B/ Réinsertion: Procédure.
Elle consiste non seulement à réintégrer
l'enfant dans une famille d'accueil mais à identifier avec lui un projet
qui aboutira à son insertion dans la société. Ce projet
peut être un retour à la vie scolaire qui devra être
couronnée par un diplôme ou une mise en apprentissage qui devra
aboutir à l'obtention de diplôme et à l'installation d'un
atelier. La réinsertion est donc un processus qui inclut la
réintégration de l'enfant. C'est plus exactement l'action de
réintroduire l'enfant dans un milieu afin de lui permettre un
épanouissement dans la société ; de ne pas être
un étranger dans son propre environnement et de ne pas se sentir
marginalisé. Dès lors, les Etats s'engagent à favoriser
cette réinsertion.
83 TERRE DES HOMMES : Les
petites mains des carrières de pierre, Cotonou, 1998, p. 28.
C'est dans cette optique que l'article 39 de la Convention
relative aux droits des enfants stipule que « les Etats parties
prennent toutes les mesures appropriées pour faciliter la
réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale
de tout enfant victime de toute forme de négligence, d'exploitation ou
de sévices, de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, ou de conflits armés. Cette
réadaptation et cette réinsertion se déroulent dans des
conditions qui favorisent la santé, le respect de soi et la
dignité de l'enfant ». 84
Il faut par ailleurs noter qu'il existe plusieurs types de
réinsertion à savoir : la réinsertion familiale, la
réinsertion scolaire et la réinsertion socioprofessionnelle.
En d'autres termes, la réinsertion permet à
l'enfant de retrouver sa valeur dans la société, de se
réconcilier avec son milieu d'origine et de s'intégrer.
L'objectif de la réinsertion est donc le rétablissement des liens
familiaux de l'enfant, de sa dignité en vue de son épanouissement
et pour lui assurer un avenir meilleur. Ceci nous amène à nous
intéresser au processus même de la réinsertion.
La réinsertion d'un enfant se déroule au minimum
à deux niveaux : au niveau de l'enfant et au niveau des acteurs du
milieu où il sera réinséré. Pour qu'il y ait une
bonne réinsertion, l'intervenant social doit d'abord identifier la
situation de crise qui pourrait exister entre l'enfant et son milieu de
départ et dans la mesure du possible la désamorcer.
Ensuite, il doit identifier le milieu de réinsertion de
l'enfant, ses caractéristiques économiques, ses
possibilités à termes etc. et surtout chercher à savoir si
la situation de crise ayant amené l'enfant à se retrouver dans un
centre d'accueil ne pourrait pas se reproduire. Replacer un enfant dans une
famille alors que les problèmes économiques et sociaux qui ont
amené les parents à « vendre » ou à
« placer » cet enfant n'ont pas disparu peut poser
problèmes. L'intervenant social doit également prendre contact
avec les acteurs de la réinsertion, la famille naturelle ou d'accueil,
l'école ou l'atelier, la BPM, les ONG et voir avec chacun d'eux quel
rôle ils pourraient jouer dans le bon déroulement de la
réinsertion.
84 Article 39 de la Convention
relative aux droits des enfants
Il doit enfin oeuvrer à concilier les voeux de l'enfant
avec ceux de sa famille et de son milieu de réinsertion. Il doit tout
faire pour que le jour de la réinsertion formelle, aucun problème
ne se pose, qu'au contraire l'enfant se sente soutenu et encouragé dans
sa démarche. C'est donc à l'intervenant social d'évaluer
toutes les chances de réussite de la réinsertion. Celle-ci doit
s'accompagner d'une sensibilisation du milieu d'accueil afin que l'enfant ne
soit pas constamment stigmatisé.
Qu'en est-il de l'expérience béninoise en
matière de réinsertion ?
Au Bénin, le processus de réinsertion se fait
entre les centres d'accueil et les enfants. En effet, lorsque les centres
reçoivent les enfants de la BPM, ils les hébergent, les
nourrissent et travaillent à leur redonner confiance. L'enfant est
dès cet instant confié à un animateur du centre qui essaie
d'en savoir un peu plus sur lui. Mais il faut dire que chaque centre a ses
méthodes et ses principes.
Par exemple, à « Terre des
hommes » qui est une structure qui s'occupe de la réinsertion
et de la protection des enfants victimes de trafic et de maltraitance, les
enfants sont reçus entre 0 et 14 ans. Dans ce centre, il y a une
différence entre une réintégration et une
réinsertion. Pour les agents, la réintégration consiste
à remettre les enfants à leurs parents dans leur ancien milieu de
vie sans aucun suivi. Or la réinsertion, quant à elle, consiste
à suivre l'enfant après son retour dans sa famille
d'origine ; c'est-à-dire qu'il y reçoit la visite
régulière des animateurs qui l'aident à vite
s'intégrer. Ce suivi s'étend sur un an. Après la
période de suivi, l'enfant est supposé n'avoir plus de
problème de réintégration et être à
même de connaître ses droits. Dès cet instant, on parle de
réinsertion. 85
Quant aux centres d'écoute et de formation de
l'Archevêché de Cotonou, ils s'occupent de toutes les
catégories d'enfants. Par exemple, le centre de formation d'
« Omo loto » s'intéresse aux jeunes du quartier
désirant apprendre un métier (ceux-ci ne sont donc pas des
internes).
85 TERRE DES HOMMES : Les
petites mains des carrières de pierre, Cotonou, 1998, p. 33.
Le centre d'écoute et d'orientation de Sainte Rita
prend en charge surtout les enfants victimes de trafic et de maltraitance qui
attendent d'être réinsérés dans leur famille ou
d'être scolarisés.
C'est aussi le cas du centre ARMOIRITE d'Abomey-Calavi
où les enfants sont hébergés en attendant soit de
retrouver leurs parents, soit d'être scolarisés ou de trouver un
centre d'apprentissage. C'est à la formation des jeunes garçons
que s'attelle l'Atelier Saint-Joseph. Il leur donne une formation technique en
menuiserie, radiographie, dépannage etc.
Ainsi, pour ces centres, il y a réinsertion dès
lors qu'il y a remise aux parents. Il n'empêche que leurs agents aussi
effectuent des visites périodiques dans le but de suivre
l'évolution de l'enfant dans son milieu de réinsertion.
Il est à mentionner que pendant leur séjour dans
les centres, les enfants sont bien soignés tandis que les animateurs
s'évertuent à leur trouver le meilleur mode de réinsertion
possible.
Grâce à ce processus de réinsertion et
avec l'aide de l'UNICEF, de l'IPEC et de la Banque Mondiale, « Terre
des Hommes » a réussi à réintégrer 100%
des 80 enfants qu'elle a reçus en 2003 au bout de trois mois, et
réinsérer 65% au bout d'un an. Leur objectif pour les
années à venir est de pouvoir réduire d'au moins 90% le
trafic des enfants dans les zones pourvoyeuses d'enfants au Bénin.
86
On voit donc que la réinsertion n'est pas une
démarche aisée et qu'elle peut présenter des
difficultés non négligeables.
La plus grande difficulté à laquelle l'on est
confronté dans le processus de réinsertion est le manque de
centre d'accueil suffisant.
En effet, lorsque les enfants sont rapatriés et qu'ils
sont confiés à la BPM, il va faut bien les répartir dans
les divers centres d'accueil. Or, ces centres sont presque inexistants, sinon
que ceux qui existent sont en nombre insuffisant et souffrent bien souvent d'un
manque d'infrastructures et de places pour accueillir un grand nombre
d'enfants.
86 TERRE DES HOMMES : Les
petites mains des carrières de pierre, Cotonou, 1998, p. 34.
De même, on peut citer comme autre difficulté le
désengagement de l'Etat. Ce désengagement se traduit par le
manque de vision et d'implication de l'Etat dans le processus de
réinsertion. Ainsi, on constate qu'après la réinsertion
des enfants, l'Etat ne les suit plus aux fins de voir dans quelles mesures
améliorer leurs conditions de vie ou dans quelles mesures aider les
centres d'accueil à mieux s'occuper d'eux.
De plus, l'inexistence de structures étatiques dans ce
domaine explique la légèreté avec laquelle les enfants
sont pris en charge. Cet état de choses est aggravé par l'absence
d'une vision étatique prospective de la réinsertion dans la
mesure où depuis le début du processus de rapatriement, aucune
structure n'a été mise en place par l'Etat. De même, aucun
projet n'est prévu à cette fin. Ceci révèle le
manque d'engagement de l'Etat face aux problèmes sociaux et surtout face
aux problèmes des enfants. Or, dans les conventions internationales y
afférentes, il est fait obligation aux Etats qui s'engagent à cet
effet pour d'assurer le bien-être et la protection des enfants. Ce manque
d'engagement des Etats pourrait être traduit comme l'une des
conséquences de l'inexistence de mesures coercitives et
répressives dans les conventions et traités internationaux.
A toutes ces difficultés, s'ajoute celles liées
au manque de coopération des parents des enfants victimes de trafic. En
effet, il faut dire que lorsque les enfants sont placés dans les centres
d'accueil, l'on estime que certains d'entre eux pourraient retrouver à
terme leurs parents. Or, ce n'est pas le cas souvent car certains parents
refusent de recevoir leurs enfants ou pis encore, font semblant de ne pas les
reconnaître. Ceci peut s'expliquer par le fait que les parents vivent
toujours la même pauvreté ambiante qui les a poussés
à envoyer leurs enfants travailler à l'extérieur. Cet
état de choses peut créer un trouble psychologique chez l'enfant
et l'amener à préférer retourner dans le pays de
provenance ou, dans les cas extrêmes, devenir un enfant de la rue ou
s'adonner au banditisme.
Une se pose donc : comment convaincre un enfant qui a
déjà le goût de l'aventure de rester dans son pays pour y
construire son avenir ?
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