Conclusion
Face à la faible électrification des zones
rurales, l'énergie solaire apparaît comme une solution attrayante.
Mais représente-t-elle, ainsi mise en place, une solution durable pour
l'électrification des villages au Bénin?
Répondre à cette interrogation sous-entend
considérer que les populations rurales ont besoin et souhaitent avoir
accès à l'électricité (hypothèse 1) et que
pour répondre à ce désir l'énergie solaire est
à moyen terme une bonne opportunité pour les populations rurales
non raccordées au réseau de la SBEE (hypothèse 2). Mais
également que des leçons ont été tirées des
limites et des difficultés rencontrées dans les projets des
années 1990, pour que les installations solaires actuellement mises en
place soient pérennes (hypothèse 3).
Traiter un tel sujet exige la combinaison d'un travail de
terrain et d'un travail scientifique car chaque pays est différent, il
n'existe donc pas de solution universelle mais bien des solutions
appropriées aux particularités de chaque pays. C'est pourquoi la
réflexion doit être adaptée au contexte et ne pas
être une réflexion générale. La première
partie du travail est ainsi basée sur les constats faits dans deux
localités ayant reçu des installations solaires. Cette
réalité de terrain a ensuite été appuyée par
une analyse de la situation actuelle de l'électrification au
Bénin et de ce qui est développé par la récente
politique d'électrification rurale. Pour comprendre les
difficultés constatées dans les villages visités, il a
été ensuite nécessaire d'aborder la technologie solaire
avec une analyse comparative de ses avantages et de ses inconvénients,
afin de pouvoir dans une dernière partie faire évoluer la
réflexion vers des recommandations à suivre pour la
pérennité des installations dans les zones rurales du
Bénin.
Cette étude est nécessaire car dans le cas du
Bénin, les installations solaires actuellement mises en place sont loin
d'apporter une électrification réelle. Pour la localité
recevant les installations de l'agence d'électrification rurale, seul ce
qui est considéré comme besoin minimum, c'est-à-dire l'eau
et la santé, bénéficie du photovoltaïque alors que
les particuliers n'ont pas accès à l'énergie solaire pour
répondre aux usages spécifiques de l'électricité
(éclairage et communication) et aux usages mécaniques (mouture et
autres). L'arrivée du photovoltaïque n'a donc que très peu
modifié la situation de la localité d'autant plus qu'auparavant
la population avait déjà accès à l'eau. De
même, le projet émanant de l'ONG ne
permet pas une réelle électrification et la
population ne peut se permettre d'acquérir que de petites alternatives
électriques pour répondre aux besoins en
électricité. Dans les deux cas, seules les installations
communautaires bénéficient du solaire car elles en sont
équipées gratuitement alors que les individus avec des revenus
monétaires insuffisants ne peuvent acquérir les kits
photovoltaïques. Par ailleurs, le système de maintenance fait
défaut dans les localités bénéficiant
d'installations photovoltaïques.
On est donc loin d'électrifier ces localités.
Pourtant une nouvelle volonté politique est apparue depuis les
années 2000 avec la mise en place d'une politique, d'une agence et d'un
fonds d'électrification rurale. Une place importante est accordée
aux différentes possibilités d'électrification rurale
décentralisée et notamment au solaire dont découlent
divers avantages. A ce titre on peut citer en particulier son autonomie
énergétique, sa modularité, sa production
d'électrification sur le lieu même de consommation, la
durée de vie des modules élevée... Seulement de nombreux
inconvénients et difficultés viennent contrebalancer ces
avantages. Notamment au niveau du financement et de la maintenance, deux
aspects nécessaires pour une appropriation adéquate. Par
ailleurs, le service rendu n'est pas comparable à celui du réseau
conventionnel, en particulier car la puissance fournie est limitée et
parce qu'une installation standard (un ou deux modules) ne permet d'avoir de
l'électricité que quelques heures par jour (pour
l'éclairage et éventuellement pour l'audiovisuel). Selon le type
d'électrification solaire (par mini-réseau, borne de recharge,
kits, etc.) les avantages et inconvénients diffèrent mais
l'attention a été ici portée plus particulièrement
sur les kits solaires parce que c'est la solution la plus communément
promue et celle utilisée dans les deux cas étudiés.
Finalement même si les projets mis en oeuvre dans les
années 1990 connurent des écueils semblables, les
problèmes de maintenance et de financement continuent aujourd'hui
malgré les recommandations de la littérature concernant
l'importance de ces deux composantes. L'hypothèse 3 est donc
invalidée et dans de telles conditions l'hypothèse 2 l'est
également. Cependant la première hypothèse reste valable.
L'électrification solaire telle qu'elle est mise en place actuellement
doit ainsi répondre à l'exigence de durabilité.
Il a donc été intéressant de se pencher
sur les conditions nécessaires pour la pérennité
de l'électrification rurale par le solaire au Bénin. La
première d'entre elles est la mise en place d'une étude de
terrain pluridisciplinaire afin de fonder correctement tout projet
d'électrification. Cette condition bien qu'elle soit
sine qua non à la pérennité de l'installation, n'est
aujourd'hui pas pour autant concrétisée. Les solutions
proposées peuvent donc ne pas être adaptées à la
réalité et aux besoins des localités. D'autres conditions
visent à garantir des facilités de financement avec diverses
mesures pour réduire la charge financière qui pèse sur les
ménages. Parmi elles se trouvent la formule de paiement au forfait sur
la durée de vie de l'installation et couvrant les frais de maintenance
ainsi que la réduction du coût du système avec
l'incorporation de composants produits au Bénin et d'une
réduction des droits de douanes sur les composants devant être
nécessairement importés. Il est important que les coûts
supportés par les ménages soient les plus faibles possibles si
l'on souhaite que la population puisse bénéficier de
l'électricité photovoltaïque et pour cela l'implication de
l'État est primordiale. Celle-ci demande des ressources
supplémentaires, des arbitrages et une coordination multisectorielle.
Parallèlement, d'autres conditions doivent être combinées
pour assurer une maintenance de qualité et adéquate avec
notamment une concentration géographique des localités
électrifiées par le solaire, une implication et formation
effectives des acteurs locaux afin d'avoir sur place une main d'oeuvre
qualifiée capable d'assurer la maintenance des installations. Par
ailleurs, installer le photovoltaïque pour des installations
communautaires doit se faire avec l'assurance que le reste de la
localité pourra réellement être
électrifiée.
Assurer la durabilité des installations demande donc de
suivre un ensemble de conditions fortement corrélées les unes aux
autres car il suffit que l'une d'elles ne soit pas remplie pour que le projet
d'électrification périclite. Actuellement le Bénin est
loin de son objectif d'électrification de 150 localités rurales
par an alors même que l'agence d'électrification rurale a
conscience des difficultés et souhaite y remédier. Cette
situation pose un problème plus large - en particulier car certaines
conditions dépendent fortement de paramètres extérieurs -
et amène à s'interroger sur les possibilités d'actions
réelles du gouvernement étant donné qu'il a des moyens
financiers limités, qu'il doit procéder à des choix entre
les différents secteurs et qui, dépendant de l'aide
extérieure, doit répondre à un ensemble de
conditionnalités.
Une limite à l'étude apparaît ici avec le
questionnement plus large des possibilités du gouvernement et de sa
volonté pour lancer une réelle campagne de service public pour
l'électrification rurale. Particulièrement dans un contexte de
renforcement de la décentralisation où un poids
décisionnel très important est donné aux communes et alors
que
les objectifs du fonds d'électrification rurale sont de
promouvoir l'électrification rurale par le marché. L'optique
actuelle est donc en partie à contrecourant de l'analyse qui a
été faite ici où le rôle de l'État est
envisagé comme primordial sur celui du marché. De la même
façon l'objectif de Nature Tropicale se fait dans une optique
commerciale pour la diffusion du photovoltaïque.
Il serait donc intéressant de se pencher sur les causes
politiques plus profondes qui influencent le contexte dans lequel se font les
installations photovoltaïques et qui conditionnent en partie leur
réussite.
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