B- Sensibilisation possible.
Cette « sensibilisation », rappelons-le, a
consisté jusqu'ici à adresser des messages d'information, de
dénonciation ou de promotion en direction de publics cibles (parents,
responsables locaux, enfants, etc.) afin de modifier leur perception des
réalités, d'accroître leur sensibilité et leur rejet
de certaines pratiques, d'augmenter leur niveau d'information et
d'élever leur degré de conscience morale. Pour l'essentiel, ces
activités ont été dirigées vers les parents
d'enfants dits « vulnérables », vivant dans des zones dites
« de provenance » ou de « prévalence » du trafic. Si
l'on prend l'exemple des campagnes de sensibilisation menées dans le Zou
entre 2000 et 2005, toutes ou presque entendaient responsabiliser les parents
et les inciter à garder leurs enfants auprès d'eux, dans leurs
milieux d'origine. Mais pour quels résultats, en définitive ? Et
a-t-on pris toute la mesure des effets pervers qui ont découlé de
cette approche ?
En effet, avec les réalités sociales
aujourd'hui, il est indispensable de dépasser le stade de la «
sensibilisation » car, telle qu'elle est faite aujourd'hui dans ces zones
dites « de provenance » ou de « prévalence » du
trafic, elle martèle plus son propos qu'elle ne convainc. La
sensibilisation fait pression sur les populations ciblées en les
informant de manière répétitive et insistante sur les
pratiques et discours auxquels les acteurs institutionnels veulent qu'ils se
conforment. Elle fait subir aux populations une violence symbolique importante
(stigmatisation) au lieu de gagner leur adhésion.
Par ailleurs, la sensibilisation n'induit chez ces populations
que peu de changements de comportement, ou des changements superficiels, car
elle ne modifie pas fondamentalement leurs représentations des
réalités ni leurs dispositions mentales en matière de
gestion des affaires familiales :
- l'éducation et la protection des enfants ;
- la création/gestion des ressources individuelles et
collectives.
En somme, après l'ère de la sensibilisation
émotionnelle, dénonciatrice et informative, semble devoir
s'ouvrir celle d'une sensibilisation agissante, fondée sur des
actions éducatives et des apprentissages par l'action,
l'expérience et la démonstration. Celle-ci devrait pouvoir
rapprocher progressivement les populations cibles des normes et valeurs que
promeut la communauté internationale en les associant activement, de
manière participative, à l'élaboration et la mise en
oeuvre d'actions de développement, de dispositifs éducatifs
alternatifs et de codes de conduite ou de protection en faveur des enfants,
travailleurs ou non.
L'enjeu consistant à faire changer les
mentalités est donc bien un enjeu central, mais l'option retenue est
d'accompagner les acteurs en organisant avec eux des activités porteuses
de progrès tout en respectant la particularité de leurs points de
vue et en s'ajustant aux réalités qui sont les leurs. Bien que
l'objectif soit d'activer « de l'intérieur » -
c'est-à-dire en s'appuyant sur divers acteurs au sein des clans et des
communautés - des changements sociologiques touchant à la
question de l'enfance (en passant au préalable par des transformations
qui conditionnent ces changements), l'approche adoptée n'exclut pas de
jouer, en certaines circonstances, des avantages qu'offrent des
stratégies plus contraignantes, notamment la répression
organisée par la loi.
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