b) Les conditions de la
déductibilité des pots-de-vin
Cependant, si la jurisprudence au regard de cette affaire se
montre indulgente à l'égard du principe de déduction des
pots-de-vin, elle va se montrer plus exigeante quand aux conditions de cette
déduction. À ce jour, la jurisprudence requiert en principe,
l'identité du bénéficiaire mais aussi la preuve de la
réalité du service rendu par ce dernier. Dans ce domaine, la
justification de la réalité du service rendu par
l'intermédiaire s'avère difficile car il n'y a aucune trace
écrite afin d'établir la nature exacte de l'intervention. Pour sa
part, l'Administration fiscale canadienne, du temps où elle permettait
la déductibilité des pots-de-vin, n'exigeait pas de preuve
écrite sous conditions que le nom du bénéficiaire soit
connu et que la dépense ait été faite dans le but de
produire ou gagner un revenu. L'Agence du revenu du Canada adoptait cette
position dans la circulaire d'information 76-4R2 en date du 27 juin 1977. Cette
circulaire fût remplacée par une autre circulaire (Unvouchered
Expenditures) le 31 janvier 1986 dans laquelle on pouvait lire entre
autres :
1. The purpose of this circular is to set out the Department's
position regarding expenditures that are not supported by proper vouchers. It
applies to all transactions that affect the calculation of the payor's income
for taxes purposes or otherwise reduce the payor's net assets. These
transactions include kickbacks, bribes, etc. and expenses claimed but not in
fact made or incurred.
Les articles 5 et 6 de la circulaire d'information portaient
spécifiquement sur les pots-de-vin :
5. An unvouchered expenditure that may be described as an
«under-the-table» payment is not deductible unless de following
conditions are met:
a) The recipient thereof is identified and
b) the expenditure was made or incurred to earn income and the
amount was reasonable in the circumstances.
6. In the case of a corporation, where the recipient of a
payment remains unidentified consideration will be given to including the
amount of such payment in the income of the person who authorized it pursuant
to subsection (...) depending on the circumstance.
Bien que ces articles de la circulaire administrative ne
soient plus valides, leur analyse reste d'actualité. Elle nous permet de
mettre en perspective le changement d'orientation effectué par l'Agence
du revenu du Canada à l'égard de la déductibilité
des pots-de-vin.
Nul doute qu'un changement d'orientation de la part de
l'Administration fiscale -comme il s'est avéré au Canada - est
plus probable que le revirement de la jurisprudence constante du Conseil
d'État. En ce sens, il semble apparent que la voie empruntée par
le Conseil d'État mène vers une impasse. Dans la mesure où
la preuve matérielle des prestations effectuées est absolument
nécessaire, est-il pertinent de parler de pots-de-vin ? L'exigence
de la preuve des services rendus est primordiale. Il ne s'agit pas d'une
condition dite accessoire ou même faisant partie d'un faisceau d'indices.
En ce sens, il semble inapproprié, au regard du droit fiscal de discuter
de la déductibilité des dépenses illicite. D'une part, le
Code général des impôts n'interdit pas la
déductibilité de ce type de dépense, d'autre part, toutes
les conditions générales de la déductibilité
étant rencontrées, il est dans l'ordre des choses que la
dépense soit déductible. En effet, lorsque la dépense a
été régulièrement inscrite en comptabilité,
que l'on connaît l'identité du bénéficiaire et qu'il
y a preuve de la réalité du service rendu, il semble inopportun
d'invoquer l'existence d'une commission secrète.
|