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La métaphore du voyage, quête et subversion de la quête chez Louis-Ferdinand Céline

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par Franck Macé
Université Paris Sorbonne - Master 1 2008
  

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D) LE VOYAGE REVELE LA PETITESSE DE L'HOMME

1) Les bas instincts de l'homme

a) les vices

A travers son voyage Bardamu fait de nombreuses rencontres et le plus souvent celles-ci sont des opportunités supplémentaires pour lui d'identifier la nature humaine qui malgré la diversité des origines et des cultures trouve son unité dans le fait que l'homme se caractérise par son insignifiance, sa lourdeur qui le réduisent à l'état d'atome vibrionnant. Il est deux endroits qui font office de révélateurs de la nature viciée de l'homme. Tout d'abord il y a la colonie de la BambolaBragamance dont le fonctionnement et les différents personnels humains qui la composent sont observés de près par le narrateur qui y séjourne avant de gagner son poste au coeur de la forêt. C'est alors la description d'un monde déliquescent accablé par la chaleur où l'homme ne se montre que sous un jour négatif: sottise, agressivité, alcoolisme...L'épisode de ce séjour à Fort-Gono est le développement de ce qui était en germe et que Bardamu a constaté lors de la traversée sur l'Amiral Bragueton. Afin d'éclairer ce passage notamment nous nous rappelons de ce que Céline déclarait dans une lettre adressée à Léon Daudet: « Je ne me réjouis que dans le grotesque aux confins de la

27 A.Cresciucci (dir), Céline, Voyage au bout de la nuit, Paris, Klincksieck, 1993.

28 N.Hewitt, « Voyage au bout de la nuit, voyage imaginaire et histoire de fantômes », Actes du colloque de la Haye, 1983.

Mort29. ». En effet de par le principe de la décomposition physique due à la chaleur et morale l'homme semble se métamorphoser en une sorte de créature absurde en déshérence. Aucun signe de remise en cause ne semble gagner ces militaires, commerçants ou fonctionnaires emprisonnés dans une matrice au sein de laquelle ils laissent libre cours à leurs bas instincts et se débraillent. Seul le regard distancié de Bardamu révèle ce cloaque que les hommes pourtant si proches ne perçoivent pas; seule sa dynamique de voyage, son extériorité même s'il participe en partie à la vie de la colonie lui permettent ce dévoilement face à l'aveuglement des colons devenus indigènes de cette matrice. Cette cécité face au désastre serait ainsi la manifestation de l'instinct le plus puissant de l'homme, celui de la mort qui le condamne à jamais à être une entité obscure; c'est cela que Céline rappelait lors d'un discours en hommage à Zola: « Dans le jeu de l'homme, l'instinct de mort, l'instinct silencieux, est décidément bien placé, peut-être, à côté de l'égoïsme30. ». Ainsi l'Afrique en aucun cas n'apparaît comme une contrée salutaire où l'homme occidental meurtri par les errements de son continent peut vivre autrement et mieux. A nouveau par ses carnets de voyage Bardamu montre un monde uniforme et en cela rabougri puisque la colonie n'est qu'une transplantation et donc un prolongement de la société qu'il a quittée avec des différences importantes de classe et où l'arrogance et le mépris des uns, puissants, écrasent une large frange soumise. Le second lieu révélateur est l'usine de Détroit qui sera une nouvelle occasion pour Céline de stigmatiser la propension de l'homme à se soumettre et se résigner. Sous l'effet de son style l'ouvrier est transformé en une sorte de machine; l'humain ne se civilise plus en maîtrisant l'outil technique, il disparaît en devenant ce même outil comme le montre cet extrait du roman: « On en devenait machine aussi à force et de toute sa viande encore tremblotante31[...] ». Il y a là une progression dans le grotesque puisque d'être difforme l'homme évolue vers la déshumanisation, il y a non plus altération de son identité mais négation de cette dernière.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault