4. Surmonter les obstacles
Encore aujourd'hui les systèmes mis en place sont loin
d'être durables et il est nécessaire d'envisager les solutions qui
amèneraient à une pérennité de
l'électrification rurale photovoltaïque car « le
déploiement de [l'énergie solaire] n'est pas un problème
d'existence de la ressource mobilisable mais plutôt une question de
"mobilisation" de cette ressource à partir de l'action du marché
et/ou de politiques volontaristes »145. Ces solutions passent
nécessairement par une étude approfondie des zones à
électrifier ainsi que des facilités de paiement pour avoir les
moyens financiers nécessaires. Au contraire de la situation sur le
continent européen où les personnes qui investissent dans la
technologie photovoltaïque sont celles prêtes à prendre des
risques financiers et intéressées par cette technologie, on est
en Afrique face à une population largement rurale et périurbaine
pauvre, incapable de supporter les coûts élevés du
photovoltaïque146. Cependant, le financement n'est pas la seule
faiblesse, la problématique de maintenance, allant de paire avec celle
de l'appropriation, doit être résolue. Les aspects financiers et
ceux autour de la maintenance sont primordiaux mais d'autres paramètres
sont également indispensables pour mener à bien
l'électrification solaire. L'instauration d'un dialogue multisectoriel
et entre les différents acteurs est l'un de ces paramètres. Il
est également intéressant d'envisager la mise à
disposition de systèmes hybrides pour favoriser les activités
économiques ainsi que de posséder des solutions quant à la
gestion des composants usagés. Ces diverses recommandations visent
à promouvoir l'électrification rurale en tant que service
à la portée des différents individus et cela au moyen de
kits photovoltaïques, mais une réflexion doit être
également faîte concernant les autres types
d'électrification solaire pour le développement du service
d'électrification rurale.
4.1. Surmonter l'obstacle financier 4.1.1. Une
étude préalable approfondie
Une erreur serait d'appliquer un modèle standard pour
l'électrification solaire, les kits photovoltaïques standards de
50Wc ne représentant pas toujours la demande moyenne des
145 Dessus et al. 2007, 16
146 Wamukonya op.cit. 6-14
foyers ruraux147, les programmes doivent donc se
bâtir à partir de l'existant148. Une autre serait de ne
pas évaluer correctement la valeur réelle des projets en raison
de leur aspect souvent gratuit149. Les projets émanant
généralement de la coopération internationale sont
donnés et l'indicateur de leur réussite ne relève
que de leur bonne mise en place, les experts ne se préoccupant que de
l'exécution du projet avec pour objectif le résultat final, dans
le court terme et pour le moindre coût. Pourtant la diffusion de la
technologie photovoltaïque dans une optique d'électrification
rurale est complexe étant donné que se combinent des aspects
techniques, économiques, logistiques, sociaux, culturels,
organisationnels et de gestion. Les études à élaborer
doivent donc reposer sur la pluridisciplinarité et sur une équipe
interdisciplinaire150.
Une étude correctement menée permet de ne pas
concevoir de programmes irréalistes à l'image du projet
éclairer le Bénin rural grâce à des
générateurs hybrides éoliens/solaires151,
présenté au concours Lighting Africa 2008 et
sélectionné parmi les cinquante deux propositions
présélectionnées, alors même qu'il est largement
connu que le vent est insuffisant pour faire fonctionner des installations
éoliennes. (Cf. Partie 2.2.3)
Il est donc nécessaire de procéder, avant la
mise en place d'une option décentralisée, à des
études techniques, sociologiques, anthropologiques et économiques
afin d'identifier les conditions de vie, les formes d'organisation, la demande
réelle, les moyens financiers pouvant être déployés
pour payer le service d'électricité, la technologie la plus
adaptée... Par ailleurs, la structure et la dynamique de la vie
quotidienne des ruraux sont complexes et varient d'un pays à l'autre
ainsi qu'au sein d'un même pays152. Il est donc important de
prendre en considération les connaissances des membres de la
communauté afin de pouvoir ajuster la technologie aux standards
culturels locaux.
Les études doivent également envisager
l'évolution de la demande car la diffusion des modes de vie et de
consommation ne se propagent pas uniformément et
l'électrification rurale accélère ce
phénomène. Des enquêtes doivent donc avoir
lieu à la fois auprès des ménages
147 De Gouvello & Maigne op. cit., 60-137
148 Massé 2001, 21-33
149 Wamukonya op. cit., 6-14
150 Serpa & Zilles 2007, 80
151 Projet proposé par Greentecno, une compagnie oeuvrant
dans les secteurs de l'énergie, de l'eau et de l'éducation. Leur
projet n'a pas été sélectionné pour faire partie
des seize gagnants.
152 Barrios 2008, 3-7
ruraux raccordés et auprès de ceux non
raccordés au réseau153. D'autre part, c'est le service
découlant de l'énergie et non l'énergie elle-même
qui intéresse le consommateur, ce n'est donc pas le coût en soit
mais le coût pour un type de service, sa qualité ainsi que se
flexibilité154 qu'il faut prendre en compte pour effectuer
une comparaison de coût entre les différentes possibilités
d'électrification.
Un regard critique doit également prévaloir lors
de toute enquête. Ont-ils réellement envie d'avoir une
installation solaire ou leur réponse affirmative ne
découle-t-elle pas d'une certaine politesse? Qu'est-ce que les individus
peuvent payer et comment peuvent-ils le monnayer? Leur volonté
correspond-elle réellement à leurs possibilités
financières? Il arrive souvent que durant les enquêtes de
marché le consommateur développe une idée fausse sur le
service fourni par les systèmes photovoltaïques et qu'ensuite,
lorsqu'il est conscient des limites de la technologie, préfère ne
pas acquérir le système155. Une attention
particulière doit être portée sur l'évaluation des
capacités financières réelles des ménages tant il
est difficile d'évaluer le marché potentiel. Par exemple, les
dépenses en petits substituables ne feront que diminuer car des torches
et autres objets fonctionnant à piles continueront à être
utilisés, notamment lors des périodes d'arrêts du
système. Dans les zones les plus riches, de nouvelles dépenses
pourront apparaître comme pour l'achat d'un ventilateur. Il est donc
préférable de prendre en considération la capacité
de paiement des ménages, sans omettre que la contrainte monétaire
auquel elle est liée peut avoir un caractère saisonnier.
Il est ainsi préférable d'avoir recours à
des enquêteurs locaux et acceptés par la population, tels que des
membres d'ONG du monde paysan, à la fois pour éviter qu'ils
soient exposés aux revendications des chefs locaux (comme c'est le cas
avec les commanditaires officiels156) mais également car ils
seront plus à même de comprendre les besoins formulés par
la population. En effet, ils connaissent les conditions de vie réelles,
la langue locale, les codes sociaux pouvant influencer les
réponses...
153 De Gouvello & Maigne op. cit., 60-137
154 Wamukonya op. cit., 6-14
155 Ibid.
156 De Gouvello & Maigne op. cit., 60-137
Condition n°1
Effectuer une étude pluridisciplinaire, en prenant en
considération les aspects sociologiques et anthropologiques, afin
d'adapter les installations aux besoins et aux modes de vie de la population,
tout en considérant les possibilités financières
réelles de la population. L'étude de terrain, menée par
des acteurs locaux, permet de choisir la solution d'électrification
décentralisée la plus adaptée.
|
4.1.2. Proposer des facilités de
paiement
Proposer à la population comme il se fait aujourd'hui
un étalement dans le temps du financement, grâce à un
prêt à 0% paraît de prime abord intéressant
étant donné que l'achat d'un kit standard subventionné est
inabordable pour un individu langda. Son coût (660 000 FCFA)
représente plus des deux tiers des dépenses annuelles moyennes
d'un ménage rural (967 829 FCFA pour un ménage de 5,4
personnes157). De plus l'installation ne permettra pas l'apport de
réels revenus additionnels, les avantages tirés étant
plutôt de l'ordre de l'amélioration du bien
être158. Par ailleurs, la durée de vie d'une batterie
étant de quatre ans, le crédit octroyé ne pourra
s'étaler sur plus de quatre années afin d'avoir ensuite des
ressources disponibles pour la changer. Seulement, même dans ce cas, le
ménage doit rembourser 13 542 FCFA par mois, ce qui représente
pour ainsi dire les dépenses moyennes d'un membre du ménage (14
936 FCFA/personne/mois). Or, dans un contexte où la majorité de
la population rurale vit en auto-subsistance, cette amputation dans les
finances familiales est très lourde et représente bien plus que
le budget affecté au poste énergie. Donc seuls les ruraux les
plus aisés pourraient y prétendre.
Il est alors nécessaire de recourir à une autre
option pour le tarif du service. Ce dernier doit couvrir les coûts
d'amortissement des infrastructures, les coûts de maintien de celles-ci,
les frais d'exploitation, la rémunération des opérateurs,
voire le développement des infrastructures159. Avec les
systèmes photovoltaïques individuels, les coûts
d'exploitation ne dépendent pas de l'intensité d'utilisation du
système alors que les coûts du système et de renouvellement
sont conditionnés par la puissance désirée. Une
tarification forfaitaire est donc plus adaptée. Il est ainsi
généralement recommandé de payer des frais de
raccordement
157 Institut National de la Statistique et de l'Analyse
Économique op. cit., 3-14
158 Wamukonya op. cit., 6-14
159 De Gouvello & Maigne op. cit., 139-174
(10% selon René Massé160) puis de
payer un abonnement forfaitaire couvrant le remboursement de l'emprunt
d'investissement, la maintenance des équipements, le renouvellement du
matériel et la marge de l'opérateur. Cependant, les frais de
raccordement initiaux limitent l'accès aux moins favorisés et un
service public juste ne peut être assuré. Or, l'optique
développée par le gouvernement à travers l'ABERME se veut
être celle d'un service public. La question se pose autrement pour les
projets émanant d'actions individuelles privées (telles que les
ONG) car leur objectif n'est pas d'offrir un service public mais de mettre
à la disposition de la population des dispositifs permettant de
répondre à leur besoin d'électricité, même si
seules les couches les plus aisées peuvent y avoir accès. Dans
l'optique d'une généralisation de ce service public,
l'implication de l'État est donc primordiale et son rôle doit
être dominant par rapport à celui du secteur
privé161.
Cependant, l'État béninois,
à l'exemple de la majorité des pays d'Afrique Sub-saharienne, a
des ressources limitées qui proviennent en grande partie de l'aide
extérieure, cette dernière représentant en moyenne 35% du
budget de l'État béninois162. De part ces ressources
limitées et les nombreux besoins émanant des différents
secteurs, l'état est dans l'obligation de faire des arbitrages entre ces
secteurs. Cela rend plus difficile les investissements plus importants dans le
secteur de l'électrification rurale. Les systèmes solaires sont
d'autant plus généralement financés par la
coopération avec l'implication d'entrepreneurs du nord qui influencent
directement les décisions. Cependant, malgré ces
contraintes, la volonté politique est indispensable pour que la
population puisse avoir accès aux systèmes photovoltaïques
et donc que l'implication financière demandée aux
bénéficiaires soit beaucoup moins lourde. Tout d'abord, cela
passe par plusieurs mesures : diminuer le coût du système et
penser à un paiement forfaitaire adapté aux moyens financiers des
populations rurales.
Plusieurs mesures permettent de réduire le coût
d'un système. En premier lieu, les droits de douanes pour les produits
importés doivent être supprimés ou rendus obsolètes.
Cette mesure envisagée dans la politique d'électrification rurale
du Bénin permettrait de baisser le coût des composants
importés, donc d'une grande majorité des composants.
Pour autant il serait nécessaire de favoriser la
production nationale de composants simples et intermédiaires des
systèmes photovoltaïques car ceux-ci sont à la portée
du Bénin au contraire
160 Massé 2001, 28
161 Wamukony et al. op.cit., 43
162 Manga-Akoa 2009, 38
des composants provenant des technologies avancées
(cellule et modules photovoltaïques, onduleurs, ensembles
électroniques spéciaux...). Ces derniers demandent en effet une
grande capacité d'investissement, une main d'oeuvre hautement
qualifiée, de l'énergie électrique en grande
quantité et des produits particuliers163. Il est donc
important de promouvoir et d'intégrer dans les systèmes le
maximum de composants produits sur place : coffrets, câbles,
accumulateurs, régulateurs... Le montage sur place de modules solaires
pour réduire les coûts peut être éventuellement
envisagé, à l'exemple de ce qui est fait au Togo, pays frontalier
avec le Bénin. En effet, l'ONG Solar Zonder Grenzen à partir de
mai 2010 prévoit d'assembler à Kpalime, avec une équipe
locale formée, des cellules solaires fournies par une entreprise belge
afin de proposer des modules à moindre coût. Ce projet de petite
envergure (équipe de trois personnes et production de cinquante
produits), s'il est correctement mené, pourrait permettre d'envisager
dans le futur des solutions de ce type pour réduire le coût des
modules dans la sous-région. La promotion de composants produits
localement, outre les avantages d'éviter le recours aux devises
étrangères et de réduire les coûts à la fois
au moment de leur achat mais également lors d'éventuelles
réparations, permet de consolider le secteur productif béninois
ou, du moins, permet l'émergence de celui-ci (les composants aujourd'hui
créés dans le pays émanant d'initiatives individuelles).
De même cela favorise le développement des programmes
d'énergies renouvelables grâce à la présence
d'individus qualifiés permettant une analyse critique à la fois
dans les zones rurales et dans les zones urbaines. L'intégration de ces
composants demandent une volonté politique forte de la part du
gouvernement pour imposer cette condition aux éventuels bailleurs de
fonds, ainsi qu'une souplesse de la part de ces financeurs et entreprises
partenaires pour les intégrer dans les systèmes promus. Par
ailleurs, ces composants doivent être fiables pour garantir la
durabilité des systèmes dans lesquels ils sont incorporés.
Des normes doivent donc être édictées et respectées
car aujourd'hui elles n'existent pas même si, lors de projets
précédent, l'agence d'électrification rurale
béninoise s'était vue attribuée le rôle de
contrôler les systèmes installés164.
L'État doit donc instaurer des standards en matière
d'équipement ainsi que des procédures de certification afin
d'assurer la qualité des systèmes installés, tout en
restant flexibles pour permettre aux acteurs béninois de progresser dans
ce marché.
163 Benallou & Rodot op. cit., 83
164 Martinot et al. 2001, 39-57
Condition n°2
Le rôle de l'État doit être renforcé
pour assurer un service public juste et de qualité. Il doit
réduire les tarifs douaniers sur les composants devant être
nécessairement importés et promouvoir le développement du
secteur des composants pouvant être produits sur place, notamment en
imposant leur intégration dans les systèmes installés.
Pour assurer la qualité de cette production locale, il doit instaurer
des normes et des procédures de certification souples.
|
La contribution financière de l'individu doit
être la plus faible possible. Les coûts d'investissement doivent
donc être assumés majoritairement par l'État ou les acteurs
de la coopération internationale165. Or, comme il a
été vu précédemment que les ressources sont
limitées, d'autres apports financiers doivent être trouvés.
Le mécanisme de développement propre (MDP) peut être l'un
d'eux car il permet de contribuer à « l'équilibre des
opérations d'ERD [en permettant] aux pays industrialisés et
à leurs entreprises de financer des réductions d'émissions
réalisées dans le cadre de projets spécifiques mis en
oeuvre dans les pays en développement et d'accumuler en retour des
crédits d'émission »166. La technologie
photovoltaïque permet de réduire les émissions de carbone.
Benjamin Dessus estime qu'un module de cinquante watts sur une durée de
vie de vingt-cinq ans en climat ensoleillé, produit autour de 2 000 kWh
d'électricité et évite 0,5 tonnes de
carbone167. Actuellement des projets d'électrification rurale
par le photovoltaïque sont développés grâce au
crédit carbone notamment au Bangladesh168. Pour autant il est
difficile de mobiliser de tels fonds. En premier lieu, les systèmes mis
en place dans les zones rurales ne remplacent que de faibles quantités
de kérosène et de bougies ainsi qu'une utilisation restreinte de
batterie plomb-acide pour la télévision. Le coût de la
réduction de l'émission étant assez élevé,
il est peu attractif pour les investisseurs169. D'autre part, un des
critères demandés par le MDP est la preuve de
l'additionnalité. Le projet doit donc prouver qu'il n'aurait pu
être implanté sans le MDP, or
165 « Les bonnes pratiques qui montrent la voie.
Électrification rurale par énergies renouvelables en Afrique
SubSaharienne », Scarabée N°19-20, novembre 2007,
pp.4-17
166 Bineau 2003, 7-9
167 Dessus op. cit., 27
168 La compagnie Infrastructure Development Company Ltd
(IDCOL) bénéficie du fonds carbone de la Banque Mondiale pour un
projet (2008-2015) d'installation de 226 700 systèmes solaires (30
à 120 watts) car en comparaison avec l'utilisation du
kérosène et du diesel, il permettrait de réduire
l'émission de gaz à effet de serre de 34 854 tonnes de CO2 par
an. Un financement similaire est également attribué à
Grammen Shakti pour son projet d'installation de 1 004 970 systèmes
individuels.
169 Wamukonya op. cit., 6-14
l'intégration de la composante solaire dans la
politique énergétique du Bénin rend difficile la
justification de cette additionnalité170. Ce mécanisme
est donc plus facile à développer pour les projets
indépendants. Mais il faut alors recourir aux procédures
simplifiées pour ces projets et les coûts de transaction qu'il
entraîne doit apparaître dans le descriptif du
projet171. Aujourd'hui peu de pays bénéficient du MDP
car il y a une pénurie de compétences, de capacités
analytiques et institutionnelles face à ce processus complexe et
long172.
Condition n°3
L'État (ou la coopération internationale) doit
assurer en grande partie l'investissement et pour cela doit envisager
éventuellement d'autres sources de financements. Le MDP peut être
l'un d'entre eux, même s'il est difficile à mobiliser lorsque le
projet s'inscrit dans la politique énergétique du gouvernement.
Par contre, le MDP peut-être une source de financements
supplémentaires pour les projets émanant de structures non
étatiques.
|
Cependant, ne pouvant supporter tous les
coûts comme nous l'avons vu précédemment,
et parce qu'il serait injuste que les raccordés au réseau payent
pour leur consommation alors que certains auraient un service similaire
gratuitement, une contribution financière doit être
demandée. Un paiement forfaitaire est plus réaliste que le
financement (même partiel) du système. Il devra être
fixé à la suite d'une étude approfondie (Cf. Condition
n°1) afin d'évaluer combien les individus sont disposés
à payer, sur combien d'années et avec quelle
régularité. La somme prélevée ne doit pour autant
pas être plus élevée qu'une facture de la SBEE dont les
tarifs sont déjà inabordables pour la majorité de la
population (104 FCFA par kWh173).
Les fonds récoltés seront ensuite réunis
dans un fonds communautaire afin de faire face aux divers coûts. Dans ce
sens il est recommandé que le forfait s'étale sur la durée
de vie de l'installation pour pouvoir couvrir les différents coûts
que l'État (ou l'organisme financeur dans le cas d'un projet autonome)
ne peut supporter, mais aussi les frais de remplacement du matériel en
fin de vie, des sommes qui peuvent être importantes mais qu'un
étalement sur une longue période rend abordable. Il est possible
de fixer un paiement forfaitaire pour une durée de dix ans renouvelable
et ainsi les installations ne seront plus abandonnées à la
moindre
170 Ibid.
171 Bineau op.cit.
172 Kerekezi et al., 45
173 Depuis le premier avril 2010, le tarif de la SBEE est
passé à 104 FCFA par kWh et devra augmenter chaque année
de 10 FCFA par kWh.
défaillance, faute de moyens pour les faire
réparer.
Un tel modèle de contribution forfaitaire est
utilisé par l'Association Béninoise pour l'Éveil et le
Développement (ABED) dans son projet pilote d'électrification
rurale par le photovoltaïque dans le village Hon, situé dans le
centre sud du Bénin (entre Allada et Bohicon). Des modules de 40 Wc sont
proposés pour un coût de 1 500 FCFA/mois durant vingt ans. Les
fonds récoltés doivent servir au renouvellement des batteries
(quatre fois sur vingt ans), au paiement du salaire (salaire mensuel
équivalant à la moitié du salaire mensuel minimum) des
deux femmes responsables de la maintenance et de la personne collectant les
fonds et pour les pièces de rechanges, tout en ayant une marge
financière dans l'optique de s'en servir pour doter le village de
nouvelles infrastructures174. L'évaluation des succès
et des difficultés rencontrés par ce projet - aujourd'hui encore
trop récent pour l'évaluer - sera intéressante à
prendre en considération pour la mise en place de systèmes
forfaitaires similaires. D'autres approches similaires ont cours dans d'autres
pays d'Afrique de l'Ouest sans toutefois émaner de projets de grande
envergure ou menés par une structure étatique, à l'exemple
d'une région cotonnière du Mali où un projet
d'électrification solaire175 applique l'approche
free-forservice. Dans cette région avec des ressources
financières et des devises dues à l'exportation de coton, les
individus payent chaque mois pour recevoir le service d'une
société176 de service décentralisée
(SDD) fonctionnant grâce aux sommes versées. Si les sommes dues ne
sont pas versées alors l'installation solaire est retirée.
Par ailleurs, dans un contexte d'irrégularité
des revenus, il serait judicieux de prévoir des paiements toutes les
semaines plutôt qu'un forfait mensuel pour éviter les
défauts de paiement, ainsi qu'une flexibilité dans les montants
demandés en fonction des récoltes agricoles. Par exemple, le
paiement pourrait s'effectuer le jour du marché avec un montant plus
élevé lors de la saison des récoltes, mais encore ici,
seule une étude correctement menée permet d'envisager la
meilleure solution. Les sommes ainsi récoltées seraient ensuite
placées sur un compte communautaire dans une banque locale avec de
préférence de l'expérience dans l'électrification
rurale et des dispositions nécessaires devront être mises en place
pour éviter tout détournement de fonds.
Les fonds permettront donc notamment à couvrir les frais
de remplacement de matériel, il sera
174 Adedjoumon 2009
175 Projet d'électrification rurale solaire recevant les
financements de l'Union Européenne (à travers le programme
facilité énergétique) et en partenariat avec l'entreprise
NUON.
176 L'entreprise a été créée à
l'occasion et est une filiale d'une entreprise déjà
implantée dans le pays.
donc nécessaire de fixer des critères pour le
remplacement. Par exemple, si les batteries, utilisées dans les
conditions climatiques du Bénin, ont une durée de vie de quatre
ans mais, qu'en raison d'une mauvaise utilisation de l'installation, il est
nécessaire de la changer au bout d'une année, alors le
ménage devra couvrir avec ses propres moyens le rachat de la batterie.
En fixant ainsi des règles simples et clairement expliquées, les
utilisateurs seront incités à utiliser de façon optimale
la système et éviteront tout détournement. Ces
règles doivent tout de même être souples et ne peuvent
être mises en place que si parallèlement des normes de
qualité existent pour le matériel utilisé (condition
n°2). Un contrat clair devra être signé par toutes les
parties impliquées afin que les différentes règles et
devoirs de chacun ainsi que le montant des contributions, soient fixés
pour éviter tout malentendu. Ce contrat permettra également de
stipuler les différentes conditions quant à la
propriété des systèmes. L'optique de pouvoir devenir
propriétaire du système permet également d'éviter
tout détournement des composants. Idéalement l'utilisateur
deviendrait propriétaire du système au bout de quelques
années s'il paye régulièrement son forfait, tout en
pérennisant le payement pour couvrir les frais de maintenance. De la
même façon, bien que les conditions maximales devront être
mises en place pour prémunir contre le vol, le contrat devra mentionner
les conditions d'aide en cas de vol de matériel étant
donné que les composants disparus sont rarement remplacés, ce qui
fait péricliter les installations.
Condition n°4
Une somme forfaitaire, fixée suite aux études
préalables approfondies, sera demandée à chaque
utilisateur à intervalle régulier et sera versée sur un
fonds communautaire auprès d'une banque locale afin de couvrir les
coûts non pris en charge par l'organisme financeur, ainsi que les divers
frais de maintenance et de remplacement des composants, durant toute la
durée du système. Un contrat clairement défini devra
stipuler les différentes conditions de paiement, les
responsabilités des différents intervenants et les conditions
d'intervention de ce fonds communautaire.
|
Le critère financement est primordial pour la
pérennité mais surtout pour la mise en place des installations.
La demande dépend du contexte mais également de l'offre donc sans
un système de financement adéquat il est impossible
d'électrifier les habitations et on se retrouve comme dans le village de
Tori-Cada où une seule personne a pu acquérir le système.
Les villageois avec un peu plus de ressources financières
possèdent déjà des groupes électrogènes, ils
n'ont
donc aucune nécessité réelle
d'acquérir un module et les autres villageois, faute de ressources
financières suffisantes, ne pourront donc ni posséder de groupes
électrogènes ni de kits photovoltaïques.
N'électrifier alors que les installations communautaires est un
non-sens. En effet, soit le village sera considéré comme
électrifié et alors il n'y aura plus la possibilité
d'être raccordé au réseau conventionnel et les villageois,
sans possibilité d'investir, ne pourront avoir accès à
l'électricité, soit on reconnaîtra le caractère
imparfait de l'électrification et on envisagera une autre forme
d'électrification et en particulier le raccordement au réseau de
la SBEE. Les installations pour les centres communautaires deviendraient alors
obsolètes ou du moins perdraient de leur intérêt,
même s'il y aurait quelques avantages. En effet, avec une gestion de la
situation bien menée il pourrait y avoir une continuité de la
fourniture d'électricité même en période de
délestage et une réduction des factures de la SBEE.
Dans une optique de service publique, il apparaît donc
nécessaire de ne procéder à l'électrification
photovoltaïque pour les centres communautaires que lorsque la
majorité de la population alentour a les moyens et les
possibilités d'avoir accès simultanément à
l'électrification rurale décentralisée, idéalement
par la même source d'énergie (la généralisation du
photovoltaïque à l'ensemble de la localité facilitant la
maintenance des installations), voire par groupes
électrogènes.
Condition n°5
L'électrification des centres communautaire par des
systèmes photovoltaïques doit être conditionnée par
les possibilités réelles des populations alentours d'avoir
accès à l'électrification décentralisée et
idéalement aux systèmes photovoltaïques individuels.
|
4.2. Assurer une maintenance
adéquate
Quand on parle de maintenance, on envisage deux niveaux
complémentaires l'un à l'autre et indispensables pour la
fiabilité et la continuité du service
d'électricité. Le premier est le petit entretien qui
doit être régulièrement effectué par l'utilisateur :
nettoyage des modules, vérification de l'absence d'ombre sur les
modules, vérification du niveau d'électrolyte et ajout si
nécessaire d'eau distillée, remplacement des tubes fluorescents.
Le deuxième niveau est celui de la maintenance plus
poussée qui doit être effectuée par un technicien
qualifié tous les six mois177. Une maintenance
adéquate ne peut avoir lieu qu'avec la mise en place d'un relais
177 Louineau 2001, 20
local pour la coordonner et donc avec une concentration
géographique des installations, ainsi qu'avec une formation
adaptée des différents acteurs pour assurer les différents
niveaux de maintenance.
4.2.1. Concentration des installations et mise en
place d'un relais local
Grâce aux études préliminaires à
toute installation (condition n°1), des zones géographiques
favorables peuvent être sélectionnées, c'est-à-dire
les zones regroupant les plus grandes chances de voir l'électrification
solaire menée à bien. Une des raisons de l'échec du
solaire mené par l'ABERME réside dans ce non regroupement des
installations, étant donné que la politique
d'électrification rurale du Bénin n'envisage pas de focaliser les
différents types d'énergies rurales décentralisées
par zone mais en fonction principalement de considérations
économiques. (Cf. Partie 2.2.1) Il y a actuellement une prise de
conscience par l'agence d'électrification rurale de ce problème
car, que ce soit au Bénin ou dans un autre pays africain, la dispersion
des installations rend très difficile la mise en place d'une maintenance
adéquate. Par exemple cette difficulté se retrouve dans le
Programme pilote d'électrification rurale décentralisée au
Maroc où les relais locaux n'ont pu être opérationnels en
raison d'une dispersion des installations178.
Condition n°6
Les installations solaires doivent être
regroupées dans une zone géographique et non
éparpillées par petit nombre sur l'ensemble du territoire pour
pouvoir assurer une gestion adéquate.
|
Par ailleurs, la mise en place de relais locaux est
primordiale à la fois au niveau villageois et au niveau de la zone
électrifiée (donc de l'ensemble des villages) afin de faciliter
les installations, la récolte de l'argent et la maintenance étant
donné que les villages peuvent être à la fois
éloignés les uns des autres et de la capitale. Ces relais doivent
être choisis de façon à assurer leur acceptation par la
population, par les chefs locaux et par les responsables de
l'électrification.
Pour répondre à ce rôle d'interface au
niveau villageois des membres d'associations locales déjà
implantées et acceptées sont les plus adaptés. Ils peuvent
ainsi former un comité villageois, auquel adhère l'ensemble
des utilisateurs afin de s'assurer une implication de la
178 Barrakad 2001, 11
population. Actuellement, même si dans la politique
d'électrification rurale figure l'exigence d'une «
responsabilisation des populations dès le départ [comme] gage de
succès »179, aucune disposition n'est mise en place dans
ce sens, bien que la littérature sur le sujet en stipule la
nécessité depuis longtemps.
En matière de gestion du comité il est
nécessaire que deux membres soient nommés de façon
permanente pour assurer sa continuité, car alors même en l'absence
de l'un d'eux180, le comité continue à avoir un
représentant. Le choix de ces responsables est pour autant difficile car
comme il a été vu précédemment ils doivent
être acceptés par l'ensemble du village et notamment par les
leaders locaux, il peut donc y avoir des conflits d'intérêts.
D'autre part ils feront partie vraisemblablement des quelques lettrés et
donc des personnes importantes dans le village. Il y a donc ainsi un risque
d'impunité par exemple s'ils opèrent des détournement de
fonds car les villageois sont généralement liés plus ou
moins étroitement aux uns et aux autres par des liens de parenté,
il est alors très difficile de dénoncer ou de sanctionner les
irrégularités181.
Par ailleurs, un règlement intérieur devra
stipuler les règles, obligations et droits de chacun. On y retrouvera le
fonctionnement et le rôle du comité, l'approbation du contrat, le
montant des redevances à payer et l'obligation de les régler, les
sanctions en cas d'impayés, les règles quant à l'entretien
des installations, de la maintenance et du changement des composants. Chaque
utilisateur devra approuver ce règlement et s'engager à le
respecter. Ainsi, avec un comité villageois il y aura un interlocuteur
unique et influent, jouant un rôle de médiateur, ce qui permettra
entre autre un meilleur règlement des litiges182.
Par ailleurs, le comité peut rendre plus efficace
l'appui technique en identifiant et en réglant les problèmes
simples et, pour ceux plus complexes, permettre une communication entre
l'usager et le relais de la zone183. Cet autre relais, que l'on
pourrait dénommer maison du solaire, se veut la
référence pour l'ensemble des comités villageois de la
zone. Deux personnes doivent avoir à charge cette maison du solaire,
pour les mêmes raisons que pour les comités villageois et
avec les mêmes risques et limites quant au risque d'impunité.
Elles seront de préférence sélectionnées parmi les
techniciens et électriciens locaux exerçant dans le
179 Ministère des Mines, de l'Énergie et de
l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie s.d.b.,
36-37
180 Par exemple, il est fréquent de devoir se rendre
à l'enterrement d'un proche et dans le cas où les obsèques
ont lieu dans une autre partie du pays, de devoir s'absenter durant plusieurs
jours voire plusieurs semaines.
181 Blundo & De Sardan 2001, 8-37
182 Massé René MASSE 2001, 21-33
183 De Gouvello & Maigne op. cit., 249-261
secteur formel ou informel.
Leur rôle principal consiste à assurer la
maintenance poussée des systèmes. Ils doivent donc se rendre tous
les six mois dans chaque habitation pour contrôler les installations et
effectuer la maintenance nécessaire, ainsi que se déplacer
à la demande des usagers (à travers les comités villageois
qui peuvent évaluer le problème) en cas de panne. Un contrat de
maintenance devra être passé avec les usagers et avec les
comités villageois afin de clarifier la nature et la fréquence
des opérations. Un système de rémunération doit
être également mis en place pour éviter que les techniciens
formés ne partent faire valoir leurs compétences ailleurs. Leur
rémunération devra donc être comprise dans le forfait
payé par les individus. De façon générale, il est
préférable d'éviter la rotation des personnes
impliquées (dans les maisons solaires comme dans les
comités villageois). Par ailleurs, une maison du solaire doit
posséder différentes pièces de rechange nécessaires
pour pouvoir assurer rapidement des réparations. Une maison du
solaire aura ainsi les moyens et le matériel requis pour assurer un
service après-vente et par là la pérennité des
installations.
Ces recommandations de différenciation du relais local
prévalent dans le contexte où le développement du
photovoltaïque est de grande envergure, comme dans le cas de
l'électrification par l'agence d'électrification rurale. Si
à contrario on est face à un projet plus limité
géographiquement, à l'instar des projets d'ONG, le comité
villageois et la maison du solaire se confondent en un comité
villageois avec les mêmes missions que précédemment mais
auxquelles on ajoute celles de la maison du solaire. Pour cela les
deux membres du comité seront des techniciens/électriciens
acceptés par l'ensemble de la communauté afin de pouvoir
effectuer la maintenance et les réparations nécessaires. De la
même façon, un contrat liera les usagers à ce comité
et le travail des techniciens sera rémunéré.
Condition n°7
Au niveau des villages électrifiés, un
comité villageois, constitué de deux membres acceptés par
l'ensemble des acteurs, doit être mis en place afin de renforcer
l'implication des usagers, s'assurer leur adhésion pour qu'ils
effectuent la petite maintenance et le paiement des redevances, grâce
à l'autorité qu'ils ont dans le village ainsi que par le contrat
qui les lie aux usagers. Il sera l'interface entre les usagers et la maison
du solaire.
La maison du solaire est l'idée d'un relais
local à un niveau supérieur c'est-à-dire pour la zone
électrifiée entière. Constituée de deux
techniciens/électriciens locaux rémunérés
grâce au forfait payé par les utilisateurs, elle assure la
maintenance poussée de toutes les installations tous les six mois ainsi
que les réparations impromptues à la demande de l'utilisateur,
via le comité villageois (la maison possédant un stock de
différents composants).
Dans le cas d'installations mises en place dans une zone
géographique très restreinte, comme lors de projets d'ONG ne
visant l'électrification que d'un ou deux villages, le comité
villageois doit combiner les divers rôles et missions mentionnés
ci-dessus du comité villageois et de la maison du solaire.
|
4.2.2. Une formation réelle et
adaptée
Une maintenance correcte ne peut se faire sans formation
préalable des différents acteurs. La première étape
dans le processus de formation est d'informer objectivement les usagers
potentiels des avantages et des limites des systèmes solaires
individuels pour éviter toute déception et mauvais usages
futurs184. A la suite de ces sensibilisations, une formation
complète doit avoir lieu pour les futurs usagers étant
donné que l'électrification photovoltaïque est complexe. La
petite maintenance ne pourra être effectuée correctement que si
l'usager a une compréhension totale de son importance. Donc que ce soit
la formation ou la sensibilisation, elles doivent être complètes,
objectives et adaptées au public ciblé. Une attention
particulière devra être portée sur le niveau
d'éducation du public, le contenu ne pouvant être
présenté de la même façon à des personnes
analphabètes qu'à des individus alphabétisés qui
pourraient se référer à des écrits lors
d'éventuels doutes. Il est également primordial que la formation
se fasse dans une langue comprise et parlée par tout le public
184 Louineau op. cit.
(généralement le dialecte local). D'autre part,
les différents membres de la famille doivent pouvoir suivre une
formation similaire afin que chacun puisse être capable de l'entretenir.
Des séances doivent donc être aménagées à
différents horaires pour que chacun ait la possibilité d'y
participer, en prenant en considération les heures de travail au champ,
les horaires de l'école, les jours de marché...
Pour pouvoir combiner ces différentes exigences et pour
assurer une formation de qualité, les formateurs doivent à la
fois être des professionnels du solaire et de bons formateurs comprenant
les réalités de la population en face d'eux. L'idéal est
donc qu'ils viennent de la région ou du pays, ce qui représente
l'avantage supplémentaire d'accroître l'acceptabilité de la
technologie en évitant que le solaire soit considéré comme
la « technologie du blanc ». Les formateurs seront donc des locaux
exerçant dans le domaine de l'énergie solaire ou des
professionnels de l'électricité ayant suivi une formation
spécifique sur l'énergie solaire. L'adéquation
étant que ces formateurs soient les techniciens de la maison
solaire ayant suivi une formation poussée quant à la
maintenance et les réparations à effectuer avec des installations
solaires. Leur formation doit être donnée par des personnes
compétentes en matière d'électrification solaire
décentralisée.
Grâce à la formation adéquate, les usagers
comprennent la nécessité d'utiliser de façon optimale les
systèmes, assimilent la nécessité de la maintenance et
sont capables d'effectuer la petite maintenance, ce qui garantit en partie la
pérennité du système. Les membres des comités
locaux doivent également être correctement formés pour
s'assurer le soutien des usagers et pour qu'ils aient les capacités
d'assumer leurs responsabilités. Une attention particulière devra
être portée sur celle des techniciens de la maison du
solaire pour qu'ils puissent réellement entretenir les
systèmes avec d'éventuelles formations complémentaires
selon les évolutions et les besoins. D'autre part, leur formation - si
elle est envisagée sous l'angle d'un transfert de connaissances
techniques - comporte un avantage plus large : celui de rompre une relation de
pouvoir et de domination de l'extérieur qui maîtrise la
technologie et ainsi entrevoir une possible autonomie et durabilité dans
les programmes185. Jusqu'à présent, la technologie est
principalement maîtrisée par les acteurs étrangers et ce
n'est que timidement qu'émergent des acteurs locaux
spécialisés dans le domaine. Pour autant, ces acteurs existent et
mettre à contribution leur savoir en les faisant participer aux
formations permet d'augmenter leur crédibilité mais
également de contribuer à l'appropriation de la technologie.
185 Serpa & Zilles op.cit., 78-87
Condition n°8
Les (futurs) utilisateurs doivent avoir une sensibilisation et
une formation adaptées et de qualité afin qu'ils assimilent les
possibilités et les limites des systèmes, qu'ils s'approprient la
technologie et acquièrent les connaissances suffisantes quant à
la petite maintenance qu'ils doivent effectuer.
La formation est également indispensable pour les
membres des comités et en particulier pour ceux ayant à charge la
maintenance des installations et pouvant être chargés de la
formation des utilisateurs. Cette dernière devra être
effectuée par un acteur local afin d'être au mieux adaptée
aux besoins de la population.
|
4.3. L'installation par une structure avec de
l'expérience
Par ailleurs, l'installation des kits solaires doit être
effectuée ou coordonnée par une structure solide ayant de
l'expérience dans le domaine de l'électrification rurale,
à l'instar de l'agence d'électrification rurale ou d'une
entreprise opérant dans ce secteur. Les projets ponctuels de petites
structures opérant pour la première fois dans le domaine ont
moins de chance d'être correctement menés étant
donné qu'elles sont novices dans ce secteur et qu'elles n'ont pu tirer
des leçons des installations antérieures, or
l'électrification rurale décentralisée est un secteur avec
des exigences particulières inhérentes aux différents
contextes où elle est implantée. Il est également
préférable de privilégier les structures locales pour les
installations, à la fois pour promouvoir le secteur, développer
des emplois locaux (et ainsi dépasser en partie le problème du
manque de support technique, Cf. Partie 3.3.1) mais aussi pour faciliter le
recours à cette structure en cas de problème technique ne pouvant
être résolu par la maison du solaire.
Condition n°9
Les installations doivent être effectuées et/ou
coordonnées par une structure avec de l'expérience dans le
domaine de l'électrification rurale décentralisée et de
préférence locale, dans le but de favoriser le secteur
béninois, de s'assurer une installation correcte et un possible recours
technique dans le cas de défaillance des installations.
4.4. Un dialogue multisectoriel et l'implication de
tous les acteurs
Même si une politique existe déjà en
matière d'électrification rurale, il reste nécessaire de
garder une analyse critique sur les options développées pour
prendre des décisions en conséquence de cause. L'instauration
d'un dialogue est donc nécessaire à tous les niveaux et plus
particulièrement au niveau national et local pour coordonner les
actions. Ce dialogue doit s'instaurer entre les différents secteurs,
c'est-à-dire avec les secteurs de la santé, des communications,
de l'éducation...
Au niveau supranational, le Club des agences et structures
nationales en charge de l'électrification rurale, donc l'ABERME est
membre186, permet d'instaurer un dialogue entre les
différentes structures d'électrification rurale. Pour autant, les
décisions ne devront être prises qu'au niveau national et ce club
ne devrait servir qu'à élargir ses connaissances quant aux
possibilités d'électrification, afin de garder un pouvoir
décisionnel.
Au sein du Bénin se met en place un comité
multisectoriel de mise en synergie entre le secteur de l'énergie et les
autres secteurs de développement (santé, éducation,
transformation agroalimentaire...). (Cf. Partie 2.2.3) Il est donc primordial
de n'entreprendre un projet d'électrification solaire qu'avec une
concertation préalable de ce comité pour que les efforts soient
uniformisés. Même dans le cas d'un don, des études
et une évaluation critique doivent se faire avant toute acceptation en
consultation avec des experts locaux, le caractère gratuit ne devant pas
occulter les difficultés pour permettre la pérennité des
installations. En effet, même alors, les différentes conditions
décrites ci-dessus restent valables et indispensables pour mettre en
place une électrification durable. Le pays doit pouvoir prendre ses
propres décisions et, en raison de la proportion importante de
pauvreté, il ne peut se permettre de coûteux échecs. C'est
pourquoi une évaluation critique de tous les investissements est
nécessaire.
Par ailleurs, pour tout projet monté par une structure
indépendante (principalement les ONG) un dialogue doit s'instaurer avec
l'ABERME afin de connaître les plans d'électrification rurale pour
la zone visée et d'éviter tout projet redondant mais
également pour éventuellement profiter d'avantages financiers
(comme obtenir des kits subventionnés). L'agence
d'électrification rurale doit donc ainsi être le lieu de rencontre
et de coordination des acteurs
186 Les pays membres sont le Bénin, le Burkina Faso, le
Cameroun, le Canada, le Congo, le Congo RDC, la Côte d'Ivoire, la France,
le Gabon, le Ghana, la Guinée, Madagascar, le Mali, le Maroc, la
Mauritanie, le Niger, la République Centre Afrique, le
Sénégal, le Tchad et le Togo.
dans le domaine187.
L'instauration d'un dialogue ainsi que d'une coordination
entre les différents acteurs du développement, et pas seulement
ceux du secteur électrique, sont indispensables pour prendre des
décisions rationnelles. De même, la planification à court
terme et l'approche projet doivent être dépassées pour
mettre en place une planification à long terme188 afin que la
planification de l'électrification rurale solaire soit réellement
adaptée et pérenne.
Condition n°10
Le dialogue entre les différents secteurs
(énergie, santé, éducation, communication...) à
travers le comité multisectoriel doit être effectif et est
indispensable à toute installation d'électrification rurale y
compris pour les installations offertes. Une analyse critique doit avoir lieu
et l'approche d'électrification doit s'inscrire dans une vision de
stratégies multisectorielles de long terme. Si toutefois une approche
projet émane indépendamment de toute structure étatique,
celle-ci doit se faire en coordination avec l'agence d'électrification
rurale pour éviter toute redondance d'action et profiter
éventuellement d'avantages financiers.
|
4.5. Permettre l'apport de ressources
financières supplémentaires par le développement des
activités professionnelles
L'installation de kits photovoltaïques en raison de
puissances trop faibles, n'est pas adaptée pour le développement
d'activités professionnelles. Pourtant un apport supplémentaire
de ressources économiques ne pourrait que faciliter l'exigence de
durabilité des installations en atténuant la contrainte
financière. Permettre le développement d'une activité
économique - existante ou nouvelle - est envisageable avec la mise en
place d'un système hybride combinant technologie photovoltaïque et
groupe électrogène. Cette solution est intéressante car un
tel système est particulièrement adapté pour la
transformation des produits agricoles et que les activités principales
des zones rurales découlent de l'agriculture au sens large (Cf. Partie
1.2.1).
L'ajout d'un groupe électrogène est
préférable aux autres sources d'énergies
renouvelables étant donné que le vent est insuffisant pour
produire de l'électricité à partir de l'éolienne,
que
187 Bineau op. cit.
188 Wamukonya op. cit., 6-14
l'hydraulique est encore peu étendue et ne peut se
développer que sous des conditions particulières. De même
en milieu rural, l'utilisation de l'eau pour l'agriculture est prioritaire sur
celle de la production d'électricité, alors que dans l'ensemble
du pays il est possible de se fournir en pétrole, même si celui-ci
est importé et peut-être coûteux.
Cette solution n'est à développer pour les
personnes intéressées que si la contrainte coût le permet.
En effet, ajouter un groupe électrogène alourdi d'autant plus le
prix de l'installation car, au coût de l'achat de matériel,
s'ajoute celui de la consommation d'essence. Dans le cas de l'installation d'un
système hybride, de nouvelles conditions de financement devraient donc
être trouvées pour permettre son acquisition.
Condition n°11
Les systèmes proposés doivent être
flexibles et, si les ressources financières le permettent, proposer des
systèmes hybrides individuels alliant groupe électrogène
et photovoltaïque. Et ce en particulier pour les individus exerçant
(ou souhaitant développer) une activité professionnelle afin
d'apporter des revenus supplémentaires et ainsi favoriser la
pérennité des installations.
|
4.6. Penser à l'après-vie des
composants
Des solutions quant à l'après-vie des composants
doivent être envisagées avant même leur installation pour
éviter tout effet néfaste sur l'environnement. La maison du
solaire devrait assumer la collecte des composants usagés
étant donné qu'elle a à charge la maintenance et donc le
remplacement de ces derniers. Idéalement une solution de recyclage
devrait être trouvée mais actuellement celle-ci n'est pas faisable
au Bénin, où aucune structure de traitement des déchets
n'existe (les composants devraient être exportés si l'on souhaite
les recycler). Des dispositions financières et institutionnelles doivent
donc être mises en place pour faciliter le traitement. Pour autant, on ne
sait pas aujourd'hui recycler totalement tous les composants. Par exemple,
seuls 20% des modules peuvent être recyclés189
étant donné qu'il est difficile de séparer les divers
matériaux (silicium, verre, aluminium) et qu'aucune filière de
recyclage des modules photovoltaïques n'existe à ce
jour190.
189 Boulanger op. cit., 5
190 Solarworld met actuellement au point une usine pilote de
traitement des modules photovoltaïques.
Condition n°12
Dès la mise en place de programmes solaires, des
solutions doivent être envisagées pour la gestion des composants
usagés, à la fois en terme de collecte (idéalement par la
maison du solaire) que pour leur stockage et leur traitement. Des
dispositifs doivent donc être mis en place notamment pour faciliter leur
exportation lors d' un éventuel recyclage.
|
4.7. Réflexion sur les autres types
d'électrification solaire
Jusqu'à aujourd'hui l'électrification solaire
par des kits photovoltaïques a connu de nombreux ratés pour les
raisons vues précédemment (Cf. Partie 3). En effet, il suffit
qu'un maillon de la chaîne soit défaillant pour que
l'électrification périclite. Il est donc nécessaire de
suivre les conditions développées ci-dessus pour éviter
une telle situation. Mais que faire si l'on souhaite promouvoir
l'énergie solaire et qu'il est impossible de rassembler les
différentes conditions, donc si l'électrification solaire
individuelle n'est pas tenable?
Certains auteurs, comme Benjamin Dessus191, croient
au photovoltaïque sur réseau, notamment pour des raisons
économiques avec l'argument que seuls les coûts des modules
devraient chuter dans le futur. Pourtant la solution photovoltaïque par
mini-réseau semble dérisoire car elle demande également
des investissements très importants. Or, si les investissements sont
généralement insuffisants pour l'électrification
individuelle, ils le seront d'autant plus pour un mini-réseau qui
demande à la fois un nombre conséquent de modules pour constituer
un champ photovoltaïque ainsi que le raccordement au mini-réseau.
Par ailleurs, la deuxième contrainte se rencontre avec le
dimensionnement correcte des installations ainsi qu'avec le partage
équitable entre les utilisateurs de l'électricité produite
en quantités limitées (Cf. Partie 3.3.1). Il n'est donc pas
conseiller de s'engager dans la voie du mini-réseau
photovoltaïque.
Comme pour les mini-réseaux photovoltaïques, si
les moyens financiers constituent une barrière difficilement surmontable
pour les kits individuels, ils le seront tout autant pour les centrales
solaires de recharge de batterie qui par ailleurs procurent notamment un
confort et une qualité moindres que les kits individuels. Leur mise en
place est donc à proscrire dans le cadre d'un objectif de service
public.
Une dernière solution employant l'énergie est
envisageable et possible si les financements
191 Dessus op. cit., 26-27
sont limités. Celle-ci est à l'image d'un
micro-centre commercial mis en place dans les zones rurales d'Afrique du
Sud192. Ce centre est une sorte de maison communautaire
électrifiée par le photovoltaïque193 et permet de
rendre divers services nécessitant l'accès à
l'électricité. Ainsi en Afrique du Sud, elle abrite une
téléboutique pour téléphoner, envoyer des fax ou
recharger les portables, ainsi que des petites échoppes - comme une
échoppe pour réparer les radios - et une cyber-échoppe
pour permettre l'accès à internet. Cette solution est soit
envisageable si dans le moyen et long terme aucune possibilité
d'électrification rurale n'est envisagée pour la localité
ou soit dans le cas où une électrification rurale par solaire est
mise en place pour répondre aux besoins des populations des plus pauvres
de la localité ne pouvant se permettre d'installer chez eux
l'électricité. Des commerçants pourraient louer des locaux
pour exercer une activité ne demandant pas de grandes quantités
d'énergie, un point de recharge de téléphone portable
pourrait être installé ainsi que si possible une salle
informatique. Idéalement une salle d'étude ventilée et
éclairée quelques heures par soir pourrait être mise
à disposition des écoliers ou autres. La mise en place d'une
telle infrastructure demande au préalable une étude approfondie
pour connaître les besoins de la localité et ses
potentialités réelles. Cette étude devra donner lieu
à des concertations avec les différents leaders locaux, la
population, les associations et les éventuels (futurs)
commerçants.
Par ailleurs, il ne faut pas omettre toutes les
possibilités de mini-électrification. Si les conditions ne sont
pas réunies pour envisager l'électrification des habitations par
le photovoltaïque et qu'aucune autre solution d'électrification
rurale ne peut être dans l'immédiat mise en place, il reste la
possibilité de promouvoir de petites technologies solaires pour
répondre aux besoins immédiats de la population, à
l'exemple de ce que fait l'ONG Nature Tropicale. Les mini-kits solaires pour
les radios et ceux pour recharger les téléphones portables
offrent des solutions ponctuelles répondant aux besoins de la
population. Cependant, des facilités de paiement avec
la possibilité de payer en plusieurs fois doivent être
proposées à la population, ainsi qu'une formation sur leur
utilisation (pour optimiser leur durée de vie) et sur leur réelle
capacité, notamment pour les chargeurs de téléphones
portables qui contiennent une batterie. De même, une
solution pour leur traitement en fin de vie et leur réparation
éventuelle doit être proposée à la population.
192 Piro 2003, 14-16
193 Les modules fournissent 1500Wh/jour.
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