B . Crise socio-économico-culturelle
La crise dont nous parlons ici est largement celle de la
civilisation occidentale, au sens oü son influence s'étend
désormais à la quasi-totalité de la planète. On
pourra s'amuser du caractère paradoxalement occidentalo-centré de
notre démarche. On pourra regretter, aussi, qu'en matière
d'actions et d'influences socio-économico-culturelle, le sens du flux
principal soit, démesurément, du Nord vers le Sud.
1. Ç Immondialisation È (LATOUCHE, 2006),
crise des rapports Nord/Sud et des institutions internationales
Les inégalités planétaires
déjà démesurées s'accroissent : 20 % de la
population mondiale consomme 86% des ressources naturelles de
planète43. Les rapports de l'ONU relatifs aux objectifs du
millénaire pour le développement sont éloquents quant aux
progrès réalisés et témoignent de l'impuissance
diplomatique autant que de l'inconséquence des institutions
internationales dans ces domaines. Par ailleurs, l'aide publique au
développement (APD), qui avait largement baissé durant la
décennie 90 44, poursuit sa chute dans le contexte de crise
économique.
En parallèle, l'industrie officielle de l'armement
pèse par an près 1200 milliards de dollars, celle de la
publicité 800 milliards de dollars, et celle des stupéfiants est
estimée à 700 milliards, alors qu'il suffirait selon Jacques
DIOUF, le directeur de la FAO, de 30 milliards annuels pour résoudre les
problèmes de faim dans le monde.
Les Plans d'Ajustements Structurels menés par le Fond
Monétaire International et les actions de la Banque Mondiale concernant
l'inique dette des pays du Sud, se traduisent par de violentes politiques
d'austérité. L'Organisation Mondiale du Commerce, elle aussi
fondée sur le dogme néolibéral (STIGLITZ, 2003),
démantèle les services publics via l'AGCS45, tout en
instaurant l'omnimarchandisation (LATOUCHE) du monde.
En outre, les programmes menés au nom du
développement dans les pays du sud ont tendance à chasser la
pauvreté pour y installer la misère (RHANEMA, 2003), participant
au processus d'occidentalisation du monde (LATOUCHE, 1989) et de
colonisation économique des imaginaires (op.cit.).
Les politiques de subventionnements massifs de l'agriculture
au Nord, auxquelles viennent s'ajouter la question des agrocarburants
(NICOLINO, 20 07), détruisent les agricultures paysannes
vivrières du Sud.
En parallèle, certains questionnent le terme de
néocolonialisme pour qualifier notamment
les délocalisations massives et l'exploitation des ressources
naturelles du Sud par les firmes
43 Paul ARIES, 2010, Décroissance et gratuité,
Editions Golias
44 Inférieure à 1% du PIB dans la plupart des
pays.
45 Accord Général sur le Commerce des Services
transnationales, qui apportent massivement leur soutien aux
dictatures en place afin de garantir leurs intérêts.
D'après Edgar MORIN46, Ç
l'unification techno-économique provoquée par l'Occident
entraine, à l'échelle du globe, une balkanisation sur une base
Ç ethno -religio-nationale È. Par ailleurs, sur
l'échiquier international, cet Occident comme entité
socio-économico-culturelle maintient sa suprématie dominatrice,
tout en s'étendant aux pays émergents, en particulier la Chine et
l'Inde, dont la puissance croissante ne s'accompagne pas véritablement
d'un déploiement culturel.
En parallèle, au développement du terrorisme, sur
fond de replis communautaristes, répond le terrorisme d'état,
à travers les guerres préventives et antisubversives.
Les Ç commerces de la honte È se
multiplient, du trafic d'organes du Sud vers le Nord (ROBIN, 1996), aux
médicaments du Nord testés au Sud (SHAH, 2007), en passant par le
tourisme sexuel (MICHEL, 2006) et l'externalisation des déchets toxiques
au Sud (BOHAND et al, 2007). Sur ce dernier point, comme l'a bien
montré Gilbert RIST, la mondialisation occulte la destruction des
ressources et des milieux, en la délocalisant. En effet, Ç
alors que, dans une économie fondée sur des ressources
locales, les hommes sont immédiatement sensibles aux
détériorations de leur environnement - et, dans la règle,
cherchent à le préserver- le marché permet, par exemple,
de prélever les ressources d'une région, de les consommer
ailleurs, et d'évacuer les déchets encore ailleurs...
È47.
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