Le caractère illicite des charges face à la notion d'acte anormal de gestion étude comparée entre la France et le Canada( Télécharger le fichier original )par Jamie-Ann Martin Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 professionnel en droit européen et international des affaires 2008 |
b) La présomption d'exactitude de la déclarationAlors que dans un litige civil, les deux parties ont une connaissance personnelle des faits, le ministre n'a aucune connaissance personnelle des faits qui soutiennent une cotisation. Ces informations sont obtenues du contribuable ou de tiers au cours du processus de vérification. C'est pourquoi il est dit que le ministre base sa cotisation sur des présomptions de faits. Puisque le contribuable est celui qui a une connaissance personnelle des faits, c'est à lui que revient l'obligation de démontrer selon la balance des probabilités que les éléments sur lesquels s'appuie la décision du ministre ne sont pas fondés. Il est facile de comprendre que d'imposer au ministre le fardeau de démontrer l'existence de faits dont il n'a pas connaissance relève de l'impossible. Le contribuable peut se décharger de son fardeau de démontrer que la cotisation n'est pas fondée en établissant que le ministre n'a pas appuyé sa décision sur les faits allégués, que les faits allégués ne sont pas pertinents ou encore en détruisant les présomptions de faits du ministre. Les tribunaux canadiens ont confirmé qu'il appartient au contribuable dans le contexte d'un appel à l'encontre d'une cotisation d'établir selon la balance des probabilités, une preuve capable de soulever à tout le moins un doute sur le bien-fondé de la cotisation82(*). De même, en France, la charge de la preuve qui incombe à l'Administration fiscale, en vertu de la présomption d'exactitude de la déclaration, est aussi d'une portée limitée. En effet, il semble inexact de soutenir que l'ensemble de la déclaration se serait vu conférer une présomption d'exactitude. À vrai dire, pour les éléments que le contribuable entendra déduire, c'est lui qui alléguera avoir droit à cette déduction et la preuve lui reviendra sans qu'il puisse exciper d'une prétendue présomption d'exactitude de la déclaration. Cependant, la charge de la preuve de l'acte anormal de gestion s'avère délicate. c) L'appréciation souveraine de l'Administration fiscaleEn France, le juge administratif n'exerce qu'un contrôle a posteriori des actes anormaux de gestion83(*). Le renversement de la charge de la preuve par une juridiction (par exemple, une commission départementale) ne saurait contrevenir aux dispositions qui fixent l'attribution de cette charge. De plus, l'Administration n'est pas liée par les décisions des tribunaux judiciaires. Autrement dit, même si cela parait choquant au regard de la hiérarchie des normes, la jurisprudence du Conseil d'État n'est appliquée que sous réserve de l'appréciation souveraine de l'Administration fiscale84(*). Cela expliquerait en partie les divergences de position entre le Conseil d'État, l'Administration fiscale et la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Ce qui n'est pas sans compliquer la procédure au regard du fardeau de la preuve en matière d'acte anormal de gestion. A cet égard, une décision rendue par le Conseil d'État datant du 7 novembre 1979 est explicite : La circonstance que le juge pénal a relaxé les dirigeants d'une société du chef d'abus de biens sociaux n'implique pas que ceux-ci ont agi dans le cadre d'une gestion commerciale normale, dès lors que le juge pénal s'est fondé sur l'absence d'intention frauduleuse dans les actes incriminés des dirigeants mais n'a procédé à aucune constatation de fait de nature à établir que ces actes entraient dans le cadre d'une gestion normale au sens et pour l'application de la loi fiscale85(*). * 82 Hickman Motors Limited c. R., [1997]2 R.C.S. 336. * 83 CE 6 mai 1996, n° 148572, Succession Devidal, RJF 96, n° 711 et n° 812. * 84 COZIAN (M.). Les grands principes..., op. cit., p. 15. * 85 CE 7 novembre 1979, n° 6188, 7 et 9 ss, RJF 01/80, p. 15, n° 11. |
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