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Les femmes migrantes et le VIH/SIDA a Poitiers

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par Jeanne Finda MILLIMONO
Universite de Poitiers - Master  2001
  

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Dans les entretiens effectués tant avec les femmes migrantes, qu?avec les acteurs de la prévention ainsi, qu?avec les personnes concernées par le VIH, je remarque qu?il est important pour ces femmes de connaitre qui les a contaminées. C?est un facteur très important dans la suite qu?elles pourront donner à leur maladie et à leur vécu. C?est un apaisement de savoir qui leur a transmis la maladie même si cela ne changera pas grand chose. Le problème qui se pose, c?est qu?elles ne peuvent pas en parler avec les personnes concernées. Comme au sein de la communauté les rumeurs vont bon train, elles se disent que tôt ou tard elles finiront par le savoir.

Lydia et Mary ont dit savoir qui les a contaminées mais, il y a quand même un doute qui plane. Par contre, Fatoumata ne peut accuser celui qui l?a mise enceinte d?autant plus que ce dernier est séronégatif. Il y a une certaine angoisse qui plane sur elle. Le fait de ne pas savoir qui l?a infectée est une torture pour elle. C?est aussi l?une des raisons qui fait qu?elle n?oserait jamais le dire à ses parents.

Le SIDA est perçu comme un malheur, un stigmate, une source d?exclusion. C?est la combinaison de tous ces maux qui font que ces femmes veulent vaille que vaille connaitre l?origine de leur maladie.

Lydia, Mary et Fatoumata sont des femmes qui ne croient pas aux phénomènes de sorcellerie. Les femmes migrantes qui vivent en France qui ne savent pas lire et qui ont du mal á parler le français ont tendance à chercher des éléments d?explication plus dans le mystique que dans la science.

Je remarque donc, deux rapports avec l?infection du VIH : il y a d?un côté l?explication scientifique et de l?autre, l?explication traditionnelle. Cette dernière n?est pas toujours vérifiée, ce sont juste des suppositions.

2. Le VIH/SIDA une maladie qui ne se dit pas

«La séropositivité est vécue par beaucoup de femmes dans une grande solitude, trop souvent dans le secret et la honte. La peur du jugement des autres, de la perte de ses enfants, de sa position dans la famille ou dans la société, constituent autant d'obstacles qui rendent parfois l'accès aux soins, aux droits sociaux et mrme aux associations plus compliqué pour les femmes que pour les hommes» (Femm'info).

Dire qu?on est séropositif au sein de la communauté dans laquelle on vit n?est pas toujours évident. Ces femmes le disent à leur entourage la plupart du temps quand elles n?ont plus vraiment le choix. Le cas des femmes qui apprennent leur séropositivité lors de leur grossesse et qui sont en couple, n?ont pas le choix que de le dire à leur mari et ceci surtout à la naissance de l?enfant. Celles qui sont célibataires et qui vivent loin de la famille font généralement le choix de ne pas le dire á leur entourage. Toutes les femmes interviewées ont changé au minimum une fois de ville. C?est surtout le "qu?en dira-t-on" qui pousse ces femmes á ne pas révéler leur séropositivité. C?est comme le cas de Mariam, quand la communauté a su sa séropositivité, elle s?est laissée mourir ; le fait que cela se sache lui était insupportable. Et même son conjoint qui est négatif est ostracisé dans la communauté, il est rejeté, il est mis au banc. Donc, il faut vraiment que ces femmes pèsent le pour et le contre avant de dire ou pas sa séropositivité.

«Pendant longtemps, je n'ai parlé de ma maladie à personne, par peur des réactions de rejet». (Alphonsine dans Femm'info).

«Les gens qui ne connaissent pas le SIDA pensent que la vie des personnes touchées est finie.

Ils ne veulent pas discuter avec toi, ils ne veulent pas marcher avec toi...» (Georges Weah dans Remaides 2005).

Ces femmes en parlent seulement à leur mari ? «Surtout pas à leur entourage, ça j'en suis stir à leur mari quelque fois mais pas toujours ou quand elles n'ont plus le choix. Les femmes n'ont pas besoin avec moi d'exprimer un besoin de confidentialité puisque, je le dis d'emblée. J'insiste énormément à la naissance de l'enfant ; on s'arrange à ce que ça ne soit pas marqué sur les carnets. Donc voila ! Le sujet est tabou au sein de la société, oui ça dépend des groupes mais, actuellement, c'est mal vu par rapport à un cancer. Dire qu'on a le VIH c'est dur en général, c'est dur meme pas que dans la communauté migrante» (Michel Berthier pédiatre au CHU de Poitiers).

Les entretiens avec les acteurs de la prévention et les entretiens avec les femmes migrantes ont permis de faire une comparaison entre les femmes. De ce fait, malgré le fait qu?il y ait toujours ce tabou, les acteurs de la prévention ont remarqué qu?il y avait une perception différente du VIH selon le niveau d?éducation des personnes.

Les femmes les plus jeunes et qui ont été scolarisées, rencontrées à l?annonce du diagnostic, réagissent comme des "européennes". C'est-à-dire qu?elles savent si elles sont séropositives, que ce n?est pas dil à un mauvais sort ou à un malheur. Mais c?est dl au fait qu?à un moment de leur existence, il y a eu une prise de risque. C?est le cas de toutes les femmes avec lesquelles j?ai eu des entretiens, elles ne m?ont jamais affirmé etre victime d?un mauvais sort ou d?une punition du bon Dieu.

En revanche, comme toutes les autres personnes de leur communauté, il est hors de question de le dire, que cela se sache, pour éviter toute éventuelle exclusion et cela tout en vivant en Europe. Ce qui signifie que ces femmes malgré leur niveau d?instruction avancé, et malgré le fait que cela fait au moins cinq ans qu?elles ont quitté leur pays d?origine, gardent toujours cette notion de rejet et d?exclusion si elles annoncent leur séropositivité et ceci, quelque soit l?endroit où elles se trouvent.

Donc, ce n?est pas parce que ces femmes ont quitté leur pays d?origine, qu?elles sont forcément plus à l?abri des regards, des remarques ou de l?exclusion, de la solitude etc. Au contraire, tous les stigmates laissés au pays se retrouvent ici de toutes façons quelque soit l?endroit où l?on se trouve, on garde plus ou moins sa culture.

«Quand je suis venue en France, je ne savais pas que exclusion et stigmatisation avaient pris l'avion avec moi» (Femm'info).

Alors que la famille constitue le premier refuge en cas de problème, dans le cas du VIH SIDA, elle ne constitue pas le premier lieu vers lequel on se tourne. Au contraire, c?est surtout le lieu à éviter. Vu que le VIH est lié aux rapports sexuels la personne séropositive devient une source de honte pour la famille cette personne est considérée comme déviante.

Dans le cas des femmes prostituées c?est un peu plus compliqué .Il y a une double honte chez elles. Elles se prostituent d?une part et elles sont malades de l?autre.

Fatoumata qui est venue dans le cadre de ses études se prostitue afin de subvenir à ses besoins mais aussi, dans l?espoir de trouver un homme avec lequel elle passera le reste de sa vie. Aucun des membres de sa famille ne sait qu?elle vit cette situation. Au niveau des études, elle n?arrive pas à aller de l?avant. Donc, elle a une précarité sociale mais aussi économique. Pour l?instant, elle arrive à faire renouveler ses papiers mais elle sait que tôt ou tard, elle connaitra cette situation de sans-papiers. Il fallait ainsi trouver une nouvelle stratégie afin de ne pas se laisser dépasser par le temps.

Elle sait qu?il y a des maladies sexuellement transmissibles mais elle était sûre de ne jamais "se faire avoir". Certes, elle a connu des difficultés avec ses partenaires pour l?utilisation du préservatif mais elle a toujours su les convaincre d?en mettre.

«Quand on vient ici, on nous demande de nous intégrer. On vient pour les études certes, mais on fait tout pour nous mettre les b~tons dans les roues Je n'accuse pas tout le système, j'ai aussi une part de responsabilité mais ici, le simple fait d'itre migrant qui est défavorisant. On vient d'un pays ; mais, tu t'imagines, tu quittes ton pays, tu viens dans un autre afin d'améliorer ton niveau d'insertion et pourquoi pas devenir cadre un jour. On quitte l'Afrique avec une image extraordinaire de l'occident mais la réalité est tout autre. Tu quittes sans I

rien mais tu rentres encore plus démuni. C'est triste à dire mais c'est la vie ; le pire, on ne peut même pas en parler à ses propres parents tellement que cette maladie a été stigmatisée. On essaye de survivre comme on peut J'ai fait le choix de me prostituer, je ne suis pas la seule étudiante à le faire, j'ai dit à mes parents que je fais du baby-sitting. Comment leur dire le contraire. Je sens déjà le regard de culpabilité de honte et de gêne posé sur moi. ».

Ce récit montre que dans le cas de Fatoumata, elle cherche toujours une causalité à sa situation de séropositive. Elle n?hésite pas à accuser le système qui, selon elle, est très souvent défavorisant.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery