2) Quelle voie pour l'avenir ?
a) Le processus de perfectionnement des entreprises
Le processus de perfectionnement des entreprises
(perfeccionamiento empresarial) fut crée en 1987 dans 200
entreprises du ministère des armées (MINFAR) et visait à
une plus grande rationalisation de la production sur la base d?une plus grande
autonomie laissée aux unités économiques afin de
répondre aux problèmes du SDPE. Au vu des bons résultats
de ses entreprises et des difficultés de la décennie 1990 au
cours de laquelle des changements de méthodes de planification se sont
opérés (le calcul en balances financières a
remplacé le calcul en balances matérielles), ce système
cherchera à se généraliser à partir de 1997. C?est
la loi 187 d?aoüt 1998 qui mettra en vigueur les bases
générales du processus de perfectionnement des entreprises.
Les entreprises souhaitant intégrer le processus de
perfectionnement des entreprises doivent remplir plusieurs critères et
étapes afin de rentrer dans le processus126. Tout d?abord,
elles doivent avoir une comptabilité qui reflète les faits
économiques. La seconde étape est l?existence d?un marché
qui assure la réalisation de leurs productions et de leurs services.
Enfin, les assurances nécessaires pour la production de leurs biens et
services doivent être garanties.
Dans la recherche d?un système de gestion entrepreneurial
plus efficient, le nouveau Système de Direction et Gestion (SDG) repose
sur plusieurs composants :
125 Cette suggestion m?a été faîte par un
économiste cubain. Elle est envisageable et permettrait sûrement
une amélioration de la productivité (toutes choses égales
par ailleurs) dans le cas où les trois éléments
déterminants restent dans la même configuration.
126 Cf. TRISTA ARESU, Grisel, « El perfeccionamiento
empresarial en la empresa estatal cubana y socialista », Momentos
actuales, No18, 2000, pp. 28-35.
Exemple de rémunération dans une entreprise
cubaine
Cas de Transtur, entreprise étatique
spécialisé dans le transport en bus et la location de voiture
(Cubacar) pour les touristes. Elle fait partie du secteur dit
émergent et fonctionne selon les principes du nouveau Système de
Direction et de Gestion (Perfeccionamiento Empresarial).
Il existe deux types de travailleurs, les administrateurs et
les travailleurs productifs. Le revenu des travailleurs va se décomposer
comme suit :
- Le salaire de base (par exemple 400CUP pour un
informaticien, comme la personne qui m?a fournit les informations)
- Une stimulation en monnaie nationale - Une stimulation en
Peso convertible
- Des pourboires
Le salaire de base est lié à l?échelle
salariale en vigueur. Il n?est donc pas à la pièce pour les
travailleurs productifs car un manque de voiture ou une diminution de touristes
pourrait procurer des salaires très bas. Cependant une autre UEB
(Unité Basique d?Entreprise) de Transtur aurait mis en place un
type de salaire aux pièces. La stimulation en Peso Cubain fonctionne
suivant des critères différents selon que l?on soit travailleur
productif (ici les personnes qui loue les voitures par exemple) ou non
productif. Pour les travailleurs productifs, elle est fonction de
l?accomplissement du plan. Pour les administrateurs, le critère est
l?utilité apportée à la société
(utilidades) en fonction du profit brut (recette -- dépenses)
qui doit excéder 10%. En revanche il n?y a pas de diminution de salaire
pour non accomplissement du plan.
La stimulation en CUC est automatique. Les pourboires sont
placés dans le fond commun de l?entreprise et répartis ensuite
entre les travailleurs. Une partie est également réservée
au MINSAP (Ministère de la Santé Publique). Les autres UEB de
l?entreprise peuvent avoir des politiques de stimulation différentes.
Ces sont les Directeurs des Ressources Humaines qui vont décider du
système de stimulation en discussion avec le syndicat.
- Techniques modernes de direction
- Restructuration entrepreneurial avec l?accent mis sur la
spécialisation et l?autonomie des unités de bases
- Organisations des processus productifs
- Flexibilisation de la politique du travail et salarial
- Introduction de nouveaux systèmes de coûts
modernes
- Plus grande flexibilité des indices de planification
en réduisant ceux de caractère directif et en élevant le
rôle des indicateurs d?ordre financier et les systèmes des
garanties de la qualité qui incluent les circuits de
qualité127.
Le processus de perfectionnement des entreprises insiste sur
une plus grande participation des travailleurs, sur la
rémunération selon le travail fourni ainsi que sur une plus
grande décentralisation des décisions. Le fonds de salaire et la
moyenne des travailleurs ne sont plus des indices directifs, ils sont
modulables par les différentes directions d?entreprises ou des
Unités Basiques de Production (UEB) auxquelles elles sont
rattachées. De plus, le salaire maximum de l?échelle salariale a
été augmenté, ce qui a permit une plus grande
différenciation salariale entre les travailleurs simples et les
travailleurs complexes. L?utilisation des catégories marchandes et de la
loi de la valeur joue donc un rôle plus important au sein des entreprises
rentrant dans le nouveau système. De ce point de vue, même si cela
parait comparable au SDPE, le SDG va plus loin. Déjà en affirmant
plus fortement l?utilisation des catégories marchandes, mais
également car de réelles méthodes de gestion
managériale sont employées.
En 2000, en plus des entreprises du MINFAR, 50% des
entreprises du secteur d?Etat transitaient par les différentes
étapes du processus de perfectionnement des entreprises. Mais seulement
vingt avaient réellement intégrées le système. Ces
vingt entreprises salariaient 25 853 travailleurs, avaient un système de
rémunération selon les résultats et elles étaient
toutes rentables et apportaient au pays plus de 19 millions de
dollars128. Aujourd?hui le
127 CARRANZA, Julio, GUTTIEREZ, Luis, MONREAL, Pedro: La
reestructuración de la economía cubana.
Una propuesta para el debate. La Habana: Editorial
Ciencias Sociales 1995.
128 Cf. TRISTA ARBESU, Grisel, « El perfeccionamiento
empresarial en la empresa estatal cubana y socialista », Op.cit
nombre d?entreprises fonctionnant avec le nouveau
Système de Direction et de Gestion a augmenté, mais l?on voit que
les entreprises cubaines ont des difficultés à rentrer dans le
processus. Cela nécessite des aménagements, de nouvelles
méthodes de travail, l?accord et le soutien des travailleurs... Neuf ans
après l?initiation de ce processus en 1988, le nombre d?entreprises
approuvées pour initier le programme de perfectionnement a
été multiplié par sept (797 entreprises en 2007), mais
représentent seulement 29% de l?ensemble des entreprises et 25,5% de la
force de travail dans le pays.
Le nouveau système de direction économique
implanté encore partiellement à Cuba a été mis en
place en raison de la crise économique qui a suivi la
désintégration de l?URSS et qui à réduit
l?état des forces productives du pays (Fermeture ou mis à
l?arrêt d?usine, baisse des moyens techniques, baisse de la conscience
des travailleurs). Après la période de rectification des erreurs,
l?accent mis sur les stimulants matériels est revenu sur le devant de la
scène. Mais il faudrait nuancer. Plus que les stimulants
matériels, c?est un juste revenu correspondant à l?apport pour la
société qui est mis en avant selon le principe socialiste «
à chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail
». Un changement important également est l?augmentation des
inégalités. Ceux-ci proviennent des changements structurels
liés à la plus grande place des activités privées
marchandes et des transferts d?argent depuis l?étranger, mais c?est
également une volonté délibérée de l?Etat
qui accepte une plus grande différenciation salariale au sein du SDG, et
qui sera mise en oeuvre par la loi de 2008 sur les salaires.
L?égalitarisme, qui existait avant 1989 y est vu comme
non efficace, non efficient économiquement. Les discours sont donc
réellement portés vers le productivisme, même si l?on ne
s?attend pas pour le moment à des changements comme ils se sont produits
en Chine. Cet accent mis sur l?augmentation de la production ressort d?une
situation catastrophique pour l?économie.
b) Nouvelle orientation sur les salaires et la
rémunération en général
En 2008, une nouvelle loi sur les salaires a été
mise en vigueur. Elle vise à individualiser les primes. Auparavant,
celles-ci étaient liées aux résultats de l?entreprise et
donc aux résultats du collectif de travailleur. Maintenant, elles
doivent être le reflet de l?apport individuel du travailleur. Elles
doivent donc se rapprocher plus du principe socialiste de
rémunération « à chacun selon ses capacités,
à chacun selon son travail ». Mais ici, toute la
rémunération n?est pas fonction de l?apport individuel mais
seulement les primes. Il n?y a donc pas une généralisation du
salaire aux pièces.
Pour le moment, au bout de deux ans, la réforme a du mal
à se mettre en place, dans toutes les entreprises du secteur d?Etat.
Après la chute de l?Union soviétique, la
planification a commencé à se réaliser selon un calcul en
balance financière pour remplacer le calcul en balance
matérielle, qui n?était plus viable en raison de la grave crise
économique qui touchait Cuba. Des effort vers une plus grande
décentralisation se sont opérés, mêlés
à la suppression du monopole du commerce extérieur et au
lancement du processus de perfectionnement des entreprises. C?est pour cela
qu?il y a eu une augmentation de la stimulation matérielle pour les
travailleurs, à travers le fonds de stimulation. A partir de 2001,
cependant, une recentralisation des ressources s?est fait jour à travers
le système de compte unique et nous avons assisté donc à
une diminution de la stimulation.
Différents problèmes, comme nous l?avons vu,
empêchent un réel système de stimulation de fonctionner,
nous pouvons en citer quelques uns.
- Automaticité de certaines primes. Parfois elles sont
purement automatiques, d?autres fois, leur octroi est automatique en raison de
la connaissance des nécessités des travailleurs. Peut on alors
parler réellement de primes, ou sinon simplement de supplément de
salaires.
- Faible offre de biens de consommation du secteur d?Etat. Les
travailleurs ne vont pas être incités à accroître
leur effort de travail pour obtenir un revenu supplémentaire en Peso
Cubain s?ils ne peuvent pas le dépenser. Ce
problème se pose depuis la révolution, et est fréquent au
sein des pays en transition.
- Les critères des primes sur l?assiduité ou les
retards peuvent être biaisés car les problèmes de transport
existent toujours depuis le début des années 1990, ainsi que par
le manque de matériel de rechange pour l?outillage en
général qui peut à certains moments ralentir la
production.
- Une réelle participation des travailleurs aux
processus de décisions productifs et de répartition est
nécessaire pour les intéresser au développement de leur
lieu de travail et à fortiori du socialisme. La stimulation doit
méme s?avérer décroissante en fonction de la participation
et de la démocratie socialiste. Bien sûr des conditions de niveau
de vie doivent être atteintes.
Des transformations sociales et économiques vont encore
avoir lieu à Cuba dans un futur relativement proche. Tout peut nous
faire penser qu?un accroissement des catégories marchandes et de
l?utilisation de la loi de la valeur va se produire car à court terme
les éléments déterminants (forces productives,
bureaucratie, et situation internationale) ne devraient pas évoluer
fortement. Il faudra surement attendre le prochain congrès du PCC, qui
devrait se réunir cette année ou l?année prochaine, s?il
n?est pas une fois de plus reporté. Déjà, une nouvelle
mesure est en expérience depuis le mois d?octobre 2009 dans les
entreprises de trois ministères. Elle vise à supprimer les
restaurants ouvriers dont les prix très faibles pour les travailleurs
étaient subventionnés par l?Etat. En retour celui-ci
perçoit 15 CUP par jour qui doivent leur permettre de manger. 15 CUP sur
vingt jour sont égaux à 300 CUP c?est donc quasiment plus du
double du salaire pour un travailleur au salaire minimum. La libreta
pourrait également être supprimée dans un avenir
proche.
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