Les femmes migrantes et le VIH/SIDA a Poitiers( Télécharger le fichier original )par Jeanne Finda MILLIMONO Universite de Poitiers - Master 2001 |
4. AnalyseCe qui est "intéressant" ici c?est de voir l?impact du VIH/SIDA sur leur vie, la redéfinition de leur parcours de vie, et les mobilités qui en découlent, une remise en question de leur situation de femmes migrantes et toutes les difficultés qui se rajoutent à la situation de précarité dans laquelle elles vivent déjà. En gros, c?est le parcours du combattant. Vivre, se battre, affronter le regard des autres sans pour autant perdre sa dignité. Dire sa séropositivité ou pas, est-ce qu?un retour dans le pays d?origine est envisageable tout en ayant un sentiment d?échec vis-à-vis de sa famille? Beaucoup de questions qui se bousculent dans la tête d?où la difficulté de voir par où commencer. Etant donnée le faible échantillon de mon étude, je vais me baser sur un article qui souligne les différentes typologies des chemins migratoires des femmes migrantes. Dolores Pourette37, fait une typologie des chemins migratoires des femmes qu?elle a pu rencontrer au cours de son enquête. Ainsi, elle les classe en trois catégories :
37Pourette D. (2008).Migratory Paths, Experiences of HIV/AIDS, and Sexuality: African Women Living with HIV/AIDS in France. Feminist Economics, n° 14, p149 à 181. Les femmes que j?ai eues à interviewer se retrouvent bien dans cette étude, elles sont plus situées dans le dernier groupe. Elles ont toutes appris leur séropositivité en France pendant le début d?une grossesse, à la mort d?un partenaire ou à la suite d?une courte maladie. L?annonce de la séropositivité a changé le cours de la vie de ces femmes. Elles commencent une nouvelle vie avec une maladie qui reste toujours un sujet très tabou au sein de la société. En résumé, le VIH/SIDA a bouleversé la vie de ces trois femmes. Après l?annonce de la séropositivité, elles ont dû trouver une stratégie afin de survivre. En général, les premières pensées vont vers la famille, dire ou ne pas dire leur sérologie pour celles qui sont célibataires et sans enfant. Pour celles qui sont enceintes c?est comment préserver la santé de l?enfant. Fatoumata, qui est arrivée en France dans le but de poursuivre ses études, à un sentiment de honte, de gene et surtout d?échec. Venue en France pour avoir des diplômes, elle se retrouve malade, enceinte et sans diplôme. Ce qui la condamne à ne plus rentrer au pays du moins pas pour le moment. Lydia n?a plus d?autre choix que de trouver une stratégie (si elle veut continuer à se faire soigner, sans se sentir discriminée), que de se faire régulariser. Certes leurs parcours migratoires diffèrent et selon la situation dans laquelle elles se trouvent, ces femmes vont employer des stratégies différentes. Mais ces femmes sont d?accord sur un point : le fait qu?elles aient appris leur séropositivité en France c?est, comme elles le disent «moins douloureux moralement». Puisqu?ici, elles ont la possibilité de changer de ville et de le dire à qui elles le veulent. Et grâce aux associations, c'est-à-dire à des inconnus elles vivent mieux leur situation. «Rien n'est jamais facile ou acquis il faut toujours continuer à se battre, plus facile à dire qu'a faire». (Fatoumata). Ce qu?il y a aussi en commun entre ces femmes, c?est le rapport qu?elles ont avec le milieu hospitalier. Le VIH/SIDA étant une maladie qui nécessite un traitement à vie, ces femmes ont une relation particulière avec le médecin ne serait-ce que pour le bilan de santé, le renouvellement du traitement etc. et surtout la confidentialité et le secret médical auquel le médecin est tenu même si elles rencontrent quelques difficultés. Les femmes que j?ai eu à interviewer ont toutes exprimé leur reconnaissance à leur médecin. Ceci les a aidés à mieux supporter la maladie. Ne pas se sentir rejetées dès la première fois donne une certaine "motivation". «Mon médecin m'a redonné confiance en moi, c'est grace à ses conseils et bien sûr aux aides d'une association de sans-papiers j'ai eu une autorisation provisoire de séjour de trois mois. C'est vrai que c'est un papier temporaire, je suis en bonne santé, je suis bien mes traitements, et je sais que si j'ai un souci j'ai juste à aller voir le médecin. Maintenant j'espère que la préfecture me donnera un papier de résident d'au moins un an ce qui est déjà pas mal. Mais iifaut tout d'abord que je finisse mon déménagement : les gens de ma communauté me disent que je fréquente trop l'hôpital». (Fatoumata). III : Perception du VIH/SIDA Le travail de terrain a permis de voir que malgré toute l?évolution de la médecine pour vaincre le VIH/SIDA, avec l?avènement de nouvelles trithérapies et la longévité des personnes séropositives, cette maladie reste encore de nos jours un tabou au sein de la communauté migrante et voire même déniée. Il y a des formes de représentation tellement négatives autour de cette maladie, que les personnes qui se retrouvent séropositives n?en parlent pas autour d?elles. Malgré la connaissance qu?elles ont de plus en plus de la maladie, de leur proximité avec les acteurs de la santé et des associations qui se mobilisent afin d?aider ces femmes à mieux vivre avec leur maladie. La coordinatrice du RVH ainsi que les autres acteurs de la prévention, s?accordent à le dire : «Mais effectivement ça reste tabou puisque, c'est lié au sexe et au sang, ce sont les deux choses les plus difficile à toucher. Les patients, en général, sont au courant de la maladie. Au niveau des migrants il y a d'autres enjeux qu'on ne maitrise pas, comme une de nos patientes qui ne prenait pas ses médicaments, alors elle apprenait ses traitements par coeur et tout cela pour ne pas se faire remarquer dans la société. On rencontre des personnes qui sont vraiment enfermées dans leur culture et on n'a pas réussi à les en faire sortir. Cette femme disait toujours qu'elle avait été puni par le bon Dieu parce qu'elle était venue en France et c'est pour cela qu'elle ou ses enfants étaient malade». (Coordinatrice RVH). Ce qu?il en ressort dans les entretiens avec les acteurs de la prévention, c?est que les femmes migrantes ont une certaine perception de la maladie par exemple, on peut transmettre cette maladie dans le simple regard, "si on est malade toute notre vie est fichue en l'air", être séropositif signifie vivre caché et vivre mobile. La mobilité, c?est quelque chose de fondamental dans leur combat contre la discrimination et l?exclusion. Ceci ressort dans les entretiens effectués avec les femmes migrantes. Mais cette perception de la maladie est souvent liée
à celle qui se trouve au sein de la ressenti par rapport à la maladie. Cela devient un poids qui engendre pour elles des conséquences sur leur vie. En revanche, les femmes migrantes interviewées n?ont pas cette perception de la maladie. Elles savent que la transmission ne se fait pas par le simple regard, elles ont une vision un peu plus médicale sur la transmission de la maladie. Mais, leurs attitudes rejoignait celles décrites lors des entretiens par les acteurs de la prévention : etre séropositive, c?est avoir sa vie gâchée. C?est ce que je vais tenter d?expliquer dans la partie qui suit. |
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