Le déroulement de la première rencontre se
concentre sur l'entreprise et sur la personnalité de l'interlocuteur. Un
juste compromis doit être trouvé par les protagonistes. La phase
de préparation a permis à chacun de définir les
informations à obtenir, de même que les possibles points de
connivence et antagonismes. L'ordre du jour sera fixé avant la
rencontre.
Le principal objectif est alors de cerner la
personnalité de son interlocuteur, en abordant tout autant le sujet de
l'entreprise, que des faits d'actualité ou des sujets plus
généraux, tels que la vie locale de la commune. Aborder certains
sujets tels que la politique ou la religion est tout de même à
proscrire, car sources de débats non constructifs. Même si le
thème central de l'entretien a été fixé, discuter
brièvement de certains sujets périphériques est un
indicateur de confiance et d'assurance qu'éprouvent les
interlocuteurs.
Les deux acteurs doivent rester eux-mêmes, afin que les
bases de la relation soient stables, ce qui évite d'assister à de
mauvaises surprises en aval du processus, souvent en compagnie des
salariés...
En règle générale, le repreneur se
présente de manière concise, puis laisse la parole au dirigeant
cédant. Il montrera en effet ses compétences par sa
capacité d'écoute et la cohérence de ses questions par
rapport aux explications du cédant.
Le cédant présente le marché,
réalise un point sur la situation actuelle de l'entreprise, justifie la
stratégie employée, ainsi que sa politique sociale. Il expose
aussi la structure organisationnelle et sa vision de l'avenir, s'il l'envisage
de manière positive.
Dans le cas où il souhaite approfondir cette relation,
il doit aborder, entre autres, le déroulement des
évènements suite à l'annonce de sa cession aux
salariés. Il décrit le climat social qui règne au sein de
l'entreprise et ses ressentis (bonnes ou mauvaises surprises par rapport
à leurs attitudes).
Ces éléments permettent de mettre en confiance
le candidat repreneur. Il peut à son tour confier des informations au
cédant, au niveau de son type de management et de certains
évènements de sa carrière professionnelle, qui lui
serviront étant donné la "carte génétique"
(Lecointre) et les caractéristiques humaines décrites de
l'entreprise.
Afin de gérer la relation, des règles de jeu
communes sont établies, ce qui permettra aux protagonistes d'utiliser le
"nous" lorsque des étapes communes sont abordées. La
proximité, voire la complicité, se trouve ainsi mis en avant. Ces
méthodes conduisent à une estime réciproque et une
assertivité qui est indispensable au cours du processus de reprise. Elle
consiste à faire partager ce que l'on éprouve et ce que l'on est.
Il est alors naturel de faire apparaître des goûts et des
repères culturels communs, qui vont approfondir la relation de
confiance, réduisant le risque d'une rupture lors de la
négociation ou de l'accompagnement. L'avancement au niveau du
développement de la relation dépend aussi principalement de
l'alchimie qui se dégage entre les deux acteurs.
Au terme du premier entretien, chacun est en mesure de cerner
davantage le profil de son interlocuteur. Le concept du MBTI
® peut être utilisé afin de renforcer la
complicité des intervenants. Ce test est le pilier des
études permettant d'établir un bilan de personnalité sur
la personnalité. Le "Myers-Briggs Type Indicator" a été
développé par Katharine Cook Briggs (1875-1968) et Isabel Myers
(1897-1980), après leurs études la théorie de Jung qui
traite de la relation entre "l'inconscience" et la "conscience". Il en ressort
16 types de personnalités, allant du contrôleur au
créateur.
Cette analyse est basée sur quatre caractères :
· Extraverti/Introverti
· Sensation/Intuition
· Pensée/Sentiment
· Jugement/Perception
Cette étape peut être source d'échanges
riches et passionnants, ce qui permet de développer l'alchimie
créée entre les protagonistes.
Grâce à cette rencontre, le cédant peut
avancer sur ses deux objectifs : évaluer le potentiel de ce candidat
à diriger son entreprise et estimer son souhait de voir cette personne
lui succéder.
Le repreneur potentiel a obtenu quant à lui de
nombreuses informations afin de mieux comprendre l'entreprise. Il peut, en se
basant sur ses premières impressions et sur les déclarations de
son interlocuteur, évaluer le pouvoir formel (headship) et informel
(leadership) du cédant.
Si le calme persiste dans l'entreprise suite à
l'annonce de son départ, l'acquéreur potentiel peut penser que le
dirigeant actuel est un leader respecté, en qui les salariés
accordent toute leur confiance. Lui succéder relèvera du
défi dans le cas où il n'arrive pas à lâcher les
rênes de l'entreprise, car il restera le seul et unique chef d'entreprise
du point de vue des collaborateurs. Il sera donc primordial que le
cédant insiste auprès des équipes sur le fait qu'il ne
détient plus le pouvoir de décision et que son rôle se
limite à un accompagnement.
Si le climat social se dégrade et que
l'inquiétude prend le pas, le dirigeant n'a pas la pleine confiance des
salariés. Un contre-pouvoir existe et rassemble les personnes qui
dénoncent la décision du chef d'entreprise, ou sa méthode.
L'intégration du nouveau dirigeant auprès des salariés
sera facilitée, car son prédécesseur ne dispose plus de la
même légitimité. Pour lui, l'inconnue afin
d'acquérir une légitimité suffisante demeure au niveau de
la transmission des informations de la part du cédant pendant la
période de transition.
Cette évolution négative du climat social annonce
des changements possibles au niveau organisationnel :
· des promotions pour les salariés-relais, personnes
sur qui le nouveau dirigeant peut s'appuyer.
· des licenciements, pour les personnes qui s'opposent
à la stratégie ou refusent le changement concernant les
méthodes de travail.
A noter que si le cédant n'a pas encore annoncé
à ses salariés la préparation de son opération de
cession lors de la première rencontre avec son interlocuteur, ce dernier
peut expliquer que cette action est bénéfique pour chaque membre
du trio cédant/repreneur/collaborateurs. En fonction de la
qualité de sa relation avec le cédant, il lui proposera
directement cette méthode, ou bien par l'intermédiaire de leur
conseil respectif.
Il est possible que le dirigeant refuse de
révéler la cession, le candidat repreneur peut en déduire
qu'il connaît probablement des problèmes relationnels au sein de
l'entreprise, d'où une rupture de la relation de confiance. S'il se
trouve seul à connaître ces difficultés de collaboration
avec certains employés, un problème de management est
probablement à l'origine de ce conflit. Il sera donc plus aisé
pour le repreneur de s'imposer dans l'entreprise à la place de son
prédécesseur, tout du moins si il dispose d'un bon
relationnel.
Dans l'autre situation, où plusieurs salariés
connaissent aussi des difficultés de collaboration avec ces mêmes
personnes, l'origine provient des personnalités différentes de
chacun, ou de fautes réalisées au détriment de
collaborateurs. On constate donc un climat social difficile,
représenté par l'existence de différents
groupes au sein de l'entreprise. Il se caractérise souvent par une
baisse de la motivation et de la productivité, mais aussi de la prise
d'initiative.
Le repreneur devra approfondir ce point au cours des phases
suivantes du processus, notamment en rencontrant des salariés, sous
peine de faire face à des problèmes imprévus lors de son
arrivée de l'entreprise.
Pour le nouveau dirigeant, acquérir sa
légitimité dépendra clairement de la personnalité
de son prédécesseur (capacité à assumer le passage
de témoin à son successeur) et du climat social (lié
à la relation cédant/collaborateurs).
Gardant ce concept en tête, le repreneur potentiel sera
donc vigilant quant à l'évolution du climat social et au
détachement progressif du dirigeant par rapport à son entreprise,
ce qui lui permettra d'aborder l'évaluation de l'entreprise de plus en
plus objectivement.