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Dépénalisation des délits de presse en République Démocratique du Congo : analyse de l'action de journaliste en danger (JED). Approche sociologique du droit de l'information.

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par Innocent OLENGA LUMBAHEE
IFASIC - Licence 2010
  

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III.2.2. Des entreprises congolaises de presse

Une étude menée par Institut Panos Paris61(*) démontre que les organes de presse congolais sont gérés au jour le jour. La plupart de ces organes de presse ne tiennent nullement leur comptabilité, au point que la gestion du journal se confond généralement avec la poche de l'investisseur. La même étude note que les principaux défaut de cette presse résident, primo, dans son excessive politisation et la faiblesse des projets éditoriaux (beaucoup de journaux vivant essentiellement de leur accointance avec les hommes ou des partis politiques dont ils servent les intérêts) ; secundo dans la confusion entre espaces rédactionnels et publicitaires (publication d'articles qui sont issus non d'une démarche désintéressée de collecte de l'information, mais de la vente d'un espace à un individu ou une structure) ; tertio dans la présence de pratiques de grande corruption dans certains titres (chantage...) ; quarto dans l'inexistence d'une véritable politique de gestion et l'opacité comptable ; et quinto dans la faiblesse de la formation des ressources humaines dans tous les secteurs de la production et de l'administration.

Sur la centaine des journaux et radiotélévision recensés en RDC, seules quelques dizaines remplissent un peu les conditions requises « d'entité économique et commerciale créée dans le but d'exploiter, comme activité principale, la collecte, le traitement, la production et la diffusion de l'information ou des programmes » conformément à l'article 4 de la loi de 1996. La plupart des organes de presse congolais fonctionnent à vue. Et le caractère éphémère des journaux est surtout dû à l'amateurisme des éditeurs, mêlé au fait que la plupart de ces canards ne sont pas la propriété de leur responsable apparent. Ils sont créés pour des intérêts qui échappent généralement à ceux qui les animent. Ce qui fait qu'ils disparaissent dès que les bailleurs des fonds, généralement, le ministre, le gouverneur de province, le mandataire d'une entreprise publique quitte les fonctions.

Si dans le domaine de l'audiovisuel, eut égard à la technologie mise en place, il n'est point de place pour l'aventure à quelques exceptions près, il n'en est pas de même de la presse écrite. Le journal marchandise précède la création de l'entreprise de presse chargée de produire un bien dénommé « journal ». Tout celui qui, de quelques manières que ce soit, obtient un peu d'argent peut, le lendemain, mettre sur le marché deux cahiers noircis appelés « journal ». Le propriétaire est à la fois directeur de publication, rédacteur en chef, journaliste sous plusieurs pseudonymes, agent commercial, etc. Sans capital ni siège social et, dans la plupart des cas, dirigés par des personnes peu qualifiées ou moins journalistes dépendant souvent des pourvoyeurs des fonds, en général des hommes politiques ; sans respect de la périodicité qu'ils se sont assignés eux-mêmes, la majorité d'organes de presse congolais paraissent comme des instruments de propagande et d'anéantissement, c'est selon les intérêts, que des instruments d'information.

Lorsqu'il s'agit de protéger des pourvoyeurs des fonds, le contenu est du genre élogieux et flatteur : « Serge Kabongo : le grand mécène de Bandalungwa », « Honorable X : sauveur de Kimbanseke », « Qui en veut à l'ADG Y ? » etc. Lorsqu'il s'agit d'anéantir, les titres sont du genre : « Le roi fainéant a un nom : Adolphe Muzito », « Damseaux n'est pas le type d'hommes d'affaires dont la RDC a besoin », « L'agitateur et l'opportuniste Olenghankoy », « A lire dans notre prochaine édition : détournement à... ». Ainsi, cette presse de propagande ou d'anéantissement se fait un puissant censeur des responsables politiques ne partageant pas la même famille politique ou sociologique. Prenant la place des magistrats, elle instruit généralement sans exhiber des preuves, condamne, soumet les victimes à la vindicte populaire.

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de noter que le maillon le plus faible du système médiatique congolais concerne avant tout la viabilité économique des entreprises de presse ; cette situation a une incidence directe sur le professionnalisme des journalistes. A la recherche de survie, tels des loups affamés, ces derniers, plutôt que de jouer au filtre de la société, en ajoutent la confusion. Intrigues, dénigrements, accusations gratuites, chantages et règlements de comptes sont les mets qu'offrent régulièrement certains journaux à leurs lecteurs. Et dans ces conditions, dépénaliser les délits de presse avec des organes qui n'ont rien d'entreprise de presse, augmenterait sans doute les dérapages.

* 61 Institut Panos Paris, Situation des médias en République Démocratique du Congo, avril 2004.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld