Le caractère illicite des charges face à la notion d'acte anormal de gestion étude comparée entre la France et le Canada( Télécharger le fichier original )par Jamie-Ann Martin Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 professionnel en droit européen et international des affaires 2008 |
f) La preuve difficile de l'acte anormal de gestionLa gestion des entreprises doit être présumée normale. Mais de la loi fiscale, de la procédure d'imposition et de la nature des écritures comptables découlent d'autres règles de preuve. La charge de la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion a donné lieu à une jurisprudence abondante et complexe89(*) selon laquelle il n'incombe pas au contribuable de prouver que les avantages accordés lorsqu'il s'agit d'une écriture concernant l'actif du bilan sont des actes anormaux de gestion. Le contribuable est tenu des éléments de la preuve (d'acte normal de gestion) quand les écritures mises en cause par l'Administration fiscale concernent le passif du bilan. Selon les dispositions de l'article L 192 du L.P.F., la charge de la preuve du bien-fondé des redressements incombe, sauf cas particuliers, à l'Administration quel que soit le sens de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. La décision du Conseil d'État du 20 juin 2003 société Établissement Le Breton, semble faire le point en ce qui concerne la charge de la preuve devant le juge administratif en matière d'acte anormal de gestion : En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive90(*). En fait, lorsque l'Administration fiscale invoque le caractère anormal d'un acte de gestion à l'appui d'un rehaussement, elle doit apporter la preuve que cet acte n'a pas été accomplit dans l'intérêt du contribuable ou de la société. Toutefois, dans le cas où, du fait de la procédure d'imposition, le contribuable apporte la charge de la preuve, il doit démontrer l'intérêt que revêt pour lui ou la société l'opération contestée91(*). Cependant, par un arrêt de principe du 21 mai 2007 Sté Sylvain Joyeux92(*), le Conseil d'Etat est revenu sur cette exigence en établissant une véritable dialectique de la charge de la preuve. Dès lors, se pose la question de savoir si le contribuable établit suffisamment la validité de sa charge comptable par la production de la facture régulièrement émise. De telle sorte que si l'Administration fiscale entend contester la réalité ou l'intérêt social de cette charge, c'est à elle d'apporter des éléments en ce sens et non au contribuable de prouver le contraire. Cet arrêt semble être un rappel envers l'Administration fiscale de ne pas s'immiscer dans la gestion de l'entreprise vérifiée. Par ailleurs, la tâche du vérificateur des impôts est délicate en matière de recherche d'éléments de preuve. Néanmoins, il est à se demander si le cadre juridique actuel ne les restreint pas au niveau de leur pouvoir d'investigation. Enfin, si en France les juges ferment les yeux sur la déductibilité fiscale des pots-de-vin, les dirigeants d'entreprises ne doivent surtout pas s'illusionner et croire que cette permissivité en droit fiscal les exonère de leur responsabilité en matière pénale. Bien au contraire, les sanctions sont doublement lourdes. * 89 CE 27 juill. 1984, n° 34588, Plén., Renfort Service, RJF 10/84, n° 1233 ; CE 8 janvier 1993, n° 87631, 9e et 8e s.-s., Bernard Spitaletto, RJF 3/93, n° 319. * 90 CE 20 juin 2003, n° 232832. * 91 MERCIER (J.-Y.), PLAGNET (R.). Les impôts en France. Francis Lefebvre, 2004. p. 145. * 92 CE 21 mai 2007, n°284.719, Sté Sylvain Joyeux. |
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