WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La métaphore du voyage, quête et subversion de la quête chez Louis-Ferdinand Céline

( Télécharger le fichier original )
par Franck Macé
Université Paris Sorbonne - Master 1 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B) UNE TOPOGRAPHIE REDHIBITOIRE

1) Les lieux céliniens, des lieux de réclusion

a) les lieux urbains

Céline a pris le soin de proposer au lectorat une topographie méticuleuse des endroits qui composent le cadre de ses oeuvres et il est possible de l'analyser en respectant les caractéristiques qui la fondent à savoir la représentation littéraire des formes d'un lieu et des éléments naturels constitutifs selon un axe vertical et horizontal. Nous commencerons cette étude par le milieu urbain illustré essentiellement par la ville de New York. Elle incarne la verticalité accablante dont le volume paradoxalement, loin de fournir au personnage un nouveau souffle de liberté sous-tendu par le champ des conquêtes promises, le fige. Ainsi l'ample métropole aux formes élancées se transforme vite en un réduit anxiogène. C'est une prison à ciel ouvert dont les nombreuses tours sont autant de barreaux, les premières impressions du voyageur Bardamu seront par la suite confirmées: « elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout, raide à faire peur14. ». En outre, par glissement métaphorique, la raideur suggère la dureté et la fixité qui annihile tout mouvement pourtant recherché par Bardamu alors voyageur en fuite perpétuelle. Comme nous le verrons par la suite si l'Afrique est une terre de flux et de jaillissements qui nous incite à l'assimiler à de la poésie, New York, elle, est traduite en prose. C'est la prose de la solitude, la prose de la rue dédaigneuse, de l'organisation étouffante. Ainsi par inversion topographique la ville surplombante se transforme en un gouffre froid dans lequel se perdent les paroles de Bardamu, grand dévoreur de mots, qui ne peut que constater amèrement l'absence de portée de sa voix: « je leur ai crié: Au secours! Au secours! [...] Rien que ça leur faisait15. ». L'idée de gouffre confortée par l'épisode du « caveau fécal » lors de la découverte initiale de la ville par le personnage participe à la mettre à nu en sapant les reflets illusoires de sa superbe.

b) le milieu naturel

Pour cette seconde partie nous distinguerons deux composantes à nos yeux les plus illustratrices de la ferme volonté de l'auteur d' installer des décors hostiles. Tout d'abord il convient de nous pencher plus en avant sur l'évocation de l'Afrique dans le premier roman de Céline en nous concentrant sur le plan horizontal de la topographie composé de références à la végétation, aux bêtes, au bruit ou encore à la nuit. Cet ensemble assure à la description du nouveau continent offerte par Bardamu, nouvellement initié, un certain mystère et une étrangeté qui associe cette terre à de la poésie. Toutefois cette poésie est celle de la cruauté, de la révulsion causée par un monde sauvage et démesuré, ainsi que l'assure Bardamu: « La poésie des Tropiques me dégoûtait16. ». Ce dernier

14 ibid., p.184.

15 ibid., p.209.

16 Ibid., p.171.

point comme nous l'assurent Annie-Claude et Jean-Pierre Damour montre combien ce roman rompt avec une certaine tradition du récit de voyage notamment celle du XIXème siècle au cours duquel la contrée étrangère était vue comme un mythe à l'image de l'Italie pour Stendhal ou l'Orient pour Nerval et Flaubert. L'Afrique se révèle au contraire « effrayante par cette puissance irrationnelle qui, loin d'être pour l'homme un enseignement, l'infériorise, le ravale à sa mortelle condition17[...]. Le rapport à la Nature n'est plus celui des auteurs romantiques, le lieu de nuisance remplace le locus amoenus; l'espace naturel n'est plus celui qui console, apaise mais celui qui accable. La démesure d'une nature insondable engloutit l'homme, ainsi paradoxalement à nouveau l'espace se referme sur le narrateur. Bardamu semble être celui qui théorise une nouvelle sorte d'espace vital non pas fondé sur une conquête de nouveaux territoires mais axé sur l'idée que sa terre natale demeure le refuge et que l'extérieur ou le lointain est facteur de mort, ceci annihile toute légitimité du voyage. Il est malgré tout un moment précis au cours de ces périples où l'espace naturel apparaît comme un lieu de réconfort, celui de Rochester qui offre au jeune Ferdinand prisonnier de la pension Meanwell des moments de quiétude. Cet épisode attire également notre attention sur un second aspect du milieu naturel célinien dont il fit un important usage: le thème de l'eau. Ce thème se décline de l'émerveillement au désastre. En effet à Rochester lors de son séjour linguistique Ferdinand admire les brumes magiques qui accompagnent la présence de la mer donnant à la ville un aspect féerique. Toutefois la mer se transforme vite en danger et les narrateurs rappellent à trois reprises les difficiles, grotesques et vomitives traversées: Angleterre, Amérique, Afrique dans les deux romans. A nouveau l'hostilité de la nature lors de ce moment charnière qu'est le passage vers la contrée étrangère apparaît comme un signe annonciateur de l'horreur à venir. Enfin cette connotation funeste attribuée à la mer trouve son achèvement avec la mort de Nora à Rochester qui se noie dans le port lors d'une scène des plus shakespeariennes qui rappelle la fin d'Ophélie dans Hamlet. Ainsi du sentiment d'étouffer jusqu'au dernier souffle de Nora les lieux céliniens sont ceux de la damnation, de la confiscation de la vie.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery