le secret médical. Depuis la découverte de cette maladie, on n'a pas adapté les textes et lois et si le médecin laisse deviner le diagnostic, il a violé le secret médical.28(*) Au Sénégal, on constate que le secret est absolu, ce qui veut dire que quand un médecin sénégalais se trouve devant un PVVIH qui expose volontairement son partenaire, il y a conflit d'intérêt avec deux devoirs qui se contredisent. Il faut trouver un compromis entre obligation de garder le secret professionnel vis-à-vis de son patient et devoir de préserver l'intérêt public. Nous pensons qu'il est inadmissible qu'au nom du secret médical, un médecin garde le silence par rapport à un séropositif en sachant pertinemment que telle personne va transmettre le virus à d'autres délibérément. Il s'agit de mesure contre la prophylaxie sociale ; mais cela ne veut pas dire que le médecin soit chargé de cette tâche là, d'informer la famille ou la personne exposée, il doit plutôt faire du counselling et attirer l'attention du malade sur le problème. · Au Rwanda Connue depuis Hippocrate comme une des règles fondamentales de l'exercice médical, la notion de secret déterminera les obligations de chaque prestataire de soins dans ce domaine. L'importance persistante du secret médical est attestée par l'article 7 du code de déontologie médicale au Rwanda qui dispose que « le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin ou dentiste sauf dérogation établie par la loi. Le secret couvre tout ce qui à été portée à la connaissance du médecin ou du dentiste dans l'exercice de ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il de ce qui lui a vu, entendu ou compris ».29(*) Le secret médical persiste à la mort du patient en cas d'autopsie ou au prélèvement d'organes. Dans ce cas nous voyons que le secret médical a un caractère absolu mais le secret d'Hippocrate n'intervient pas en matière du VIH/SIDA surtout en ce qui concerne la prise en charge des PVVIH. En effet l'instruction ministérielle déterminant les conditions et modalités de prises en charge thérapeutique des PVVIH, dispose que « pour accéder au traitement de prise en charge le patient (PVVIH) doit avoir révélé le statut sérologique à un membre de la famille ou un proche » 30(*) Au fait le cas du VIH /SIDA au Rwanda est un cas spécifique, parce que pour que le patient accède aux soins (traitement de prise en charge),il doit accepter que le secret de son statut soit partagé entre : 1. Le counsellor pre-test et post-test 2. Le Médecin 3. Le pharmacien 4. Le parrain ou marraine. Suite à cette chaîne, on ne peut pas dire que le secret est absolu. En effet, en matière du VIH/SIDA, le secret est absolu au premier niveau, c'est à dire entre le counsellor pré-test et post-test et le malade, car ne connaîtront le statut sérologique du malade que ce dernier et son counsellor ou, dans le cadre de la consultation le médecin et son patient. Le secret partagé commence dés lors que le patient veut adhérer aux ARV, car il doit accepter que son statut soit révélé. Mais ce n'est pas le médecin qui doit révéler cela mais il doit plutôt convaincre le malade de divulguer son statut. Il peut arriver que le médecin parle du statut du malade mais cela n'est possible qu'avec le consentement du malade lorsqu'il s'agit notamment d'un couple qui doit partager ce secret. Donc au Rwanda nous pouvons dire que même si le secret médical est absolu, dans le contexte du VIH/SIDA, il y a la confidentialité partagée c'est -à -dire on tend vers l'extériorisation du statut sérologique du patient parce que le VIH/SIDA n'est plus seulement une maladie mortelle mais aussi chronique. Cette confidentialité est pour les PVVIH comme une contrainte parceque beaucoup de séropositifves ne veulent pas révéler leur statut sérologique, et d'autres choisissent l'adhésion à la prise en charge ailleurs dans une autre localité. * 23ONUSIDA, Cahiers d'études et de recherches francophones Santé, Volume 5, N°5, 2000, p.275. * 24 Idem, p.276. * 25 Ibidem. * 26 ONUSIDA, Tenir sa promesse, Résumé de la déclaration d'engagement sur le VIH/SIDA, 2000, p.30. * 27 Ministère de la santé, Botswana National Policy on HIV/AIDS, Gaborone, Associated Press, 1988, p.2. * 28 L.FALL Op.Cit, p.146. * 29 Art.7du projet de la loi portant code déontologie au Rwanda, p.3. * 30Art. 11 du projet de la loi déterminant les conditions et les modalités de prise en charge thérapeutique des PVVIH au Rwanda, p.5. |
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