I LE TEMPS DE LA PROMOTION
La « valeur tangible » d'une marque pour Georges
Lewi, c'est sa « qualité objective » : « l'aptitude d'un
produit ou d'un service à satisfaire les besoins exprimés ou
potentiels des utilisateurs. La marque doit sans cesse rechercher la
satisfaction totale de ses clients »10. Et pour rechercher la
satisfaction totale de ses clients, il faut coller à l'air du temps. Ce
qui nous renvoie à cette phrase de Frédéric Taddeï,
prononcée il y a trois ans sur le plateau de Ça balance
à Paris, à l'occasion de la première de Ce soir
(ou jamais), émission bâtie autour d'un débat
d'experts culturels et non de chroniqueurs pour donner un avis : « Les
chroniqueurs télé sont devenus la maladie de l'époque, un
peu comme l'étaient les chanteurs en play-back dans les émissions
de variétés des années 70 »11. Comme toute
marque est le reflet de la tendance du moment, la marque du chroniqueur est
forcément à la mode. D'un point de vue formel avant tout.
Comparés par Frédéric Taddéï aux chanteurs en
play-back, ils ne sont en fait que le fruit de la « hype
»12 du moment, de l'air du temps.
1) La marque : du signe au label
a. Le signe : tous les chroniqueurs ne sont que des
signifiants
Si l'on s'arrête maintenant sur le choix du mot «
signe » par Georges Lewi comme révélateur de la marque, on
peut ainsi dire que dès sa création, la marque du chroniqueur
nait d'un référent formel. Voire uniquement physique dans le cas
des chroniqueurs culturels. Prenons une fois de plus l'exemple du Grand
journal de Canal +. Le choix de Tania Bruna-Rosso, par ailleurs DJette des
« Putes à frange », est révélateur de la
proximité aujourd'hui ostentatoire entre chroniqueurs, mode et musique.
La chaîne, puis l'émission, choisissent donc un chroniqueur non
pas à l'identité formelle propre mais correspondant à
l'esprit du temps. On pourrait tout aussi bien citer l'exemple de Ariel Wizman,
chroniqueur pour L'Edition spéciale, toujours sur Canal +.
L'homme étant aussi bien chroniqueur culturel, l'un des DJ les plus
courus de Paris et l'un des tenants de la mode du moment : il représente
la marque de vêtements The Kooples. Sur ce même Ariel Wizman, les
propos de l'éditorialiste économique d'i<Télé
Jean-Jérôme Bertolus nous éclairent :
10 LEWI Georges, La marque, Vuibert, 2003, pp
6-7.
11 in « Paris balance-t-il encore ? » in
Télérama n°2992, 16 mai 2007.
12 Mot anglo-saxon signifiant « être
branché »
« En une dizaine d'années il y a eu
l'arrivée des talk-shows. La télé s'est demandée ce
qui marchait. Le fond, mais surtout la forme. Les journalistes culture
deviennent des marques commerciales [...]. La télé c'est un
média d'images. Ça veut dire que l'image, il faut la remplir
»13
Si nous avons pris comme exemple des référents
ultra-connotés, il est évident que le phénomène est
certes plus complexe dans le choix d'un chroniqueur-marque mais ne se
réfèrera toujours qu'à une seule chose : l'air du temps.
Le chroniqueur littéraire de la Matinale de Canal +, Christophe
Onodit-Bio, lui, ne s'en cache même pas :
« A Canal, plus on est aiguisé, plus on a de
l'humour et un sens de l'époque, de l'air du temps, plus on est le
bienvenu. C'est cette culture là que je défends »14
En se plaçant dans une tradition d'analyse
sémiologique, on comprendra que les chroniqueurs sont ainsi les
signifiants, au sens de Ferdinand de Saussure15, d'un unique
signifié, qui serait celui de la mode. Le Grand journal est en cela
très révélateur en jouant à fond la carte de la
« hype » pour ce qui est du style vestimentaire de ses chroniqueurs.
Chacun rentre ainsi plus dans un rubricage digne de la presse mode que dans une
émission culturelle.
A Tania Bruna-Rosso, la touche « glamour » :
13 Cf annexe 2, entretien avec
Jean-Jérôme Bertolus, pp 43-44.
14 Cf annexe 1, entretien avec Christoophe
Ono-dit-Bio, pp 41-42.
15 SAUSSURE (de) Ferdinand, Cours de linguistique
générale, éd. Payot, 1995.
16 Le Grand journal (Canal +) :
générique de mi-émission, saison 2009-2010
A Mouloud Achour la caution « urbaine » :
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A Yann Barthes le style « preppy » :
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