2. Cadres et postulats de la décroissance
a. Ethiques environnementales et
décroissance
Catherine LARRERE montre comment le XXeme siècle a vu
le mouvement des éthiques déontologiques du respect de
la Nature125 vers les éthiques consequentialistes de
la responsabilité à l'égard de la
Nature126. Le courant du développement durable s'inscrit dans
ce deuxieme type d'éthique, car la Nature admet dans ce cas une
valeur instrumentale , et le maintien de l'homiostasie de
l'écosysteme global ne s'envisage qu'au regard de son utilité
pour les humains127.
Ainsi, en dépassant la conception naturaliste
(DESCOLA, 200 6) traditionnelle qui postule l'extériorité de
l'Homme par rapport à la Nature - à l'origine d'une approche
anthropocentrée (LARRERE, 1997) de la nature128, il est
probablement en cohérence avec la pensée de la
décroissance d'envisager un mouvement vers une approche plus
écocentrie des rapports Nature/Société. Cette
approche écocentrée, articulation des deux types
d'éthiques précédemment citées, est notamment
fondée sur la land ethic du forestier américain Aldo
LEOPOLD129, qui se base sur l'idée de
communauté de parties interdépendantes, incluant les
éléments biotiques (sol, air, eau, plantes animaux). Ainsi, ce
nouveau naturalisme occidental (LARRERE, 1997) situerait ainsi l'Homme
dans la Nature, sur la base d'une approche scientifique de leurs
interactions.
Nous admettons ainsi, avec Catherine LARRERE, «
lÕhypothése de convergence » - formulée par
Bryan NORTON et Dieter BIRNBACHER - entre les humanistes, partisans
d'une éthique anthropocentrée , qui admettent la
protection de la Nature dans l'intérêt de l'espece humaine, et les
naturalistes, qui reconnaissent à la nature une préciosité
intrinseque.
Nous proposons dans ce prolongement une représentation
de relations entre les « trois spheres » apparaissant dans la
schématisation du développement durable, à travers le
paradigme de la décroissance. Cette schématisation est assez
proche de celle de la durabilité forte tout en s'en
différenciant, notamment par l'ajout de la Nature locale
(SERRES, 1990).
1 2 5 Qui regroupe notamment l'ensemble des travaux sur la
valeur intrinseque de la nature, notamment le courant transcendantaliste
américain (THOREAU, EMERSON) et John MUIR, concernant la
wilderness.
126 Dont le fameux principe responsabilité de
Hans JONAS fait figure de pionner, bien que celui-ci articule partiellement les
deux types d'éthique.
127 Il s'agit donc bien d'un posture relevant de l'utilitarisme,
qui prolonge de fait l'emprise démesurée de ce paradigme dans
notre anthroposysteme actuel.
128 Bien perceptible à travaux l'usage du terme
d'« environnement ».
129 Développé dans son ouvrage
lÕAlmanach dÕun comté des sables, paru en 1949.
Figure 2 : Les quatre sphères de la décroissance
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