Chapitre 2 : Les principaux risques encourus
liés à l'aspect humain lors des différentes étapes
menant à la signature du protocole d'accord.
Au-delà du risque financier, les protagonistes font
face, tout au long du processus, à des risques humains liés
à leur propre personnalité, à la personnalité de
leur interlocuteur et à la qualité de la relation qu'ils ont
nouée.
Ce chapitre rend compte des différentes étapes
de l'opération de transmission/reprise, depuis le premier contact avec
l'interlocuteur principal jusqu'au départ du cédant. Grâce
à l'analyse des résultats obtenus lors des interviews, l'objectif
est de déterminer, lors de chaque phase, l'origine des risques humains
pour le cédant et le repreneur, au sein du trio
cédant/repreneurs/collaborateurs. Les réactions possibles des
partenaires de l'entreprise (actionnaires, créanciers, clients,
fournisseurs) seront aussi prises en compte dans cette étude. La
première section est consacrée à l'environnement de
l'opération, abordant les principes de transparence et de
confidentialité des données dans la recherche d'un interlocuteur
adapté et dans les échanges menant à la signature du
protocole d'accord.
Les risques encourus par chaque partie ayant un impact direct
sur la qualité de la relation cédant/repreneur sont
abordés dans la deuxième section, tandis que la troisième
section nous permet d'étudier les facteurs humains impactant sur le
déroulement des phases d'analyse et d'évaluation de
l'entreprise.
La quatrième section se concentre sur la phase de
négociation, en particulier sur les méthodes utilisées par
les différents acteurs afin de parvenir à un accord
définitif.
Section 1 : Les risques liés au contexte de
l'opération de cession d'entreprise.
Le contexte n'est pas seulement un environnement qui joue dans
la construction des relations. On peut en effet distinguer plusieurs dimensions
constituantes du contexte : "le cadre, la situation et l'institution" (Marc
& Edmond, 2002).
Le cadre est déterminé par l'ensemble des
éléments physiques et temporels qui servent de "fond
d'écran" aux interactions. Ces facteurs ont clairement une portée
culturelle et symbolique. On peut tout d'abord citer le secret dans lequel une
entreprise va être mise en vente, dans le but de minimiser les pertes
liées aux réactions et interrogations des employés et des
partenaires de l'entreprise. Le cédant se trouve donc confronté
à une situation contradictoire, où il se doit d'annoncer la mise
sur le marché de la transmission de son entreprise afin de trouver un
repreneur, tout en gardant secrète cette décision au sein de
l'entreprise. Après avoir étudié des pistes dans le
domaine familial puis en interne, la majorité des cédants ciblent
un repreneur externe au sein de leur réseau de contacts. La
dernière
solution consiste à travailler avec un cabinet de
consultants, et rédiger éventuellement une annonce sur des sites
spécialisés.
Afin de préserver au maximum la confidentialité
de l'opération, le cédant doit accepter un nombre limité
d'acquéreurs potentiels. Un engagement de confidentialité doit
être signé à la présentation de l'entreprise. Un
engagement simple permet au cédant de rendre les données qu'il
communique confidentielles, tandis qu'un engagement réciproque est
à l'origine de la confidentialité des données
apportées par les deux acteurs. On peut citer entre autres les clauses
de non-concurrence, non-débauchage (le repreneur potentiel s'engage
à ne pas recruter de salarié de l'entreprise) et non-divulgation
des informations du dossier de reprise, sauf à destination des conseils
du repreneur, identifiés par le cédant.
Le constat général de cette étude est le
suivant : les dirigeants qui s'apprêtent à céder sont
plutôt d'accord avec les repreneurs rencontrés sur le fait de ne
pas divulguer l'opération de cession/reprise en cours aux
équipes. On trouve trois arguments à cela :
1) C'est la méthode la plus couramment
utilisée. Le repreneur rencontre les personnes clés de
l'entreprise pendant la phase d'analyse de l'entreprise. Ils les informent
avant l'arrivée du repreneur à la suite de la
concrétisation de l'opération, afin de leur montrer le rôle
prépondérant qu'ils jouent et confirmer les liens de confiance
qui les unissent. Les équipes sont effectivement informées le
jour de l'arrivée du repreneur.
2) L'opération est plus facile à mettre en
place car la discrétion est de mise pendant les phases
d'évaluation et de négociation. Le cédant y voit plus de
tranquillité et le repreneur la possibilité de se rendre dans les
locaux et rencontrer certaines personnes, en se faisant passer pour un client
(avec l'accord du cédant).
3) Quel serait l'intérêt, pour chaque partie,
que soit annoncée la cession de l'entreprise aux salariés avant
le début du processus de reprise ? En tant que repreneur ou
cédant, ils voient dans cette démarche plus de points
négatifs que d'avantages.
Dans le cas où la cession n'est pas annoncée, le
principal inconvénient est qu'une discussion au sujet de cette
opération peut être lancée par le dirigeant à un
salarié en particulier, mais aucun salarié ne peut proposer sa
candidature pour remplacer le chef d'entreprise. Nous étudierons les
conséquences possibles dans la section réservée aux
collaborateurs.
Certains cédants conseillent de rechercher le repreneur
en priorité en interne car il est possible que la personne
désirée ne se soit pas manifestée par respect ou par
manque d'informations des intentions du dirigeant. Selon Alary-Grall, Estival
et Pijaudier Cabot (2001), "lorsque le cédant prospecte parmi les
candidats potentiels à la reprise, il doit se montrer discret : trop de
communication nuit à la conclusion d'une bonne affaire." Ils confirment
donc qu'une annonce
officielle de cession de petite entreprise peut engendrer une
perte de confiance de l'ensemble des stakeholders (collaborateurs,
clients, fournisseurs, créanciers, actionnaires...), et probablement une
diminution du prix.
Préserver l'information sur l'opération
prochaine de cession ne s'obtient pas en communiquant le moins possible, mais
en divulguant l'information nécessaire à un nombre restreints de
candidats sérieux à la reprise. Leur objectif est donc de cibler
davantage les personnes recherchées, souvent par l'intermédiaire
de cabinets de consultants. Il peut aussi avoir directement recours à
des journaux et sites internet spécialisés, des cercles de
repreneurs ou des organismes tels que les CCI.
Le cédant est en effet, dans la majorité des cas,
l'initiateur de l'opération, ce qui lui permet de maîtriser son
calendrier de départ de l'entreprise.
L'avis d'un coach accompagnant les acteurs de transmissions et
reprises concorde sur ce point, mais part du principe que l'aspect financier ne
doit pas être le sujet prédominant chez le cédant. Le
départ de ce dernier sera délicat, il est donc raisonnable de
mettre toutes les cartes de son côté afin de faciliter cette
dernière étape, et qu'il reste ainsi en bons termes avec son
successeur et ses collaborateurs.
D'autre part, la situation d'interaction se décrit
comme le scénario qui organise les relations. Elle va principalement
dépendre de la situation économique de l'entreprise, mais aussi
du statut du dirigeant. L'entreprise est-elle dans une phase de croissance
maîtrisée ? Le dirigeant agit-il sous la contrainte concernant son
départ de l'entreprise ?
Un des acteurs de l'opération prendra une position de
force dans la relation. Si l'entreprise est saine, il s'agit souvent du
cédant, car il détient l'information, qu'il communique à
son rythme. Mais le temps joue clairement en sa défaveur, dans la mesure
où l'information se propage et où des signes peuvent
alertés les employés ou partenaires de l'entreprise (changement
de stratégie, de comportement...).
Enfin, le cadre et la situation s'inscrivent dans le facteur
institutionnel. Chaque institution est caractérisée par certains
types de rapports et de style relationnel.
Marc & Edmond (2002) affirment "que le cadre, la situation
et les institutions se renforcent mutuellement pour déterminer en
profondeur les relations qu'ils tendent à favoriser".
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