Section 2 : Comment mesurer l'Efficacité
technique ?
Dans cette section, nous commencerons par évoquer les
théories qui décrivent la mesure de l'efficacité technique
des unités en général (paragraphe 1). Puis nous marquerons
un arrêt sur la méthode principale qui s'emploie le plus souvent
pour mesurer l'efficacité technique des banques, à savoir la
méthode DEA (paragraphe 2).
L'efficacité technique des banques et ses facteurs
explicatifs : application à la Commercial Bank - Cameroun
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Paragraphe 1 : Les deux grandes approches de la
littérature
Dans la littérature, deux grandes approches de mesure de
l'efficacité technique se distinguent1 : les approches
paramétriques (1.1) et les approches non paramétriques (1.2).
1.1- Les approches paramétriques
Les approches paramétriques proposent une approximation
de la fonction de production efficace par une forme fonctionnelle connue a
priori (Cobb Douglas, Translog, etc.). C'est-à-dire qu'une
équation mathématique donne une forme à la
frontière efficiente, indépendamment des données. Ainsi,
une spécification plus facile et une meilleure analyse des
différentes propriétés algébriques de cette
fonction deviennent possible.
Les approches paramétriques peuvent être
déterministes ou stochastiques. L'on dit qu'elles sont
déterministes lorsqu'elles attribuent tout écart
par rapport à la frontière à de l'inefficacité, et
stochastiques lorsque l'écart par rapport à la
frontière est la résultante de l'inefficacité d'une part,
et des aléas et erreurs de mesure d'autre part.
Spécification de l'approche
paramétrique
Les spécifications usuelles sont Translog
et Cobb-douglas. Si nous
désignons par y le niveau d'output
réalisé, x le vecteur d'input et
f la fonction de production, nous avons la relation
:
Y= f(x, B) - u
La fonction de production est en fait une frontière de
possibilité (c'est-à-dire le niveau maximal d'output
pouvant-être obtenu à un niveau donné d'input).
U mesure l'écart entre l'output observé
et l'output maximum réalisable. Il mesure l'inefficacité. La
mesure de l'efficacité est le rapport :
Eff= Y/f(x,ß)
1 Berger et Humphrey (1997) Recensent 5
différentes méthodes, dont 3 paramétriques (SFA, DFA et
TFA) et deux non paramétriques (DEA et FDH)
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Où ß est un estimateur de B,
généralement estimé par maximum de vraisemblance. Cette
forme est dite déterministe. On peut introduire un terme d'erreur
stochastique pour tenir compte des chocs externes non observés. Dans ce
cas, on parle de frontières stochastiques. Ce qui correspond à
une mesure de la forme :
Eff=Y/f(x,B)+v
En ce qui concerne l'approche paramétrique
déterministe, plusieurs auteurs (Farell (1957), Timmer (1971), Afriat
(1972), Richmond (1974) et Green (1980))1 proposent des techniques
différentes pour trouver une approximation de la frontière
efficiente. Cependant l'approche paramétrique et déterministe
présente des limites liées notamment à sa forte
sensibilité aux observations extrêmes et au caractère
restrictif de la forme fonctionnelle attribuée à la fonction
frontière.
En ce qui concerne l'approche paramétrique
stochastique, elle corrige certaines défaillances de l'approche
déterministe, notamment en relativisant l'origine de l'écart par
rapport à la frontière efficiente. Elle postule donc que le terme
de l'erreur est composé de deux parties indépendantes, soit une
composante purement aléatoire (V) qui se trouve dans n'importe quelle
relation et qui se distribue de chaque coté de la frontière de
production (two-sided error term), et une composante représentant
l'efficacité technique (U) et qui est répartie d'un seul
coté de la frontière (one-sided error term) (Amara & Romain,
2000).
Dans tous les cas, l'approche paramétrique a ceci de
regrettable qu'elle requiert au préalable l'écriture d'une
fonction de coût ou de profit de la firme concernée. Or ceci n'est
pas toujours possible ou pratique quelque soit le type d'entreprise. Il n'en va
pas de même en ce qui concerne l'approche non paramétrique.
1 Cités par Amara & Romain (2000)
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1.2- L'approche non
paramétrique
Introduite par Farell (1957)1, l'approche non
paramétrique considère une frontière qui n'est liée
à aucune forme fonctionnelle : l'isoquant est estimé par les
ratios extrants/intrants de chaque DMU. Elle est généralement de
type déterministe. La méthode consiste à placer toutes les
DMU dans un échantillon, et à représenter chacune de leurs
performances par un point sur un graphique. Une frontière efficiente est
alors tracée. Dans le cas de la méthode DEA, cette
frontière relie tous les points qui enveloppent le nuage de points par
le haut : les points de cette frontière représentent les
unités efficaces (voir Figure 4). Les autres points - situés en
dessous de cette frontière - représentent les unités
« inefficaces », ou bien « sous efficaces ». Par ailleurs,
la distance qui sépare chaque point de la frontière est une
mesure de son niveau d'efficacité technique.
Figure 4 : Illustration du tracé d'une
frontière non paramétrique
Frontière efficiente
Points inefficients
Outputs (Y)
Source : Auteur, à partir de la présentation de
Cooper et al (2000).
Cette efficacité est relative, dans la mesure où
elle dépend des unités les plus performantes de
l'échantillon.
1 Op cit.
L'efficacité technique des banques et ses facteurs
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La méthode DEA est un exemple édifiant de
l'approche non paramétrique. Outre la méthode DEA, l'approche non
paramétrique a d'autres méthodes comme la méthode FDH
(Free Disposal Hull, ou Ensemble de libre disposition) sur lesquelles nous
n'insisterons pas.
L'approche DEA comprend deux principaux modèles sur
lesquels nous reviendrons plus bas, qui sont le modèle CRS (Constant
Return to scale) et le modèle VRS (Variable return to scale). Le
modèle CRS suppose les rendements d'échelle constants, tandis que
le modèle VRS table sur l'hypothèse de rendements
d'échelle variables.
Selon Coelli et al. (1996), « la
différence entre l'indice d'efficacité technique obtenu par le
biais de DEA du type CRS et celui de la même firme obtenu par le DEA du
type VRS constitue une bonne mesure de l'efficacité d'échelle de
cette firme ». Pour obtenir une telle mesure, ils
suggèrent d'effectuer, sur la même base de données, une DEA
du type CRS et une autre du type VRS. Si pour une firme donnée, il y a
une différence dans les indices d'efficacité mesurés par
ces deux types de DEA, ceci indique que la firme n'opère pas à
une échelle optimale. L'inefficacité d'échelle est alors
donnée par la différence entre l'inefficacité technique
CRS et l'inefficacité technique VRS.
Cette méthode a permis d'étendre l'analyse de
l'efficacité technique à des situations multi produits et de
rendements d'échelle non constants (Amara & Romain 2000). Une
description plus détaillée de la méthode DEA nous fera
comprendre pourquoi.
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