La bonne foi dans le contrat d'assurance( Télécharger le fichier original )par Henriette E. KAMENI KEMADJOU Université de Douala - Master II Recherche 2008 |
B- Les mesures visant la protection de l'assuré de bonne foiOutre la réparation de la faute commise par l'assureur de bonne foi, il existe des situations où le législateur CIMA est plutôt indifférent à sa bonne ou mauvaise foi. Tout ce qui lui importe en effet, c'est de protéger l'assuré de certaines fautes de l'assureur. Illustrant cet état de fait, l'article 327 du Code CIMA relatif aux contrats souscrits en infraction aux règles d'agréments énonce que : « Sont nuls les contrats souscrits en infraction de l'article précédent. Toutefois, cette nullité n'est pas opposable, lorsqu'ils sont de bonne foi aux assurés, aux souscripteurs et aux bénéficiaires ». Etant dans une situation où la faute de l'assureur est découverte avant toute réalisation du risque assuré, seule l'inopposabilité de la nullité sera ici envisagée. Dès lors, pour mieux comprendre les dispositions applicables en ce cas (II), il faudrait concevoir la situation dans laquelle elle se réalise (I). I- Le contexte de mise en oeuvre de ces mesures protectrices de l'assuré de bonne foiToute compagnie d'assurance, avant de commencer ses opérations, doit obtenir un agrément pour chaque branche concernée (IARD et/ ou vie) en vertu de l'article 328 du Code CIMA. Ce n'est qu'après obtention dudit agrément qu'elle est habilitée à contracter avec les assurés en la matière. Elle doit donc, dans sa relation avec ces derniers, respecter sa branche d'agrément conformément aux dispositions de l'article 326 du Code CIMA ; d'où la manifestation de sa loyauté envers son cocontractant en ce qui concerne sa personne431(*). Toutefois, une réserve est faite pour la société exerçant dans les deux branches. Celle-ci dispose d'un délai de trois ans pour se mettre en conformité avec les prescriptions ci-dessus citées. Passé ce délai de clémence, les sociétés qui contracteront avec les assurés pour une branche ne relevant pas de leurs agréments verront leurs actes annulés devant les juridictions civiles ou commerciales compétentes432(*), sans préjudice des sanctions de l'article 545 admises devant les juridictions pénales433(*). Cependant, tout comme en matière pénale où l'intention de l'assureur importe peu, en matière civile son agissement non intentionnel donc de bonne foi n'est pas la justification des mesures applicables en la matière. Ces mesures sont plutôt influencées positivement par la bonne foi de l'assuré. II- La protection de l'assuré de bonne foi comme seul objectif de ces dispositions favorablesLorsque l'assureur a conclu un contrat d'assurance avec l'assuré en infraction des règles relatives à l'agrément, son acte est en principe nul434(*). Cependant, lorsque l'assuré- souscripteur a conclu de bonne foi, c'est-à-dire qu'il n'avait pas connaissance de l'absence d'agrément de l'assureur pour la branche concernée ou bien du dépassement du délai de clémence accordé en la matière, cette nullité produit ses effets envers toute personne sauf lui. On dit donc que cette nullité lui est inopposable. De ce fait, l'assureur reste tenu envers lui de toutes les obligations d'information et aussi de couverture du risque ; d'où l'indemnisation du bénéficiaire en cas de survenance du sinistre. L'assuré demeure tout aussi tenu au paiement de la prime ou cotisation s'il ne l'a pas encore fait et au respect de tout autre obligation contenue dans le contrat, les avenants s'il y en a eu et les dispositions légales du Code CIMA. L'inopposabilité de la nullité est donc prise en faveur de l'assuré de bonne foi pour le protéger de cette faute lourde de l'assureur lors de la conclusion du contrat. 435(*) Les mesures prises, en cas de découverte d'une faute de l'assureur et de l'assuré de bonne foi avant toute survenance du sinistre, ont juste le rôle de corriger l'équilibre financier du contrat. Hormis quelques cas où les sanctions, bien que moins sévères, sont appliquées436(*). Toutefois, lorsque la faute n'est découverte qu'après la réalisation du risque, des solutions différentes y sont apportées. Ces dernières visent désormais à restaurer l'équilibre financier faussé dès la base. * 431 Renvoi à la p. 48 de ce mémoire où il est appréhendé la loyauté de l'assureur lors de sa présentation à l'assuré au moment des pourparlers. * 432 La société sera aussi annulée et les fondateurs auxquelles la nullité est imputable ainsi que les administrateurs en fonction au moment où elle a été encourue sont responsables solidairement envers les tiers et les sociétaires du dommage résultant de cette annulation. La prescription de cette action en nullité est de cinq ans (art. 330-47 du Code CIMA). Voir SIMO (M), Government control and supervision of insurance compagnies in Cameroon: An appraisal of the CIMA Code, tiré des annales de la faculté des sciences juridiques et politiques de Dschang, Presses Universitaires d'Afrique, tome 6, 2002, p. 173. * 433 Cette sanction n'est possible que grâce au contrôle effectué par les directions nationales des assurances servant de relais à l'action de la C.R.C.A. Voir annexe II du Code CIMA, p. 341 et suivants. * 434 Voir art. 327 du Code CIMA. * 435 L'assureur étant un professionnel, on comprend mal qu'il puisse avoir agi de façon non intentionnelle. D'où, l'exclusivité de la protection accordée à son cocontractant. * 436 C'est le cas de l'assureur qui souscrit un contrat contrairement aux règles d'agrément prévues. |
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