3. Biodiversité, espaces naturels et services
écologiques
D'après Richard LEAKEY et Roger LEVIN, nous assistons
à la 6ème extinction des espèces, celle de
l'Anthropocène. Celles-ci disparaissent en effet à la vitesse de
50 à 200 par jour36, soit un rythme de 1000 à 30 000
fois supérieur aux hécatombes géologiques
passées37.
La biodiversité, terme par ailleurs à la mode,
est définie par Robert B ARBAULT comme <<le tissu vivant de la
planete È, et parle de crise d'extinction de masse. Il
explique que les processus anthropiques à l'origine de cette extinction
sont de quatre types:
· pollution, morcellement et dégradation des
écosystèmes, conversion des forêts tropicales en
pâturages ou plantations << industrielles >>, rejoignant le
problème plus large de destruction des espaces naturels et de leur
fonction sociale.
· invasions biologiques ;
· surexploitation par récolte, chasse ou
pêche ;
· changements climatiques.
Par ailleurs, tout en reconnaissant le << manque de
connaissance >>, il développe le concept de service
écologique et défend sur le terrain économique la
protection de la biodiversité au nom d'un argument utilitariste : le
moindre cout. Effectivement, les services rendus par les
écosystèmes (approvisionnement, régulation, puits de
carbone...), indispensables à l'épanouissement de la vie humaine
sur Terre, le sont gratuitement. En revanche, leur << substitut
technicien >> potentiel a nécessairement un coüt, y compris
écologique d'ailleurs. On nous permettra pourtant d'interroger -tout en
en saluant les intentions- le bien fondé éthique des travaux
menés sur la question de l'évaluation économique de la
biodiversité, qui semblent consacrer la marchandisation de la nature,
doutant que le raisonnement utilitariste et la rationalité quantifiante
soit en mesure de cerner l'essentiel de la problématique de la
biodiversité. En effet, conserver l'homéostasie des
écosystèmes admet également une dimension éthique,
ainsi que l'ont montré notamment Catherine et Rapha`l LARRERE.
3 6 E.O. WILSON, The diversity of life,, cité par
Serge LATOUCHE
37 F.RAMADE, Le Grand Massacre. L'avenir des esplces
vivantes, Hachette Littératures, Paris, 1999
4. Technoscience, technologies convergentes et
transhumanisme
Outre l'incertitude liée aux risques
biogénétiques relatifs aux organismes génétiquement
modifiés (OGM) et autres manipulations du vivant, un courant
scientifique et philosophique -caricature du néopositivisme, s'est
développé ces dernieres années. Ce mouvement, fondé
sur la convergence dite « NBIC » pour
nano-bio-info-cogno-technologies, est caractérisé par des valeurs
propres, lorsque « la science se voulait autrefois amorale
È (BENSAUDE-VINCENT, 2009). Le courant de pensée dit
transhumaniste revendique le recours à ces technologies
convergentes pour développer les capacités physiques et mentales
des etre humains.
Les implications philosophiques et éthiques sont
évidements nombreuses puisque la technoscience a tendance
à « artificialiser la nature È et à
Ç naturaliser la technique » (op.cit. ), ce qui
semble tres préjudiciable, car « la nature reste une valeur en
soi dans notre culture» (op.cit.).
Ainsi, ces courants à la fois très
répandus et établis 38 ont, selon Paul ARIES, le projet
« d'adapter la planete et les humains aux besoins de la croissance et
du capitalisme vert »39. Ces courants revendiquent
notamment la création de « posthumains »40, et de
programmes technologiques prométhéens, de grande ampleur,
à l'exemple de certaines techniques de manipulation du
climat.41
En nous donnant le pouvoir de « connecter l'inerte au
vivant » (DUPUY, 2006), les trois principaux « risques »
concrets ident ifiés relevent d'une part du domaine militaire et
sécuritaire, d'autre part du registre démocratique, et enfin
l'autonomisation et l'auto-organisation des ces technologies, échappant
à tout contrôle humain.
Ce mouvement interroge ainsi fondamentalement le caractere
autonome de la technique et de la science, tant du point de vue
démocratique qu'en termes de processus, caractere déjà
relevé par Jacques ELLUL en 197742.
Ainsi, nous dit JONAS, « il est indiniable que nous
devenons progressivement les prisonniers des processus que nous avons
déclenchis nous-mémes [É] sans fixation dÕun but,
un peu à la maniere dÕun destin È.
Il appara»t, à l'issu de cette approche de ce que
nous avons appelé la crise éco-energitico-technologique,
que la question des changements d'échelles - ou d'ordres de grandeur-
semble déterminant dans les processus anthropiques récents en
matiere de perturbation écologique et de problemes
énergétiques. Nous allons tenter de savoir s'il en est de meme
s'agissant de la crise socio-économico-culturelle.
3 8 Projets, brevets et capitaux sont notamment
largement « prêt » selon Paul Aries.
39 P. ARIES, 2010, La simplicité volontaire
contre le mythe de l'abondance, La Découverte
40 Nick BOSTROM, « A history of transhumanist
thought », in Journal ofEvolution and Technology, vol. 14, no 1,
avril 2005. Par ailleurs, d'apres Jean Pierre DUPUY (entretien de 2006 à
Sagascience, CNRS), le transhumanisme est considéré par ses
tenants comme « nécessaire et inevitable, car resultant de
l'evolution ».
41 Paul ARIES (2010) en donne quelques exemples : mise
en orbite de milliards de lentilles de 60cm de diametre afin de filtrer la
lumiere solaire, radiations électroniques de fortes puissance,
satellites-écrans à l'irradiation solaire....
42 Le systeme technicien, éditions Calman-
Levy.
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