2) Les résultats de l'application du Syst~me de
Direction et de Planification de l'Economie et de l'économie cubaine
jusqu'en 1986
a) Des résultats peu satisfaisants du nouveau
système de direction économique
Certains commentateurs pensent que Cuba, à partir de
cette période à calquer son modèle sur celui de l?URSS. Si
cela est partiellement vrai, Cuba a aussi tenté de régler la
question plus pratique des rapports de production. Les intentions
étaient de donner plus d?autonomie aux entreprises donc laisser plus de
pouvoir de décision aux acteurs locaux des unités
économiques, ainsi que d?accroître la participation des
travailleurs (internalisation), rendre une importance plus élevée
au stimulants matériels, tout cela afin d?essayer d?adapter les rapports
de production au développement des forces productives.
Au commencement du SDPE, 3500 entreprises de calcul
économique furent créées. En 1978 312 entreprises
expérimentales passèrent à l?application du nouveau
système de direction économique. Ce chiffre grimpa à 2420
entreprises en 1980, dont 95% appliquèrent les principes basiques du
calcul économique98.
Au niveau de la création des fonds de stimulation, en
1979, 191 entreprises étaient inclues dans le plan de formation, et 79
d?entre elles ont eu le droit de former un fonds de stimulation. Mais 40 n?ont
pas pu distribuer le « premio », car l?augmentation du
salaire était supérieur à l?augmentation de la
productivité. 99150 travailleurs ont touché un premio
cette année là, pour une moyenne de 61 pesos chacun. (Cf.
tableau)
98 RODRIGUEZ, José Luis, Estrategia del
desarrollo económico en Cuba, Op.cit.
Nous voyons que les premières années, le
système de stimulation peine à se mettre en place. En fait, c?est
tout le système de direction économique qui est dans cette
situation. Cela est du au manque d?organismes et d?institutions adaptés
et qu?il faut donc créer de surcroît : logiciels statistiques,
systèmes de contrat, programmes de management...
La mise en place du SDPE correspond au premier plan
quinquennal cubain de 1976- 1980, et est donc la première
expérience dans ce domaine. Ce plan quinquennal correspond
également à l?entrée de Cuba au sein du CAEM et permet de
coordonner les plans de chaque pays.
Ce système de stimulation comme on le voit, augmenta
très rapidement à partir de 1981 et en 1985 plus d?un million de
travailleurs en profitait. En parallèle, il continuait d?exister les
primes pour accomplissement ou dépassement des normes. 1,23 millions de
travailleurs cubains avaient leur paye lié à la production, ce
chiffre resta approximativement le même jusqu?en 1985. Cela
représentait 37,2% de la force de travail. Le paiement lié au
rendement augmenta de 150% entre 1980 et 1985, mais il ne représentait
que 6% du revenu de base du travailleur en 198599.
Malgré une augmentation des stimulants matériels
employés et des rémunérations liées à la
productivité, de nombreux problèmes ont empêché un
fonctionnement plus efficace du système. Tout d?abord, la lourdeur
bureaucratique à souvent été montré du doigt, ce
qui a pu ralentir la mise en place du système et entraver
également une véritable décentralisation des
décisions au sein même des unités économiques. Pour
Gomez, il faut prendre en compte la situation internationale et les bas prix du
sucre de cette période qui ont entraîné le fait que
beaucoup d?entreprises n?ont pas accompli le plan et donc que certains
collectifs de travailleurs n?ont pas obtenu de premio. De plus,
certaines entreprises n?ont pas pu vendre leur production. Également, il
pointe la méconnaissance des fonds de stimulation dans les entreprises,
peu d?attention ayant été faite à celui-ci par
l?administration et le syndicat.
99 ZIMBALIST, Andrew, « Incentives and planning
in Cuba », Op.cit.
« Si les travailleurs ne connaissent pas les
règles du jeu, ils ne peuvent pas lutter pour élever l'efficience
des entreprises »100.
D?autres auteurs comme Zimbalist pointent au contraire une
utilisation non efficiente des primes pour accomplissement ou
dépassement des normes ou du plan. En effet ces normes seraient beaucoup
trop faibles, mal révisées, car comme on peut le voir, il
était très facile de les dépasser. Elles auraient pu
être plus élevées et auraient sûrement permis une
plus grande productivité du travail au cours de la période. Dans
leur grande majorité, ces normes étaient
élémentaires plus que techniques ou semi-techniques (75,5% contre
0,3% et 24,2% en 1987). Par exemple en 1979, 95,5% des travailleurs
opérant avec des normes excédaient leurs quotas. Il arrivait
parfois qu?au sein de certaines entreprises, il n?y ait pas eu de
révision de normes durant plusieurs années.
De plus, le pouvoir de décision a été
accru en faveur des administrateurs d?entreprises aux dépens des
conseils de travailleurs101 qui avaient pris de l?importance au
début de la décennie 1970. Ces conseils étaient
élus à bulletin secret par les travailleurs et leurs
prérogatives concernaient la discipline au travail et
éventuellement la mauvaise attitude du « chef » entre autre.
Par exemple, lorsqu?en 1972, la production nationale par tête augmenta de
21% certains économistes attribuèrent cette augmentation à
l?utilisation des stimulants matériels. Or, cette version est
contestable selon Janette Habel qui reprend les analyses de Zimbalist et
Ekstein.
« Outre que ce n'est qu'en 1974 que les salaires
furent liés a la productivité, Zimbalist et Ekstein
considèrent que les travailleurs partagèrent plus volontiers les
responsabilités des politiques auxquelles ils donnaient leurs accords.
L'évolution des relations sociales dans l'entreprise permis une
meilleure motivation des travailleurs et des propositions utiles a
l'amélioration de l'efficacité du système de production,
ce qui entraîna un accroissement de la productivité
»102.
100 GOMEZ, Félix, « Les fonds de stimulation
économique dans les entreprises de l?économie cubaine »,
Op.cit.
101 Cf. HABEL, Janette, Rupture à Cuba : le castrisme
en crise, Op.cit.
102 Idem.
En ce qui concerne les primes, il en existait de diverses
sortes, celles pour dépassement du plan en quantité ou en
qualité, économie de matières premières ou pour
l?augmentation des exportations. En 1980, elles représentaient 14
millions de pesos. En même temps que la mise en place du nouveau
système, ces primes allaient se généraliser. Leur valeur
atteignit 43,4 millions de pesos en 1981, 54,4 millions en 1982, 58.3 en 1983,
81.4 en 1984 et 90.7 millions de pesos en 1985. Cette dernière
année les primes furent payées à 1 millions de
travailleurs mais malgré leur rapide croissance, elles ne
représentaient seulement que 1,9% du revenu de base103.
|
1979
|
1980
|
|
1981
|
|
1982
|
|
1983
|
Nombre d?entreprises
inséré dans le plan de formation
|
191
|
203
|
|
?
|
|
?
|
|
?
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Nombre
d?entreprises qui
ont le droit de former un fonds de stimulation
|
79 (seulement 40 ont pu distribuer
des
|
102
|
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430
|
|
?
|
|
977
|
|
« premios »)
|
|
|
|
|
|
|
|
Nombre de
travailleurs ayant reçu un prix
|
99150
|
124000
|
|
447000
|
|
417200
|
|
859000
|
Montant du
|
604815
|
9600000
|
|
4335900
|
|
4040000
|
|
6760000
|
fonds de
|
0
|
|
0
|
|
0
|
|
0
|
|
« premio » en
pesos
|
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Tableau effectué d?après les données de
Gomez (1986) et Rodriguez (1990)
103ZIMBALIST, Andrew, « Incentives and planning
in Cuba », Op.cit.
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