A/ Rapatriement : Processus
Ce paragraphe entend mettre en exergue les différentes
approches de la notion de rapatriement et exposer les procédures
liées à sa mise en oeuvre.
Dans le cadre des enfants victimes de trafic, le rapatriement
peut être défini comme un acte de faire revenir ces derniers dans
leur pays d'origine ou de départ.
En effet, aux termes de l'article 1er, du chapitre
I de l'Accord de Coopération entre le Bénin et le Nigéria
sur la prévention et la suppression de la traite des personnes, en
particulier des femmes et des enfants, « le rapatriement
désigne le processus qui consiste à faire revenir un ou plusieurs
enfants victimes de la traite dans leur pays »
79
Selon l'Accord de Coopération en Matière de
Lutte Contre la Traite des Enfants en Afrique de l'Ouest en son article 1
alinéa 7 du chapitre I, le rapatriement se définit comme
étant « le processus humanisant et sécurisé
consistant à faire revenir un ou plusieurs enfants victimes de traite
dans leur pays d'origine, en tenant compte de son opinion et de son
intérêt supérieur. Il comporte l'identification, la prise
en charge, notamment l'hébergement, les soins, la nourriture, l'appui
psychologique et le transport vers le pays d'origine».
80
En un mot, le rapatriement est le mouvement par lequel les
enfants victimes de la traite ou de l'exploitation sont retirés à
leur(s) exploitant(s) pour être ramenés dans leur pays
d'origine.
Le rapatriement a pour objectif de permettre aux enfants de
rejoindre leurs parents ou leur pays et de leur éviter une exploitation,
n'importe laquelle, afin de leur bâtir un avenir meilleur. Ceci nous
amène à nous intéresser au processus du rapatriement.
Le concept de rapatriement met en jeu plusieurs acteurs
à savoir : l'Etat d'accueil, les ambassades des pays
concernés (par le rapatriement), des « cellules de
coordination et d'intervention ».
79Source :
MAEIA-Bénin, projet en cours de signature officielle
80Article 1 alinéa 7 de
l'Accord de Coopération en Matière de Lutte Contre la Traite des
Enfants en Afrique de l'Ouest, signé à Abidjan, le 27 juillet
2005.
Le processus qui aboutit au rapatriement proprement dit des
enfants victimes de trafic débute par une descente des autorités
compétentes de l'Etat d'accueil dans les plantations, les
carrières ou les ménages selon leurs sources d'information. Ces
autorités recherchent par la suite les pays d'origine des enfants afin
de leur constituer un dossier. Après quoi, elles avertissent les
ambassades des pays concernés afin qu'elles organisent le processus de
rapatriement. Entre temps, les enfants sont pris en charge et
hébergés soit par un centre d'accueil soit par l'Ambassade de
leur pays d'origine si elle en a les possibilités. L'Ambassade saisit
le Ministère des Affaires Etrangères de son pays par
correspondance aux fins de connaître l'attitude à adopter et
également de savoir dans quelle mesure les autorités locales
pourraient intervenir. Le Ministère des Affaires Etrangères
saisit à son tour le Ministère en charge de l'enfant ou de la
famille qui prend sur lui d'informer les autres structures étatiques et
les ONG intervenant dans la lutte contre le trafic des enfants.
Toutes ces structures suscitées se rencontrent et
négocient afin de voir dans quelle mesure elles peuvent travailler en
synergie pour que l'opération s'effectue sans difficulté.
Après les différentes concertations, une correspondance est
envoyée à l'Ambassade de l'Etat d'accueil dans l'Etat d'origine
des enfants pour l'informer des dispositions à prendre pour convoyer les
enfants à la frontière. Le jour officiel de rapatriement, toutes
les structures compétentes des deux pays concernés arrivent
à la frontière où les enfants sont accueillis par les
autorités locales de leur pays d'origine. Ils sont ensuite
transférés dans une cellule de coordination et d'intervention qui
a la charge de les répartir dans les divers centres d'accueil du pays
où ils devront séjourner, le temps que les intervenants sociaux
ou les animateurs des centres retrouvent leurs parents.
De tout ce qui précède, on déduit que le
rapatriement est un long processus qui n'est guère exempt de
difficultés.
En effet, le processus de rapatriement est parsemé de
nombreuses difficultés depuis le pays de départ jusqu'au pays de
destination des enfants, en passant par les ambassades.
La première difficulté que connaît ce
processus est liée à l'absence ou à l'insuffisance de
représentations diplomatiques de certains pays de départ
d'où partent des enfants dans les pays de destination, surtout dans ceux
qui connaissent un fort taux d'accueil d'enfants victimes de trafic. Ceci
engendre un déficit, voire, un défaut de sensibilisation des
nationaux de l'Etat de départ dans l'Etat d'accueil et des
ressortissants des Etats tiers quant à l'aide qu'ils pourraient apporter
aux autorités de l'Etat d'accueil dans la mise en oeuvre de
rapatriement.
Une deuxième difficulté est d'ordre
organisationnel. En effet, aucune organisation matérielle n'est faite
pour contrôler les réseaux de trafic des enfants. Ceci est
d'autant plus vrai que le nombre d'enfants victimes de trafic est de plus en
plus élevé. Les trafiquants ont également
développé de nouvelles stratégies pour venir à bout
des normes établies par les Etats pour lutter contre le trafic. Cela a
pour effet de déjouer les plans des autorités.
Il faut également souligner le manque de
discrétion qui caractérise les descentes des autorités de
l'Etat d'accueil lorsqu'elles entreprennent de récupérer les
enfants étrangers exploités sur leur territoire. Les descentes
tapageuses entraînent comme conséquence le nombre peu
élevé d'enfants finalement rapatriés, les trafiquants
ayant été avertis par leurs réseaux de renseignements ou
par les sirènes des véhicules policiers.
Ce manque de discrétion soulève également
le problème de l'intense médiatisation qui est faite autour du
phénomène du trafic des enfants. Il est vrai que l'objectif
premier de cette intense médiatisation est d'informer les populations.
Mais elle a par ailleurs un effet traumatisant. C'est qu'elle heurte l'opinion
publique et, partant, génère une crise de confiance entre les
tuteurs qui ne maltraitent pas les enfants à eux confiés.
A ces difficultés, il faut ajouter également
celles liées au manque de moyens de déplacement pour assurer le
transport des enfants rapatriés.
En effet, les structures qui doivent aller à la
rencontre des enfants à la frontière ne disposent pas toujours de
moyens appropriés pour accomplir leur mission. Elles sont parfois
obligées d'emprunter des véhicules ou au mieux de confier la
mission à d'autres organisations qui s'occupent du rapatriement des
enfants victimes de trafic, l'effectif des agents réellement
compétents est limité. Ce qui fait qu'on assiste parfois à
une lenteur notoire dans l'exécution des tâches administratives et
même dans l'accueil des enfants à la frontière.
De même, l'inexistence de démembrements des
cellules de coordination et d'intervention au niveau des frontières ne
permet pas de contrôler les transactions qui s'y font, vu la
perméabilité de certaines frontières. Cette
perméabilité des frontières favorise également la
corruption des agents de sécurité à la frontière.
En effet, ces agents ne résistent pas longtemps aux pots-de-vin que leur
glissent les trafiquants.
Au regard de tout ce qui précède, quelle a
été l'expérience béninoise en matière de
rapatriement ?
Au Bénin, il n'existe pas un processus standard de
rapatriement. Cela dépend des accords entre le Gabon et le
Nigéria. Le Bénin qui a eu à effectuer des rapatriements
d'enfants à partir de ces pays. Cependant, il faut noter que le
procédé est le même dans tous les cas à quelques
différences près. Grâce
à ce processus de rapatriement, la BPM a pu faire revenir en 2003, 190
enfants béninois victimes de trafic et d'exploitation dans des
carrières au Nigéria. En 2004, ce sont près de 247 enfants
en provenance du Gabon, du Nigéria, du Ghana, du Cameroun, du Burkina
Faso et de la Côté- d'Ivoire qui ont foulé le sol de leur
terre d'origine, le Bénin. Il faut également dire que 25
trafiquants ont été interceptés dans la même
année et transférés devant les tribunaux après que
la BPM a enclenché la procédure de répression.
81
Sur ces entrefaites, le Consul honoraire du Bénin
à Yaoundé informa l'ambassadeur du Nigeria par correspondance
N°027/CHB/YDE/OU du 17/9/04 de la situation.
82 Celui-ci informe à son tour le MAEIA qui prit sur lui
le soin de mettre au courant le MFPSS. A la suite de cet échange de
correspondances, le MFPSS saisit la BPM et les centres d'accueil pour une
réunion de concertation où il fut décidé de la date
et de l'heure de rapatriement.
81TERRE DES HOMMES : Les
petites mains des carrières de pierre, Cotonou, 1998, p. 31.
82 Correspondances
N°027/CHB/YDE/OU du 17/9/04 entre le Consul honoraire du Bénin
à Yaoundé.
Ainsi, lorsque les autorités compétentes du
Gabon ou du Nigéria effectuent des descentes dans les ménages ou
les carrières, elles récupèrent tous les enfants qu'elles
y trouvent. Après leur récupération, elles les conduisent
au poste afin d'établir leur identité pour constitution de
dossiers. Par la suite, elles avertissent les ambassades des pays d'origine des
enfants récupérés.
Dans le cas du Bénin, lorsque l'Ambassade est ainsi
saisie, elle envoie une correspondance aux autorités béninoises
pour les informer de la situation.
Elle en informe particulièrement le Ministère
des Affaires Etrangères et de l'Intégration Africaine (MAEIA) qui
à son tour saisit le Ministère de la Famille, de la Protection
Sociale et de la Solidarité (MEPSS). A ce niveau, il revient à la
Direction de la Famille, de l'Enfance et de l'Adolescence (DFEA) de prendre les
dispositions nécessaires afin que le rapatriement s'effectue sans
difficultés. Pour ce faire, une correspondance est envoyée aux
centres d'accueil et aux ONG qui s'occupent des enfants et également
à la Brigade de Protection des Mineurs (BPM).
Souvent, les ministères de l'intérieur, de la
justice et des Affaires étrangères sont associés dans la
mise en oeuvre du processus.
Lorsque toutes ces structures sont informées de la
situation, une réunion de concertation est tenue entre elles afin de
définir une stratégie commune pour faciliter le rapatriement et
pour que les enfants ne soient pas traumatisés. Ainsi, chaque structure
connaît le rôle qu'elle doit jouer le jour du rapatriement.
Le jour du rapatriement, les différentes structures
ci-dessus énumérées se rencontrent à la
frontière pour accueillir les enfants mais surtout pour constater les
faits et procéder aux premiers soins qu'il est souvent
nécessaire d'apporter aux enfants. Après quoi, ils sont
envoyés à la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) où
les agents s'occupent des formalités administratives afin de
légaliser leurs actes et d'avoir dans les archives le nombre d'enfants
accueillis et les différents centres qui s'en sont occupés.
Ainsi, chaque structure (centre d'accueil et ONG) prend en charge un certain
nombre d'enfants selon ses moyens et selon des critères d'admission
propres.
Par exemple, l'ONG « Terre des
hommes » s'occupe des enfants de 0 à 14 ans.
83 Les centres de l'Archevêché de Cotonou prennent
en charge, en plus des petits enfants, les plus âgés
c'est-à-dire les enfants de plus de 14 ans. Avec l'appui du Bureau
Central d'Analyse Technique (BCAT) et de l'IPEC (International Program for
Elimination of Child Labour), la BPM arrive à s'en sortir à
mener à bien ces activités.
Le rapatriement a eu lieu le 10 novembre 2004 à
l'Aéroport de Cadjèhoun. Il y avait les accompagnateurs de
Fabricia, âgée de 11 ans, les agents de la BPM qui étaient
sous la direction du Commissaire et les agents du Centre d'écoute et
d'orientation (CEO) d'Abomey-Calavi. L'adresse des parents de Fabricia
étant déjà mentionnée sur la correspondance de
l'Ambassadeur, il n'a pas été difficile de les retrouver dans un
village de Pobè.
Le rapatriement étant élucidé, il reste
à s'intéresser au processus de réinsertion qui fait suite
à celui du rapatriement.
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