B/ L'offensive révolutionnaire et la premiere
rectification des erreurs (1966-1975)
1) L'offensive révolutionnaire, causes et
conséquences
a) Changement de cap au niveau de la politique des stimulants
matériels et de la planification en général.
Le début de la période nommée «
offensive révolutionnaire », peut se dater en 1966, lors d?un
discours de Fidel Castro, le 26 juillet. Celui-ci, depuis le début de la
révolution, n?avait pas réellement pris parti pour l?une ou
l?autre des deux « tendances ». L?on sait que Guevara à
quitté Cuba en 1965, pour aider au développement de
guérillas dans d?autres parties du monde (Congo, Bolivie). Certains
analystes affirmaient que les mesures de l?offensive révolutionnaire
correspondaient à la vision de Guevara sur la planification, en
réalité cela peut se contredire facilement.
En effet, à la suite du discours de Fidel Castro,
très critique vis-à-vis des stimulants matériels et de
l?existence des relations marchandes sous le socialisme, la centralisation des
ressources va s?effectuer dans l?agriculture, les tenants du calcul
économique vont être relégués à des postes de
second plan, et les stimulants matériels mis en place depuis la
révolution, vont être progressivement supprimés ainsi que
les normes de travail. Un système de plans spéciaux va
gérer toutes les relations du secteur économique socialiste. Il
faut rappeler que Cuba, à ce moment, est le pays où le taux de
moyens de production détenus par l?État est le plus
élevé au sein des économies socialistes planifiées.
En hiver de l?année 1968, 56 638 petits commerçants se virent
confisqués leurs biens79. A cette date, 30% des terres
agricoles restaient de petites exploitations privées, tous les autres
moyens de productions (agricoles, industriels...) étaient
nationalisés80.
79 KARL, Terry, « Work incentives in Cuba »,
Op.cit.
80 Hormis quelques exceptions, très
contrôlées et insignifiantes au niveau statistique comme certain
transport de marchandises. Cf. RODRIGUEZ, José Luis, Estrategia del
desarrollo económico en Cuba, Op.cit.
La planification centralisée, sans utilisation de la
loi de la valeur, le rejet et la suppression des stimulants matériels
(ceux-ci le furent progressivement et leur suppression effective peut titre
datée de 1968) montre que les dirigeants cubains, souhaitaient
construire le socialisme et le communisme, le plus rapidement possible, sans se
soucier du degré de développement des forces productives. Mais
ces mesures traduisent également une prise en compte de la situation
économique du pays en ce qui concerne l?offre de biens de consommation.
En effet, la suppression des stimulants matériels a également
été appliquée afin de ne pas augmenter trop fortement les
revenus de la population sachant que celle-ci ne pourrait pas les
dépenser et d?éviter ainsi une hausse trop importante des
liquidités en circulation.
Cuba avait à cette époque, construit des
rapports de production plus sociaux (mais pas plus efficaces) que les
économies d?Europe de l?Est et de l?URSS alors que l?état de ses
forces productives se trouvait à un niveau nettement inférieur.
Nous reviendrons sur ce point dans la partie suivante. Pour adoucir ce jugement
nous pouvons citer Rodriguez :
« Pourtant, d'un point de vue historique, ces
erreurs, justement qualifiées « d'idéalistes » dans le
bon sens du terme, furent des erreurs qui nous amenèrent à
essayer en général d'appliquer avec anticipation des
mécanismes correspondants à un développement
supérieur mais toujours à l'intérieur de la ligne
politique stratégique du socialisme comme
système81».
Certains analystes ont affirmé que les mesures
appliquées au cours de l?offensive révolutionnaire
correspondaient aux thèses de Guevara. En réalité,
l?égalitarisme poussé mis en place durant cette période ne
fût pas préconisé par lui. Au contraire celui-ci comptait
stimuler la formation professionnelle par un certain degré de
hiérarchie salariale82. Guevara n?aurait également pas
toléré la nationalisation des petits commerces et kiosques
à café par exemple, car leur gestion entraînerait de graves
problèmes administratifs. Au cours de son séjour au
ministère de l?industrie, il avait mis en place un système de
normes de travail, qui fût abandonné au cours de l?offensive
révolutionnaire.
81 Idem
82 HABEL, Janette, Rupture à Cuba, le
Castrisme en crise, La Brèche, Paris, 1989.
L?état des forces productives, n?est pas le seul
élément qui empéchait une augmentation de la
productivité avec une si faible influence de la loi de la valeur et des
rapports de production issus du capitalisme. En premier lieu, nous pouvons
noter l?affaiblissement de l?effervescence révolutionnaire au sein de la
population et la mainmise plus prégnante de la bureaucratie sur le
pouvoir. Cet effet aurait nécessité plus de stimulants
matériels afin de motiver les travailleurs. Deuxièmement, la
situation internationale était encore caractérisée par un
relatif isolement de Cuba en tant qu?économie en transition (ou se
proclamant comme tel), méme si des rapports commençaient à
s?affirmer avec l?URSS et le «bloc» de l?Est. Ce contexte, où
les trois éléments déterminants étaient dans une
position que l?on peut caractériser de «faible» aurait
dû être une alerte pour une amplification du rôle de la loi
de la valeur au sein du secteur d?Etat ainsi que pour une augmentation de la
sphère privée.
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