Chapitre 2 : Contexte du déroulement du processus
de transmission/reprise.
"Le changement de dirigeant déclenche dans tous les cas
une inquiétude sur l'avenir" (Estève). Dans un grand groupe, ces
inquiétudes sont davantage liées à la situation de
l'entreprise et aux résultats financiers du groupe. Mais plus l'effectif
de l'entreprise est réduit, plus l'attention se tourne sur la
personnalité du cédant (et les relations qu'entretenait le
salarié avec lui) et sur la personnalité de l'acquéreur,
donc du nouveau dirigeant. De nombreux auteurs et dirigeants interrogés
confirment que l'aspect relationnel et affectif est au centre des
préoccupations dans une PME, tout particulièrement pour le
dirigeant-fondateur. Ils la nomment donc "entreprise humaine".
Les difficultés rencontrées lors d'une
opération d'envergure telle que la transmission de l'entreprise se
trouvent donc majoritairement liées aux facteurs humains.
La personne qui prend les décisions est responsable de
la vie et de la survie de l'entreprise. De ce fait, "elle assume
personnellement les responsabilités financières, sociales,
techniques et morales de l'entreprise, quelle que soit sa forme juridique"
(statuts de la CGPME). Pour ce faire, elle gardera la main mise sur les
principales actions et décisions, déléguant en fonction de
la confiance qu'elle accorde aux différents salariés. Il existe
donc un très large éventail de profils d'entreprise au niveau de
l'organisation, liés à la personnalité du dirigeant. Nous
pouvons en déduire que valoriser une petite entreprise exclusivement
grâce à des données comptables et financières n'a
aucun sens. Des données plus subjectives vont devoir être prises
en compte, relatives par exemple au niveau de responsabilités et au type
de management du dirigeant.
Torrès (1999) décrit cette personnalisation du
management comme "un management de proximité". Il en est de même
pour la gestion, de proximité due à une faible
spécialisation du dirigeant ainsi que du personnel, et aux
systèmes d'information interne et externe peu développés.
La communication est donc souvent informelle, mais le relationnel revêt
en parallèle une importance supérieure car le management est plus
tourné vers les personnes que vers les missions de chacun.
Or, c'est la personne porteuse du fonctionnement actuel de
l'entreprise qui se retire lors d'une transmission d'entreprise. Cette
opération remet donc en cause tout l'aspect relationnel et
organisationnel de l'entreprise, et met en jeu, à terme, sa survie. Il
s'agira dans tous les cas d'un changement majeur dans la vie de l'entreprise,
même si le repreneur opte pour un management et une stratégie dans
le prolongement des pratiques de son prédécesseur. Il s'agira
donc d'une révolution si le nouveau dirigeant met en place une nouvelle
stratégie et opère des changements dans les équipes. Tenir
compte de l'aspect humain tout au long du
processus va donc s'avérer indispensable de la part des
deux acteurs principaux afin de mener à bien l'opération et
assurer la pérennité de l'entreprise.
La problématique centrale concerne donc l'analyse des
différents risques liés aux personnalités des acteurs et
aux interactions, et peut se formuler de la manière suivante :
"Comment réduire les risques liés à l'aspect
humain lors d'une opération de transmission/reprise de petite
entreprise?". L'objectif de la résolution de cette
problématique doit mener à la réduction du taux de
défaillance des petites entreprises reprises, et ainsi transférer
le savoir et préserver le tissu économique local.
Cette étude se focalise dans un premier temps sur les
risques au niveau personnel et relationnel vécus par le trio
cédant/repreneur/collaborateurs. Les risques pris en compte seront en
effet liés à sa propre personnalité ou celle d'un tiers,
en tenant compte des attitudes et réactions possibles.
Une cassure va en effet avoir lieu dans la relation
cédant/collaborateurs lors de l'annonce de son départ,
intervenant dans la plupart des cas en même temps que l'arrivée du
repreneur. Perdant toute légitimité professionnelle, il se doit
ensuite de garder cette légitimité sociale, qu'il a su
développer pendant tant d'années à la tête de
l'entreprise. Le dirigeant va donc devoir gérer un véritable
divorce avec son entreprise, si ce n'est avec une partie de lui-même.
Dans le même temps, le repreneur et ses collaborateurs vont construire
les bases d'une relation durable, souvent liée à la
qualité de la relation cédant/repreneur, où du moins
l'image qu'ils en donnent.
La question suivante porte donc sur le passage de témoin:
comment faciliter la phase de prise de relais pour le cédant, le
repreneur et les collaborateurs ?
Cette question implique de s'intéresser au
déroulement de l'arrivée du repreneur et de la période de
transition, en se positionnant en tant que cédant, repreneur puis
collaborateur. Il s'agit en effet de répertorier les problèmes
potentiellement rencontrés, et de les anticiper pendant la phase de
préparation de ces étapes.
L'étude de ces risques constatés auprès
des entrepreneurs rencontrés va permettre de préconiser des
actions préventives et correctives, en fixant l'objectif principal
d'insister sur les principaux facteurs positifs du processus qui doivent
être partagés par les acteurs: relation de confiance, transparence
des données et adaptation au changement.
Cette réflexion mènera à la proposition
d'une méthode globale de processus de transmission/reprise, qui remet en
cause les principes généraux utilisés par les
différents acteurs, alliant comportement et démarches à
adopter tout au long du processus de reprise.
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