Paragraphe 2 : La méthode DEA et la mesure de
l'efficacité technique des banques
Parmi les différentes méthodes qui servent
à mesurer l'efficacité technique, la méthode DEA semble
être la plus adéquate pour la mesure de l'efficacité
technique des banques selon notre optique. Afin de comprendre pourquoi, nous
donnerons une description de la méthode (Paragraphe 1), puis nous
développerons quelques subtilités de la mesure de
l'efficacité technique des banques (Paragraphe 2).
L'efficacité technique des banques et ses facteurs
explicatifs : application à la Commercial Bank - Cameroun
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2.1- Description de la méthode
DEA
L'analyse par enveloppement des données (DEA) consiste
à utiliser la programmation mathématique pour construire une
frontière en fragments (piece-wise surface) à partir de
l'ensemble des données des unités de production.
L'efficacité d'une unité de production est calculée par
rapport à cette frontière en fragments.
2.1.1- Définition littéraire
Plus spécifiquement, Charnes et al. (1978)1,
définissent la DEA comme étant :
" a mathematical programming model applied to observed
data [that] provides a new way of obtaining empirical estimates of extremal
relationships such as the production functions and/or efficiency production,
possibility surfaces that are the cornerstones of modern economics."
Traduction: « un modèle de programmation
mathématique appliqué aux observations qui fournit un nouveau
moyen d'obtenir des estimations empiriques des relations extrêmes
à l'instar de la fonction de production, et/ou d'efficience et la
surface des possibilités qui sont les pierres angulaires pour les
économies modernes ».
En complément, Haag & Jaska (1995)2
ajoutent que « c'est un outil analytique permettant d'évaluer
l'efficacité technique relative d'un ensemble d'organisations ayant les
mêmes inputs et outputs multiples ».
2.1.2- Description mathématique
Il existe plusieurs formes de modèles de la
méthode DEA. Dans le but de simplifier au mieux notre exposé,
nous allons adopter la présentation suivante, qui emploie la notation
proposée par Ion LAPTEACRU, (2000).
1 Cités par Amara et Romain (2000).
2 Dans leur article intitulé «
interpreting inefficiency ratings », ils font
une révélation assez capitale : Plus la valeur des données
(des inputs et outputs) est grande, plus les scores d'inefficacité des
DMU inefficaces... ...s'abaissent. Pour résoudre ce problème, ils
suggèrent de diviser toutes les valeurs par la moyenne de
l'échantillon : cela ne
change pas le rapport entre les données des unités
différentes. Cette méthode de simplification des données
nous sera nécessaire, vu que les chiffres du marché bancaire
(crédit et dépôts) que nous aurons à manipuler sont
d'un volume important.
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Supposons qu'il y ait K facteurs de
production et M biens pour chaque banque
i
(i=1,...,N).
Désignons, respectivement, par xi et
yi les vecteurs des facteurs de production
utilisés par la banque i et les biens offerts
par cette même banque. Notons par K×N la
matrice des facteurs de production X et par
M×N la matrice des biens
Y. Pour mesurer l'efficacité technique de
chaque banque nous calculons le ratio des quantités produites sur les
quantités des facteurs de production exprimé par
u'yi /v'xi, où u est le
vecteur M×1 des pondérations des
quantités offertes et v est le vecteur des
pondérations des facteurs de production. Les pondérations
optimales se déterminent en résolvant le problème de
programmation mathématique suivant :
max (u'y i /v'x i), sous
contrainte u' y j / v'x j = 1, j=1,...,N et
u, v = 0 .
u , v
Cependant cette formulation suppose l'existence d'un nombre
infini de solutions, ce qui exige
la contrainte í'xi = 1 :
max( ì'yi ), s.c. ñ'x i = 1,
ì'yi - ñ'xj = 0 , j=1,...,N et
ì ,ñ = 0 ,
ì , ñ
Où les notations u et
v ont été, respectivement,
changées en u et ñ afin de refléter la
transformation. En utilisant la dualité dans la programmation
linéaire, une forme équivalente du problème peut
être écrite de façon suivante :
minè, - yi + Yë = 0, è
xi - Xë = 0, ë = 0,
è ,ë
Où è est un scalaire et ë
est un vecteur de N×1 constantes. La valeur
obtenue de è représente le score d'efficience de la
banque i et prend des valeurs entre 0 et 1. Le
problème doit être résolu N fois, une fois pour chaque
banque.
Cette méthode suppose que les rendements
d'échelle sont constants (Constant Return to Scale, ou CRS) Cependant,
si les rendements d'échelle sont variables (Variable Return to Scale),
alors nous pouvons trouver le score d'efficience pure technique et de
l'efficience d'échelle, en ajoutant la contrainte de
convexité N1'ë = 1 au problème ci-dessus.
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2.1.3- Atouts et limites
La méthode DEA est très souvent convoitée
pour la mesure de l'efficacité technique des banques (Joumady O., 2000).
Il est difficile de dénombrer les études qui chaque année
font appel à cette méthode lorsqu'elles s'intéressent
à l'efficience des banques, de par le monde et plus
spécifiquement en Afrique francophone. Parmi ces études, l'on
peut citer Joumady O. (2000), Tanimoune N. (2003), Kamgna et Dimou (2008),
Dannon (2009), Kablan (2009), etc.
Un premier atout de la méthode DEA est qu'elle ne
requiert aucune hypothèse à priori concernant la forme
fonctionnelle de la frontière estimée. Elle est de ce fait une
méthode particulièrement adaptée en cas d'incertitude sur
la forme fonctionnelle de la technique de production étudiée. Ce
détail élargi le champ de la mesure de l'efficacité
technique aux firmes qui ont des fonctions de productions non encore connues ou
difficiles à estimer, à l'instar des banques de notre
environnement. En effet, ces banques fabriquent des produits et services
complexes à base d'inputs et d'outputs multiples, à des
échelles très disparates1. Tout cela complique
nettement la détermination théorique de leur frontière
efficiente.
De plus, la méthode DEA ouvre la porte à la
mesure de l'efficacité technique des firmes combinant plusieurs inputs
pour produire plusieurs outputs différents. Encore une fois les banques
sont concernées : elles combinent l'épargne collectée -
à vue, à court, moyen et long terme, leurs fonds propres, les
emprunts pour générer des crédits - à court, moyen
et long terme, des engagements par signature, les placements et autres types de
produits.
Enfin, la méthode DEA est adaptée pour le cas de
petits échantillons (Ludwin W., 1989) : dans notre cas qui concerne le
marché bancaire camerounais, nous n'avons que 12 DMU qui
représentent les 12 banques commerciales en activité.
Cependant, la méthode DEA présente
également quelques limites qui tiennent d'une part à
l'extrême sensibilité des données aux éventuelles
erreurs, compte tenu du caractère déterministe de la
méthode. D'autre part, elle écarte la mesure de
l'efficacité allocative, et
1 Nous reviendrons au chapitre 2 sur l'échelle
à laquelle opèrent les différentes banques, notamment lors
que nous présenterons le marché bancaire camerounais.
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donc ne tient pas compte du coût des différents
facteurs. Telle que nous allons l'aborder, la mesure de l'efficacité
technique de la CBC n'en demandera pas tant : elle se fera sous une seule des
multiples optiques, à savoir l'optique d'intermédiation.
2.2- La mesure de l'efficacité technique des
banques : une opération abordable sous plusieurs
optiques
L'efficacité technique peut être mesurée
de plusieurs façons. On peut distinguer l'optique de la production de
l'optique de l'intermédiation ou encore l'efficacité - coût
de l'efficacité - profit. Toutes ces optiques contribuent d'une
manière ou d'une autre à évaluer la performance des
banques. Cependant dès lors que nous avons choisi l'optique de
l'intermédiation, la méthode non paramétrique DEA se
trouve suffisamment adaptée pour « faire le travail » : elle
est utile pour des situations de plusieurs inputs et outputs, elle ne requiert
pas l'écriture d'une forme fonctionnelle de la frontière, et
enfin nous n'aurons pas à tenir compte du coût des facteurs.
Développons néanmoins ce catalogue d'optiques.
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