Introduction
« L'éthique est le frein des perdants, la
protection des vaincus, la justification morale de ceux qui n'ont pas su tout
miser et tout rafler1». Telle est la vision extrémiste
des « mafieux entrepreneurs ».
Cette idée que l'argent prime sur tout n'est pas
nouvelle et se retrouve également hors des réseaux mafieux. Elle
est le crédo de certaines personnes, sans scrupules, prêtes
à tout pour s'enrichir. A l'époque napoléonienne, Lord
Baring, fondateur de la prestigieuse Banque Barings affirmait
déjà : « Money First2 ». Plus
récemment, Jeff Skilling, diplômé d'Harvard et
président d'Enron, a déclaré au sommet de sa puissance :
« L'argent est la seule chose qui intéresse les gens3
». C'est cette vision des choses qui mènera son entreprise Enron,
le 2 décembre 2001, à la faillite, ruinant dans le même
temps des milliers de retraités.
Ces exemples extrêmes révèlent une certaine
contradiction dans les esprits entre l'éthique et le domaine des
affaires.
Or, aujourd'hui, malgré de telles positions, assez
fréquentes dans le milieu des affaires, les entreprises mettent de plus
en plus de l'éthique dans la vente.
Etudiant en 3ème année de l'Ecole
supérieure de commerce de Tours-Poitiers, spécialisé en
négociation d'affaires, en vue d'occuper un poste de direction dans le
domaine de la vente-distribution, cette thématique m'a fortement
intéressé.
L'éthique est actuellement un enjeu majeur pour les
entreprises de tout secteur et donc en tant que futur manager dans le domaine
de la vente, je vais inévitablement devoir m'intéresser au
management par les valeurs et devoir apprendre à créer un climat
éthique propice à la stimulation de la force de vente.
L'éthique est désormais une question
incontournable dans les entreprises. Mais comment la définir?
D'après le dictionnaire, La pratique de la philosophie de A à
Z4 , l'éthique est un synonyme de morale, à savoir
« l'art ou pratique ayant pour fin la vie bonne et heureuse ». Elle
est également, d'après ce dictionnaire, « une théorie
ou une doctrine ayant pour objet la détermination des fins de
l'existence humaine, ou les
1
Propos mafieux, in Roberto Saviano, Gomorra, Paris, Gallimard,
2007.p.139
2 Citation, in Jacques de Saint Victor, Mafias,
l'industrie de la peur, édition du rocher, 2008.p.368
3 Citation, in Jacques de Saint Victor, Mafias,
l'industrie de la peur, édition du rocher, 2008.p.368
4 La pratique de la philosophie de Aà Z,
éditions Hatier, Paris, Avril 2000.p.151
conditions d'une vie heureuse ». Ce dictionnaire lui donne
aussi le sens de « réflexion et travail théorique portant
sur des questions de moeurs ou de morale ».
Alain Etchegoyen, met en évidence dans son
ouvrage5, que la société civile est envahie par les
éthiques. Selon lui, « les éthiques sont partout,
affichées par les entreprises, revendiquées par les
scientifiques, invoquées par les politiques 6 ».
D'après Samuel Mercier, l'intérêt
croissant pour le thème de l'éthique dans les entreprises,
remonterait à la fin des années 1980 et répondrait
à un besoin d'éthique de la part des parties prenantes. Comme il
l'affirme, « Les exigences des consommateurs, des investisseurs, des
salariés et plus globalement des citoyens font apparaître une
demande sociale croissante en faveur d'une plus grande intégration de
l'éthique dans la vie des entreprises7 »
De plus, Laure Lavorata (Enseignante à
l'Université Paris XX et chercheur à l'IRG), met en
évidence, dans un cahier de recherche, que l'intérêt des
entreprises pour le comportement éthique de leurs vendeurs s'explique
par la nécessité de fidélisation des clients, dans «
un contexte concurrentiel exacerbé8 ». Les vendeurs
doivent donc de plus en plus devenir des conseillers, que des
vendeurs-produits.
Au delà de la fidélisation des clients,
l'éthique peut aussi permettre aux entreprises d'avoir une meilleure
image de marque, de réduire le risque réputationnel et de jouir
d'un avantage compétitif.
Il faut aussi souligner que les législateurs ont
également pris en compte l'importance de l'éthique dans les
entreprises, puisqu'ils ont mis en place le 15 Mai 2001 la loi NRE (loi sur les
nouvelles régulations économiques). Cette dernière oblige
les sociétés cotées à ajouter à leur rapport
annuel des informations pertinentes sur la manière dont elles prennent
en compte les conséquences environnementales et sociales de leurs
activités9.
Ayant fait deux stages dans le domaine de la vente (un stage
de deux mois en temps que commercial chez LMTV et un stage de 9 mois comme
assistant manager des ventes responsable de sous-rayon chez KIABI), je me suis
déjà trouvé dans certaines situations où
l'éthique se posait.
5 Alain Etchegoyen, La valse des éthiques,
éditions François Bourin, 1991, collection Agora
6 Alain Etchegoyen, La valse des éthiques,
éditions François Bourin, 1991, collection Agora
7 Samuel Mercier, L'éthique dans les
entreprises, Editions La Découverte, Paris, 1999, 2004, collection
Repères.p.3
8 Laure Lavorata, Université Paris XII,
institut de recherche en gestion, Lien entre climat éthique et
comportement éthique du vendeur : rôle déterminant du
management commercial, une application en B to B
9
http://www.vedura.fr/developpement-durable/reglementation/loi-nouvelles-regulations-economiques-nreentreprises
Le proverbe québécois « Bon menteur, bon
vendeur » et la citation de George Herbert « L'acheteur a besoin de
cent yeux ; le vendeur, d'aucun10 » laisse sous- entendre que
le vendeur peut parfois être un manipulateur. Pour preuve, à la
question « Les vendeurs automobiles vous semblent-ils manquer
d'éthique? », 63,64% des répondants répondent oui,
contre 19,48% qui répondent non et 16,88% qui restent sans opinion
(opinion partagée sur la question)11. En effet, il peut
arriver aux vendeurs d'utiliser des techniques de vente qui relèvent de
la manipulation, comme le démontre le livre de Robert Cialdini «
Influence et Manipulation12 ». Par exemple, la technique
du pied dans la porte (commencer par une petite requete afin d'ouvrir la voie
à d'autres requêtes), la technique du rejet-retrait,
appelée également technique de la porte au nez (présenter
d'abord une grosse requete, qui sera en toute probabilité rejeté,
puis présenter la petite requête, qui est en fait celle qui nous
intéresse véritablement.). Il existe de multiples méthodes
de ventes qui s'apparentent à de la manipulation.
Cependant, du point de vue du vendeur, l'utilisation de telles
techniques est justifiable puisqu'il est là pour vendre et subit des
pressions de sa hiérarchie pour atteindre les objectifs commerciaux. De
plus, une partie de sa rémunération dépend de ses ventes
(primes). Par conséquent, il peut parfois aller jusqu'à vendre
à tout prix pour augmenter sa prime, se rabattre sur des proies plus
faciles, vendre des produits que les gens n'ont pas forcément besoin
etc. En définitive, le vendeur est bien souvent poussé à
adopter des comportements non éthiques.
Dans ce travail, nous nous limiterons au cas précis de
l'éthique dans le comportement des vendeurs automobiles français.
Cette question est d'autant plus d'actualité que leur secteur a connu
une forte crise, comme le font remarquer les médias ces dernières
années. De plus, la crise financière d'Octobre 2008 a
aggravé la situation de ce secteur, comme souligne cet extrait d'article
du journal La Tribune13 : « Avec une baisse de 7,8% des
immatriculations de voitures neuves en 2008, le secteur automobile
européen a nettement plongé dans la crise. Le repli s'est
accéléré sur la fin de l'année, avec une chute de
25,8% des ventes en novembre et de 17,8% en décembre.» Il semble
donc que les vendeurs automobiles n'aient plus le choix, ils doivent vendre
à tout prix pour sortir de cette crise. Avoir un comportement
éthique peut donc leur sembler secondaire.
10 Citation extraite de Jacula Prudentum
11 Voir les tableaux de l'annexe 1
12 Robert Cialdini, Influence&manipulation,
Editions Générales First, 2004
13
http://www.latribune.fr/entreprises/industrie/automobile/20090116trib000332378/crise-du-secteurautomobile-leurope-etudie-une-reponse-concertee.html
Comme cela a été évoqué ci-dessus,
les entreprises veillent désormais au comportement éthique de
leurs vendeurs. Elles se retrouvent donc confrontées au problème
suivant : Comment peuvent-elles faire en sorte que leurs vendeurs
dépassent le cruel dilemme qui s'offre à eux ? Une
possibilité à leur échelle, il me semble, est d'instaurer
un climat éthique propice. Qu'est ce qu'un climat éthique ? Nous
choisirons comme définition provisoire celle de Samuel
Mercier14: « Il s'agit des aspects du climat de travail qui
déterminent ce qui constitue un comportement éthique au travail.
Le climat éthique est donc la perception partagée d'un
comportement vu comme juste. »
Finalement, on peut se demander si le climat
éthique des concessions automobiles françaises influence le
comportement éthique de leurs vendeurs.
Pour répondre à cette problématique, il
conviendra de procéder en trois temps : aborder la problématique
sous l'angle de la théorie, présenter ensuite le cadre pratique
de la recherche terrain et enfin analyser les résultats de
l'étude terrain.
14 Samuel Mercier, L'éthique dans les
entreprises, Editions La Découverte, Paris, 1999, 2004, collection
Repères.p.36-38
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