6.4. Action du braconnage
Les populations ont été très
méfiantes lors des enquêtes sur la question concernant la chasse.
Cette méfiance est due au fait qu'elles sont souvent menacées et
taxées de braconniers. Cependant, les signes de braconnage et les
résultats antérieurs confirment que le braconnage a pris de
l'ampleur dans la zone, qu'il soit d'origine interne (en complément de
revenus pour des pisteurs et des employés insuffisamment payés
par les ZICs) ou d'origine externe (braconniers d'origine diverse au service de
marchands de gibier qui approvisionnent le marché à
Ngaoundéré, Garoua et même Yaoundé) (Hassan,
1998).
D'après plusieurs auteurs (Hassan, 1998, DRFFN, 2008)
cette activité illégale s'effectue avec des moyens disparates :
pièges divers, armes de traite ou de fabrication artisanale, fusils
modernes de chasse, armes de guerre, empoisonnement des points d'eau à
l'aide des produits chimiques très toxiques (soit des intrants agricoles
tels les pesticides et herbicides, soit insecticides à large spectre et
à grande rémanence) soit même des plantes
vénéneuses.
6.5. Impact sur la faune
En référence aux travaux antérieurs dans
la zone d'étude, la tendance des densités est en
général à la décroissance pour la plupart des
espèces, à l'exception des primates et de quelques petites
antilopes de moindre importance pour la chasse sportive. Il est toujours
démontré que la pression de chasse sportive (dans les ZICs) et du
braconnage (Hassan, 1998) constituent toujours un danger pour la conservation
des ZICs.
L'état actuel de la diversité spécifique
est globalement peu stable sur l'ensemble des ZICs. Par contre, les
données de recensement présentant l'évolution des
effectifs publiées par Donfack et al (2004) et Bene et
al (2006) signalent respectivement 35 et 29 espèces tandis que
notre étude n'en recense plus que 26. Il est important de noter que le
dénombrement n'a pas été fait dans les mêmes
conditions par rapport aux travaux antérieurs, ce qui pourrait
influencer les données sur les effectifs. A partir des résultats
obtenus, il est légitime de formuler des inquiétudes à
l'égard de la grande faune des ZICs.
Ce sont les grands mammifères qui sont les plus en
danger, parce qu'ils sont les premiers visés par la chasse sportive pour
leur trophées et par les braconniers pour la quantité de viande
produite. Ils subissent une réduction continue de leurs effectifs depuis
de nombreuses années. Ainsi, beaucoup se
trouvent aujourd'hui dans une situation très
précaire (élan de derby, girafe, damalisque) qui en l'absence de
revirements, risque fort de les mener progressivement vers l'extinction.
Nombreux sont ceux qui ne subsistent plus que dans les Parcs
et leur nombre est très réduit dans les ZICs ; c'est le cas par
exemple du lion, de la panthère et de la girafe. D'après
l'étude menée par Donfack et al (2004) le rhinocéros
aurait disparu de la région. Ainsi, selon Djimadoum (1998), les aires
protégées deviennent, toutes proportions gardées, de
véritables îlots de conservation de la faune dans un océan
de dégradation des ressources naturelles.
La petite faune et les primates (porc épic, babouin,
patas, singe vert), par contre, résistent relativement bien à
l'emprise humaine et à la dégradation des habitats. Certaines
espèces peuvent même proliférer dans les terroirs
agricoles, trouvant dans les champs et les jachères un habitat favorable
dans lequel ils peuvent prospérer. Ces espèces sont moins
chassées par les chasseurs sportifs qui ne trouvent aucun
intérêt sur ces derniers, par les braconniers qui visent les
animaux pouvant leur fournir plusieurs centaines de kilogrammes de viande et
par la communauté musulmane qui ne consomme pas la viande des
primates.
Selon les travaux de Tagueguim (1999), nous pouvons dire que
la pression anthropique a augmenté dans la zone car les populations vont
plus loin des villages pour se ravitailler en bois de bonne qualité et
pour rencontrer certaines espèces animales qui ont disparu dans les
zones proches des villages. Cela montre que la population de certaines
espèces a diminué à cause de la fragmentation de leur
habitat et de la surexploitation. De plus, la population locale a beaucoup
augmenté à cause de l'immigration de l'extrême nord vers le
nord à la recherche des terres fertiles. Au fur et à mesure que
la population augmente, la pression sur les ressources devient de plus en plus
importante. Enfin, le front cotonnier a provoqué de nombreux changements
dans la zone, dont l'accès facile dans les villages, favorisant le
transport du gibier et du bois de chauffage vers les marchés
extérieurs.
Le système de gestion serait un facteur non
négligeable qui amène les populations à faires pression
sur les ZIC.
D'après les études menées par Tsakem
(2008), la cogestion n'a pas d'effet positif sur la gestion de la faune. Il
ressort de ces études que les populations de la ZIC 1, dite de
cogestion, partagent seulement les taxes de location qui représentent
moins de 10% des recettes, les autres taxes étant versées dans le
trésor public. Dans la pratique, les deux parties ne gèrent pas
ensemble les safaris.
Dans la ZIC 5 affermée, les populations
reçoivent 10% des taxes de location de la zone qui
s'élèvent à moins de 1 million de franc de la
communauté française d'Afrique (fcfa) chaque année. Cela
suppose que les populations ne sont pas du tout impliquées dans la
gestion des ressources qui les entourent, ce qui semble les motiver au
défrichement anarchique et au braconnage démentiel.
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