b. Dynamique systémique
i. Feedback climat-carbone10 : amplification
du réchauffement et incertitude
Si les effets à court terme sont relativement bien
connus, l'existence, mais surtout la quantification des effets de boucles de
rétroactions positives inhérentes à la dynamique de
réchauffement est en proie à davantage d'incertitude. Certaines
de ces rétroactions ont déjà été
observées lors de précédents réchauffements,
à la fin d'une ère glaciaire. Citons quatre exemples de ces
feedback positifs probables :
· la fonte des glaces polaires et continentales diminue
l'albédo, contribuant ainsi à augmenter le
réchauffement
· la fonte du pergélisol de Sibérie est
susceptible de libérer les très grandes quantités
d'hydrates de méthane qu'il contient, le méthane étant un
GES 23 fois plus puissant que le CO2.
· l'augmentation de la température des océans
diminue leur capacité à dissoudre les GES, de même que les
perturbations de circulation thermo-haline.
· l'acidification de ces mêmes océans, outre
de nombreux autres effets perturbateurs, induit un relargage de CO2 dans
l'atmosphère.
D'autres effets, notamment le rTMle des nuages, sont soumis
à de fortes incertitudes. D'autres enfin produisent des
rétroactions négatives.
L'effet de serre additionnel produit ainsi deux grands types
d'effets sur le système climat-carbone :
Un effet climatique direct, qui peut se traduire par une
réduction de la capacité de la biosphère terrestre et des
océans à absorber - à ÇséquestrerÈ le
C02 du fait de l'augmentation de la température.
9 Par voie de communiqué, selon le Haut Commissaire
adjoint pour les réfugié s, L. Craig JONHSTON.
10 Sources: Cox et al., 2000, Nature, Ç
Acceleration of global warming due to carbon-cycle feedback È
;
Friedlingstein et al., 2006, Journal of Climate,
ÇCarbon-climate cycle feedback analysis : Result from the C4MIP model
intercomparisonÈ
Un effet biochimique, qui se traduit par une perturbation du
cycle du carbone du fait de la modification de sa quantité
Il est ainsi crucial de prendre en compte la
rétroaction climat-carbone due à l'augmentation de la
concentration atmosphérique de CO2 dans les projections climatiques.
Pour l'instant, les travaux portent sur la quantification de la dispersion
(incertitude) du feedback climat-carbone. Il demeure ainsi une grande
incertitude quand à l'amplitude de la rétroaction climat-carbone
due à la sensibilité du cycle du carbone de la biosphère
au changement climatique.
L'incertitude des modèles est essentiellement due à
la réponse des sociétés en termes de réduction des
émissions de GES.
Ainsi, la machine climatique est régie par des
mécanismes complexes, certains très bien établis et
d'autres laissant une forte part à l'incertitude. Mais si le sens de ces
mécanismes de feedback fait débat, l'idée de
<<dérèglementÈ de la machine climatique est
très clairement établie, ce qui constitue de notre point de vue
l'élément central.
ii. Seuils, tipping points et
irréversibilité
Le terme de <<bombe à carboneÈ est
souvent retenu pour qualifier les phénomènes rétroactifs
décrits plus haut, mais y ajoute un caractère brusque et
potentiellement irréversible. En effet, on note un fort consensus autour
de l'existence de seuils, de points de basculement dans le système
climatique. Toutefois, une incertitude importante demeure quant à
l'endroit oü se situent ces seuils. Pourtant, un consensus a
été établi au sein du GIEC pour retenir le seuil de
2°C d'augmentation de la température moyenne globale d'ici à
2100 par rapport à l'ère industrielle. Au delà de ce seuil
limite, les risques de <<conséquences catastrophiques et
irréversiblesÈ sont très fortement accrus. La
perturbation du système climatique étant trop profonde et rapide
au regard de ses capacités de résilience, des processus d'auto -
organisation surviendraient, avec des conséquences mal connues mais dont
tout nous laisse à penser qu'elles seront tragiques. Respecter ce seuil
de 2°C correspond, toujours selon le GIEC, à une division par 2 des
émissions globales de GES d'ici à 2050 par rapport au niveau de
1990. Cet objectif signifierait pour la France une division par 4 ou 5 de ces
émissions pour la même échéance...
iii. Adaptation et/ou atténuation?
Partant des postulats précédent s, deux
stratégies complémentaires peuvent être adoptées :
l'adaptation et l'atténuation.
L'adaptation est nécessaire pour répondre aux
impacts résultant du réchauffement déjà
inévitable en raison des émissions passées (+ 0,6°C
d'ici 2100, même si les concentrations atmosphériques en GES
restaient au niveau de l'an 2000, ce qui est bien sür impossible). Une
large gamme d'options d'adaptation est disponible, qu'il s'agisse d'options
technologiques (protections côtières, habitat) ou de modification
des modes de vie (alimentation, loisirs...), et de modes de gestion (pratiques
agricoles...), politiques....
En outre, comme nous l'avons vu au plus haut, la mise en
Ïuvre de mesures d'atténuation réduisant fortement les
émissions de GES est indispensable pour limiter les impacts, les
rétroactions et empêcher des effets de seuils. L'ampleur de cette
réduction, comme nous l'avons vu plus haut, doit être au minimum
une division par deux au niveau mondial des émissions d'ici à
2050 par rapport au niveau 1990, ce qui va nécessiter des modifications
très profondes des sociétés, au Nord
particulièrement.
iv. Controverses, débat public et lobbies
Au sein de la communauté scientifique, des controverses
portent sur les causes du réchauffement climatiques, aucun scientifique
ne niant à ma connaissance son existence. Un courant Çclimato-
septiqueÈ s'est développé, en particulier depuis la
parution en 2007 du 4ème rapport du GIEC, critiquant parfois très
sévèrement les travaux dudit groupe. Outre George W. BUSH et les
compagnies pétrolières, des scientifiques11 et des
personnalités ont pris le parti du scepticisme, dénonçant
l'orthodoxie dogmatique du GIEC et des ÇréchauffistesÈ sur
la question. Ceux-ci invoquent notamment des causes astronomiques pour
expliquer le réchauffement constaté. Mais ces thèses sont
largement contredites par les raisonnements et les recoupements d'observations,
si bien que le courant sceptique demeure ultra-minoritaire dans la
communauté scientifique.
En parallèle, s'il faut rappeler que le 4ème
rapport du GIEC, produit par près de 2500 scientifiques de 130 pays, a
vu ses conclusions validées notamment par toutes les académies
des sciences des grands pays industrialisés, on sait le poids qu'ont les
lobbies en matière d'expertise scientifique. Il est ainsi permis de
s'interroger sur l'ampleur de l'influence des firmes pétrolières
au sein du courant Ç sceptique È, à l'instar de la
requête de James Hansen en 2008.
Par ailleurs, l'échec profond de la conférence
de Copenhague en décembre 2009, pourtant fondée sur des
engagements très modérés et non contraignants
juridiquement, démontre l'inconséquence des états et le
poids des lobbies, l'inertie et l'aveuglement ou la manipulation des opinions
publiques de certains grands états.
Outre des questionnements d'ordre éthique que nous
développerons plus loin, il appara»t que la problématique du
réchauffement climatique d'origine anthropique, par delà les
incertitudes liées aux prévisions et aux mécanismes
(rétroaction, points de basculement), modifie fondamentalement
l'état d'équilibre dynamique endogène du système
climatique. Les rythmes de réchauffement prévus (et
constatés) ont et auront des conséquences majeures sur les
écosystèmes, et c'est ainsi l'ensemble de la biosphère
-dont nous sommes- qui sera probablement très profondément et
violemment modifiée, avant d'envisager un hypothétique retour
à un état stationnaire.
1 1 Marcel LEROUX, Vincent COURTILLOT, Benoit RITTAUD ou
Jean-Louis Le MOUEL - contribuent parfois au débat. En revanche, nous ne
commenteront pas les erreurs affligeantes et l'attitude démagogique et
méprisante de Claude Allègre, pourtant le plus
médiatisé des sceptiques, qui s'est d'ailleurs vu adresser une
lettre ouverte signée par quelques 410 chercheurs liés à
la climatologie, critiquant notamment le sérieux de ses travaux et son
Ç éthique scientifique È.
Le réchauffement climatique constitue ainsi un
défi absolument majeur pour la communauté de destin que constitue
désormais l'humanité. Celui-ci est, on l'a vu, directement
lié à la problématique des ressources.
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