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La métaphore du voyage, quête et subversion de la quête chez Louis-Ferdinand Céline

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par Franck Macé
Université Paris Sorbonne - Master 1 2008
  

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C) LA DESTRUCTION DES CODES TRADITIONNELS DU ROMAN

1) L'amuïssement du récit

A l'image des territoires conquis lors des grandes découvertes, Céline installe son style sur les décombres de celui qu'il a vaincu afin de s'imposer. Cette quête du renouveau nécessite de s'en prendre au coeur même de la structure romanesque, à sa pierre angulaire: le récit. Celui-ci va être pris d'assaut, contaminé par l'oralité donc nous avons étudié la portée précédemment. Avec Céline le récit se trouble ou s'altère lorsqu'il s'agit de Voyage au bout de la nuit et explose lorsqu'il s'agit de Mort à crédit, une franche évolution du phénomène de destruction du récit est à relever. Fidèle à sa volonté de se démarquer du roman bourgeois, son style suit certains préceptes stratégiques observés par un critique, J.Dubuffet, cité par Rouayrenc dans son ouvrage sur l'écriture populaire en ouverture d'un chapitre judicieusement intitulé Le récit mis à mort: « Si vous voulez frapper au coeur la caste sévissante frappez-la à ses subjonctifs, à son cérémonial de beau langage creux, à ses minauderies d'esthète88». En ce qui concerne le premier roman, l'attaque est franche mais laisse encore au récit traditionnel quelques ornements caractéristiques, ainsi le langage oral et écrit vont en quelque sorte cohabiter. La grande différence est donc cette invasion de l'oralité dans le champ du récit lui insufflant de la spontanéité, oralité jusqu'alors circonscrite aux propos rapportés ce qui rompt avec l'histoire du roman réaliste comme le soulignent les auteurs de l'étude de ce roman chez PUF: « En cela, naturellement, Céline rompt avec le roman balzacien, dont le démiurge impersonnel « filtre » les informations et les sens en un discours bien « normé89.». Pour autant les marques de l'écrit demeurent comme le recours au passé simple et du pronom personnel « nous », elles se mêlent aux marques de l'oralité comme le passé composé et le pronom indéfini « on » à l'image de cet extrait présent dans la même étude: « Après un repos, on est remonté à cheval, quelques semaines plus tard, et on est reparti vers le nord. Le froid lui aussi vint avec nous90.». Rouayrenc fait le même constat insistant sur le fait que le récit est « troublé » par quelques anomalies mais il sait conserver selon elle ses formes littéraires comme les temps littéraires et les phrases amples. Toutefois s'il subsiste, aux yeux de Godard dans sa Poétique il est évident qu'un glissement s'opère et que ce dernier devient discours subissant aussi une relégation dès lors que narrateur et auteur se confondent: « Tout concourait donc à installer une fois pour toutes le roman célinien dans le registre du discours » et « Faire passer la voix narrative pour la sienne propre, et donc la mettre en prise sur le réel, c'est la charger d'un pouvoir tel que le récit ne peut que s'organiser autour d'elle91.». Une idée émerge alors concernant le primat de la parole, celle qui souligne le fait qu'elle supplante l'action romanesque voire qu'elle nourrit principalement la

88 Ibid, p.77.

89 op.cit, p.99.

90 Ibid, p.99.

91 op.cit.

structure dramatique du roman, roman de la déliquescence et du désenchantement servi par une langue décomposée. Ces oeuvres apparaissent bien comme des anti-romans toutefois il serait réducteur de définir l'ouvrage sous le seul sceau de l'action de détricoter car à cela se greffe celle de créer comme le souligne à nouveau l'édition PUF: « Le Voyage est une oeuvre carrefour de la production célinienne, qui opère une synthèse contradictoire entre une tradition mourante et une langue à venir92[...].». Nous verrons à de nombreuses reprises la permanence de cette imbrication oxymorique au sein de laquelle les échos de la vigueur littéraire, de la vitalité du style répondent au retentissement des accents mortifères. A présent il convient d'observer un autre retentissement, celui du ton employé par le narrateur.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus