Dans la plupart des cas, l'annonce d'un changement de
dirigeant et de l'arrivée du repreneur faite aux salariés
intervient brutalement et à quelques minutes d'intervalles, ce qui
engendre des attitudes négatives de la part des salariés, pouvant
mener, à terme, à un échec de l'opération de
reprise et à la défaillance de l'entreprise. Les risques
constatés sur le terrain visant les deux principaux protagonistes seront
analysés (1). Le degré de risque dépend du niveau de
centralisation des responsabilités du cédant, et donc du vide
qu'il va créer dans l'entreprise. "L'environnement réagit
d'autant plus négativement à ce problème de transfert que
les performances de l'entreprise sont fortement liées au capital humain
du cédant, qui est un actif spécifique inaliénable"
(Moore, 1992).
Fiegener (1996) déclare quant à lui qu'"il
n'existe pas d'évènement non récurrent plus critique que
le transfert du pouvoir et de l'autorité d'un dirigeant à un
autre". Une préparation minutieuse est donc indispensable et sera
abordée dans un second temps (2).
1. Les risques encourus par les différentes
parties.
Nous pouvons rapidement pu confirmer les propos de Boussaguet
(2006), selon laquelle "l'émotion est un facteur de perturbation pour
l'ensemble des acteurs", en particulier à partir de l'annonce du
départ du cédant. Les personnes interviewées nous en ont
effectivement fait part.
Nous allons nous attacher à étudier les points
de vue du cédant (1.1), du repreneur (1.2) et des collaborateurs (1.3)
au niveau de leurs incertitudes et les risques qu'ils doivent maîtriser
lors de cette phase. Nous fixons, dans un premier temps, l'hypothèse que
la relation cédant/collaborateurs est saine, basée sur la
confiance et le respect mutuel.
1.1. Les risques encourus par le cédant
:
Les risques liés à sa propre personne
concernent en premier lieu la non maîtrise de ses émotions lors de
l'annonce aux équipes de la cession de l'entreprise. La façon
dont il va annoncer l'opération à l'ensemble des équipes
est déterminante afin que sa décision soit comprise par ses
collaborateurs. Cette annonce doit avoir été
préparée en compagnie du repreneur, et éventuellement avec
un coach s'il a des doutes sur sa capacité à gérer ce
moment difficile. Il doit être clair et concis vis-à-vis des
salariés, suspendus à ses lèvres au moment de l'annonce de
cet évènement capital. Ceux-ci vont avoir tendance à
découvrir qu'une opération se préparait dans leur dos, et
qu'ils n'étaient pas mis dans la confidence. Leur attitude va être
fortement liée à la raison pour laquelle le cédant a pris
la décision de quitter son entreprise et ses salariés, et
à sa justification quant au déroulement choisi du processus
engagé.
Le risque principal de cette annonce réside donc dans
l'émergence de menaces pesant sur la qualité de la relation
cédant/collaborateurs. Les employés vont en effet connaître
un premier choc lorsqu'ils apprennent la nouvelle. Le cédant doit
gérer ces réactions en compagnie du nouveau dirigeant, sous peine
de perdre la relation de confiance et de respect mutuel qu'il entretenait avec
les membres de l'entreprise, ce qu'il pourrait ressentir comme un échec
de l'opération...
Les risques pour le cédant sont aussi liés
à l'attitude que va tenir le repreneur lors de cette phase. Sa
légitimité peut être mise à mal si l'image ou
l'attitude de l'acquéreur n'est pas en adéquation avec ses
attentes ou celles des salariés. Ce dernier doit montrer qu'il est le
dirigeant officiel, mais qu'il est impatient de découvrir l'entreprise
plus en profondeur et faire connaissance avec chaque salarié.
1.2 Risques pour le repreneur :
Le repreneur peut tout d'abord ressentir une
appréhension de ne pas être à la hauteur de la situation et
de la tâche future, dont l'enjeu est la valeur personnelle et
professionnelle des collaborateurs. Rollin décrit un tout autre risque
qu'il a désigné comme le « syndrome de décompression
» : le repreneur peut en effet arriver le premier jour dans un état
de relâchement et de fatigue général, après une
période de festivité, alors que le bon déroulement de la
phase qui débute est primordial.
Le fait que le cédant réalise un long discours,
flou et non-structuré, peut affecter le passage de
témoin et
la première opinion des employés au sujet de l'opération
et du repreneur. Il doit
s'engager à présenter clairement la
personne qui l'accompagne comme le nouveau dirigeant,
celui qui montrera la direction à suivre et prendra
les décisions afin d'atteindre les objectifs de l'entreprise. Il devra
montrer qu'il lui apporte tout son soutien pour prendre les rênes de
l'entreprise. Dans l'idéal, il peut même mettre en avant les
qualités de son successeur, ou plus exactement les raisons pour
lesquelles cette personne est compétente pour reprendre l'entreprise. Il
est conseillé aux deux acteurs de l'opération d'insister sur le
critère de continuité au niveau du management si la santé
financière de l'entité est satisfaisante, afin de rassurer les
collaborateurs.
A noter que le cédant dispose de trois
possibilités lors de l'arrivée de son successeur:
· Quitter l'entreprise lorsque la cession a
été réalisée.
· Rester pour une période contractuelle.
· Changer de poste dans l'entreprise et collaborer avec
l'acquéreur.
La première hypothèse représente un risque
pour le repreneur dans le cas où l'asymétrie d'information est
importante.
La troisième possibilité est aussi
risquée pour les protagonistes, car il s'avère que leurs
intérêts divergent très largement dans la majorité
des cas. De plus, la mise en place de l'autorité du repreneur et de
nouveaux projets se complique.
Les protagonistes choisissent le plus fréquemment la
deuxième hypothèse, au grand bénéfice de tous. Cela
n'empêchera pas les salariés les plus liés à
l'ancien dirigeant d'émettre les pires résistances à toute
proposition de changement s'ils sentent chez lui un profond mal-être. La
même attitude est constatée chez les personnes qui s'estiment
avoir été trompées par le cédant, à qui ils
accordaient leur entière confiance, ou flouées, dans la mesure
où ils étaient candidats au poste.
Il est d'autre part possible que le cédant
désire quitter l'entreprise au plus vite suite à la
présentation du nouveau dirigeant, afin de mettre un terme aux
difficultés qu'il vit depuis le début du processus de
transmission. Il en résulte dans cette situation des risques liés
à une inquiétude légitime des salariés, qui
s'interrogent sur leur avenir, et une position difficile, voire embarrassante,
du repreneur face à une telle attitude de leur ancien dirigeant.
Une personne interrogée a aussi abordé le
risque suivant : la promotion d'un salarié à un poste clé
sans l'accord du repreneur peut être une volonté du cédant
d'entraver le processus d'intégration de son successeur, si cette
personne n'a pas les compétences.
Le risque encouru par le repreneur vis-à-vis de
salariés qui ont foi en leur ancien patron est d'être dans en
premier lieu perçu comme un inconnu. Afin d'éviter qu'ils gardent
leurs distances à son égard, il doit utiliser une qualité
indispensable du chef d'entreprise : mettre à l'aise ses interlocuteurs
en multipliant les interactions, et donc établir un climat de
confiance.
Dans le cas opposé, il est susceptible de faire
l'objet d'intense lobbying et d'être influencé quant à
l'opinion qu'il se forme à propos de la personnalité et la
compétence d'un(e) salarié(e), que ce soit dans un sens flatteur
ou dégradant. Le nouveau dirigeant doit dans cette situation s'affirmer
et annoncer qu'il établira ses propres jugements grâce au travail
futur de chacun dans l'entreprise. Une remise à zéro des conflits
doit donc être clairement effectuée par l'ensemble des acteurs de
l'entreprise, avec la possibilité de recevoir certaines personnes pour
des cas bien particuliers, qui rendent le concept mis en place impossible
à envisager.
Enfin, dans l'hypothèse où son
prédécesseur ne disposait plus entièrement du pouvoir dans
l'entreprise au moment de la cession, les salariés vont débattre
ensemble du sujet et éventuellement formuler des demandes
précises au nouveau dirigeant. Il s'agit alors d'un contre-pouvoir, dont
le rôle doit être limité dans l'entreprise. Cette force
sociale peut en effet restreindre l'exercice du pouvoir en place, donc du
repreneur, et proposer une alternative aux décisions d'une
autorité.
Il est donc nécessaire, pour les deux principaux
acteurs, d'étudier les risques ressentis par les salariés, afin
de bien cerner leurs attitudes et réactions et répondre
clairement à leurs interrogations. Il s'agit donc d'anticiper une
probable dégradation du climat social.
1.3 Risques pour les collaborateurs
:
La qualité des relations cédant/collaborateurs et
repreneur/collaborateurs dépendent à courtterme des risques que
les collaborateurs perçoivent à leur niveau.
Ils sont en priorité sensibles au risque de perdre un
tiers, celui qui a créé l'entreprise et auquel ils sont
attachés. Il s'agit de la dimension affective incontestable du pater,
ainsi que de son autorité naturelle. Le sentiment d'être
abandonné, voire trahi par ce personnage est donc d'autant plus grand
dans le cas où ils n'ont pas été prévenus. Seul son
charisme a la capacité de concentrer l'attention, de retenir la
confiance des collaborateurs, et donc de limiter une inquiétude
démesurée.
A noter que cette dimension de trahison est plus ressentie dans
les entreprises les plus saines du marché, dans la mesure où le
cédant jouait un rôle important dans ce succès.
Les incertitudes liées à la capacité du
repreneur de développer la croissance et les résultats de
l'entreprise est une source d'inquiétude pour les collaborateurs et les
partenaires commerciaux. Dans le cas de l'annonce d'une mise en vente de
l'entreprise avant de connaître le repreneur, les interrogations sont
maximales quant à sa gestion future. La pérennité de la
firme est en effet en partie liée au profil du repreneur, à sa
connaissance de l'entreprise et du secteur d'activité. Une
réaction générale de méfiance et de repli est alors
possible suite à cette annonce.
Lorsque la relation cédant/repreneur est perçue
comme tendue, un autre risque pressenti par les salariés est de trahir
son dirigeant en acceptant de travailler avec "l'adversaire", avec la peur et
la honte de "lâcher" le cédant pour "collaborer" avec le nouveau
dirigeant.
Dans les cas où les résultats de l'entreprise
doivent être améliorés, l'attention des salariés se
portent sur le maintien de leur propre emploi, mais aussi celui de leurs
collègues, ce qui mène à des interrogations au niveau de
l'organisation future de l'entreprise.
Le lever d'une partie du secret de l'opération
engendre donc de nombreux risques pour les trois parties. Le cédant et
le repreneur doivent donc s'unir et s'entraider afin de limiter les risques
communs et démontrer aux salariés que les bonnes décisions
ont été prises afin d'assurer la pérennité de
l'entreprise.
2. La meilleure façon de réaliser une
annonce convaincante : préparer cette phase capitale du
processus.
Je vais aborder dans cette partie la phase de préparation
de l'arrivée du nouveau dirigeant (2.1) et du déroulement de ses
premiers jours de présence (2.2).
2.1 L'anticipation de la phase d'arrivée
:
Le cadre de la négociation, notamment la
confidentialité des données et le secret de l'opération en
cours, compliquent, pour l'acquéreur, cette anticipation des risques
liés à son arrivée et à son processus
d'intégration. La gestion par anticipation est basée sur la
proactivité et le changement à intervalles réguliers. Il
s'agit de créer un sentiment de nécessité
impérieuse pour le respect des échéances.
Mais le processus d'intégration du repreneur dans
l'entreprise commence avant même son arrivée. Il a
déjà pu analyser l'organisation de l'entreprise afin de
comprendre son fonctionnement au quotidien. Dans un souci de juste
évaluation de la firme, le cédant lui a apporté des
informations complémentaires, liées entre autres au facteur
humain. De plus, de nombreux points liés à l'organisation ont
été abordés pendant la négociation. Ce processus de
"socialisation" (Boussaguet) est donc déjà bien avancé
dans l'esprit du repreneur, même si son intégration demeure
virtuelle. Il est tout de même fréquent que le cédant
apporte de plus amples informations à son interlocuteur après la
signature du compromis de vente, ce qui permet à ce dernier de
réviser certaines idées préconçues et
préciser ses intentions. Comme l'annonce un repreneur rencontré,
cela provoque parfois un déclic chez l'acquéreur.
Le repreneur, qui a déjà entamé sa
préparation psychologique afin de changer de rythme de vie, doit
maintenant préciser sa façon de diriger cette entreprise. Il doit
prendre conscience que son rôle dans la société va
radicalement changer, par la prise de responsabilités sociales et
économiques. Les repreneurs quittant un poste de salarié peuvent
le vivre comme un choc, d'où la nécessité de s'y
préparer, en rencontrant des chefs d'entreprise et en partageant
régulièrement ses impressions et ressentis avec un groupe d'amis
ou de collègues de confiance (membres de son réseau personnel
et/ou professionnel). De nombreux repreneurs de petite entreprise le nomme
"conseil d'administration". Ce groupe se réunira ensuite
régulièrement afin de suivre les avancées de l'entreprise
et de proposer au dirigeant de prendre du recul, par un effet miroir sur ses
décisions et actions entreprises. Il va donc peu à peu prendre
ses repères et se préparer à une transition en
souplesse.
Le dirigeant vendeur se basera sur le déroulement de
la visite du repreneur au sein de l'entreprise, pour lui apporter
éventuellement des conseils sur l'attitude à adopter lors de son
arrivée officielle. Ils définiront ensuite une communication de
transition. Les objectifs sont d'informer et de rassurer. Une vision d'ensemble
de l'opération sera décrite, plus particulièrement de la
part du repreneur, qui pourra apporter des précisions sur ses objectifs
principaux, afin de "motiver et fédérer les collaborateurs autour
de son projet" (Meier & Schier, 2008). Il pourra aussi mettre en place des
actions afin de montrer son engagement dans sa prise de fonction, tout en
associant les personnes de l'échelon hiérarchique
intermédiaire à la gestion du changement. Cette proposition doit
constituer un argument de plus afin de conserver les personnes-clés de
l'entreprise, et limiter une possible désorganisation.
Le repreneur devra dans tous les cas s'adapter au contexte
culturel qui l'entoure, s'intéresser au passé de l'entreprise au
contact des salariés, et à ce qu'il est impossible de modifier.
Comprendre l'historique de l'entreprise va en effet permettre au nouveau
dirigeant de comprendre les rites et habitudes des collaborateurs. Il pourra
ainsi s'appuyer sur ce côté affectif cher aux employés
lorsqu'il voudra mettre en avant l'aspect positif de la reprise d'un point de
vue social, mais aussi en mettant en avant la préservation de cet
état d'esprit propre à l'entreprise. A lui de maintenir le lien
de confiance entre l'entreprise et les salariés, et travailler dans un
premier temps dans la continuité de son prédécesseur. Il
s'agit de "chausser les pantoufles" du cédant.
Cette communication rassurante et insistant sur le lien fort
des relations humaines est à moduler en fonction du statut des
interlocuteurs, notamment avec les partenaires extérieurs. La ligne de
conduite du dirigeant doit, dans tous les cas, être basée sur la
transparence et l'engagement, afin de mettre en avant chez les salariés
les valeurs de loyauté et de fidélité, et ainsi instaurer
un climat de confiance propice à rassurer les stakeholders.
2.2 Une gestion optimale du passage de témoin
entre les deux dirigeants.
Le repreneur va endosser le rôle de dirigeant, et
être confronté à la réalité de ce nouveau
statut dans l'entreprise. Il doit découvrir le fonctionnement
réel de l'entreprise alors qu'il en est théoriquement le
dirigeant. Ses priorités sont les suivantes :
· Construire son nouveau rôle directorial.
· Affirmer son leadership, face à des
salariés souvent perturbés et peu motivés.
Le cédant est, à court terme, le seul
élément facilitateur de son intégration. Mais il peut
très vite devenir un élément perturbateur de la reprise
s'il ne réalise pas complètement ou sincèrement les trois
principaux devoirs qui lui incombent. D'où l'importance de la
complicité entre les deux personnes. Les missions du cédant
consistent à :
· Transmettre le savoir.
· Accompagner et rassurer les salariés, et assurer
de la présence légitime du repreneur.
· Faciliter la rencontre entre le repreneur et les
partenaires extérieurs.
Le repreneur arrive, de son côté, avec une
personnalité et une expérience, qui le mène
inévitablement à voir l'entreprise différemment, et
à entrevoir un potentiel de développement grâce à
des changements dans l'organisation ou la technologie utilisée. Il se
trouve cependant face à un héritage solide provenant du
cédant, il doit donc suivre un processus bien défini afin
d'atteindre d'abord un premier objectif : l'intégration dans
l'entreprise. L'intégration constitue théoriquement le "processus
ethnologique" qui permet à une personne de se rapprocher et de devenir
un membre d'un groupe (Intégration à la française, 1993).
Le degré d'intégration dépend des deux parties, donc de
deux facteurs. La personne doit tout d'abord posséder une volonté
de s'adapter et entamer une démarche d'insertion. Quant au groupe, il
doit respecter les différences et particularités de l'individu,
en montrant une capacité intégratrice.
L'adaptation du repreneur se focalise sur les points suivants
:
· Découvrir l'organisation et la vie de
l'entreprise.
· Découvrir le rôle du cédant au
quotidien et acquérir les process de l'entreprise.
· Rencontrer chaque salarié lors d'un entretien
individuel, et développer une relation de confiance, en expliquant
clairement son projet.
Le début de sa prise de fonction constitue pour chaque
repreneur externe à l'entreprise deux exigences qui apparaissent, au
premier abord, contradictoires. Il doit apprendre, acquérir de
l'information pour comprendre l'organisation de l'entreprise, et, d'un autre
côté, s'imposer en tant que leader et pouvoir de décision.
Nous verrons que ces deux impératifs peuvent être
réalisés parallèlement en adoptant une
attitude particulière basée sur les qualités de manager du
dirigeant.
Il faut accepter ce temps d'adaptation et en faire une force,
afin de tisser des liens forts avec les employés, en montrant de
l'intérêt pour son travail, et donc en accordant beaucoup
d'écoute à chaque personnage de l'entreprise. Il aura, pendant
cette période d'immersion, la possibilité de relever des
injustices et de les corriger, à la grande satisfaction de l'ensemble de
l'entreprise.
En outre, l'organisation d'une réunion plus ou moins
formelle peu après le passage de témoin entre les deux dirigeants
permet au repreneur de montrer aux équipes que leurs
préoccupations sont prises en compte, et qu'il est ouvert pour
répondre à toute question. Le fait de laisser la porte de son
bureau ouverte est symbolique d'une ouverture d'esprit et d'une capacité
d'écoute constructive pour le repreneur.
Grâce à cette démarche, la
légitimité du nouveau dirigeant vis-à-vis des
salariés se verra accrue. Elle lui permettra aussi de mieux cerner les
moyens dont il dispose, et, en outre de préciser les changements qu'il
devra mettre en place afin d'atteindre les objectifs fixés dans le plan
de reprise.
Dès son arrivée dans l'entreprise, le repreneur
doit aborder les questions suivantes, classifiées par l'organisme APCE
:
Il doit aussi s'intéresser à la culture de
l'entreprise, représentée par 6 domaines :
· Les rites sont des pratiques qui proviennent des
valeurs communes des membres d'un groupe. Il peut s'agir de réunions de
travail ou d'évènements particuliers, par exemple une
journée portes ouvertes. On peut aussi parler de routines si ce sont des
procédures pratiquées par les membres à intervalles
réguliers.
· Les mythes sont des histoires liées au
passé de l'entreprise, concernant des personnes
ou des
évènements, qui ont marqué son histoire. Ils renforcent
l'esprit de groupe.
· Les symboles sont représentatifs de la nature de
l'entreprise, et des valeurs qu'elle défend (logos, slogans...).
· Les structures de pouvoir représentent la
répartition du pouvoir formel et informel au sein de l'entreprise
(actionnaires, influence politique ou économique, réseau
relationnel...).
· La structure organisationnelle.
· Les systèmes de contrôle et de suivi
(qualité, productivité...).
"Mettre les mains dans le cambouis" est donc une expression
entendue à maintes et qui résume parfaitement l'attitude à
adopter, afin d'obtenir un maximum d'informations fiables grâce à
la construction de relations de confiance envers chacun.
Les déclarations des dirigeants rencontrés
confirment que les premières décisions interviennent
inévitablement au niveau humain, avec des changements rapides mais
mineurs sur la façon de travailler. En débattant de ce sujet en
compagnie de chaque employé, le repreneur apporte des idées et
propositions, qui ont pour objectif d'améliorer sa productivité
en jouant sur son bien-être dans l'entreprise. Les employés
ressentiront ainsi une satisfaction à pouvoir juger des propositions du
dirigeant et à proposer eux-mêmes, donc à échanger
et être considérés. Le repreneur concrétise ainsi sa
présence par des mesures simples et de bon sens, auxquelles il croit,
afin de privilégier le bien-être et la productivité des
salariés. Ils détourneront de ce fait leur attention du
cédant et du passé, pour se concentrer sur leur rôle dans
l'entreprise et l'évolution possible des méthodes de travail pour
qu'ils se sentent mieux. Le repreneur est entré dans la phase
d'initiation au changement. Il fera découvrir son type de management aux
équipes et s'intéressera aux éventuelles réactions
des salariés, afin d'approfondir sa connaissance des différents
profils.
Un autre point de vue consiste à profiter du regard de
nouvel arrivant pour déterminer les points faibles de l'organisation et
les actions à mettre en place afin d'obtenir des résultats
rapides. Cette méthode est contestable, car imposer des modifications
dans les méthodes de travail à destination de salariés
dont la relation de travail n'est pas construite mène à
l'échec des actions entamées. De plus, ces mesures peuvent
être fondamentalement justifiées mais à l'origine d'une
désorganisation de la petite entreprise.
Nous suivons donc l'opinion d'un dirigeant rencontré
pour conseiller de relever d'éventuels facteurs de progrès et
réserver leur mise en place lorsque les relations de travail avec les
salariés seront construites, à défaut d'être
forcement basées sur un sentiment réciproque de sympathie et de
confiance.
En fonction de l'aura dont il dispose, le cédant va
devoir très rapidement aborder des sujets importants avec certains de
ses anciens salariés, qui sont susceptibles de se sentir
considérés comme de simples "pions" alors qu'ils avaient
confiance en leur dirigeant, et avaient noué avec lui une relation plus
paternelle que professionnelle. Il doit expliquer et réexpliquer les
raisons pour lesquelles l'opération s'est déroulée dans le
secret.