II.2.3. La reprise économique : de la
dévaluation du FCFA à l'atteinte du point
d'achèvement de l'initiative PPTE
L'ajustement du taux de change de janvier 1994 a
été l'un des facteurs clés du renversement de la situation
économique du Cameroun. Le secteur des biens échangeables a
répondu favorablement au changement des prix relatifs comme l'a
démontré l'expansion des exportations, lesquelles sont
passées de 1737 millions de $US en 1994 à 2048 millions en 1996
(Tableau 3 et Figure 3). Parallèlement, le manque de vitalité de
la demande intérieur résultant de la chute marquée du
revenu disponible a contribué à fléchir les importations.
Le taux de croissance en termes réels est redevenu positif au cours du
deuxième trimestre de 1994, même si l'inflation mesurée par
l'indice des prix à la consommation à Yaoundé s'est
élevée à 48%.
Les finances publiques ne sont pas restées en marge et
l'on y a noté une hausse des recettes budgétaires, lesquelles
sont passées à 648 milliards de FCFA en 1995 et à plus de
1100 milliards en 1996, soit près du double du niveau d'avant
dévaluation. Dans l'ensemble, l'impact de cette dévaluation sur
les agrégats a été significatif. Ainsi, dès le
premier semestre de l'exercice 1994 / 95, on notait (Fambon et al, 2005) :
- Une amélioration des activités agricoles
liée à la forte demande étrangère à des prix
intéressants et aussi aux effets de la libéralisation qui
permettent aux producteurs de bénéficier directement des
retombés de l'embellie des cours mondiaux ;
- La progression des exportations aussi bien des produits
d'origine agricole que des produits industriels à forte utilisation des
matières premières locales ;
- L'expansion du transport ferroviaire et portuaire ;
- L'amélioration des recettes fiscales ;
- Le payement de la dette publique intérieure ;
- La reprise des investissements.
Mémoire présenté et soutenu
publiquement par NGOUDJI TAMEKO Charlie Yves en vue de l'obtention du
Diplôme 32 d'Etudes Approfondies ( DEA) en
Economie Mathématique et Econométrie
Tableau 3 : Evolution de quelques
agrégats macroéconomiques au Cameroun après les PAS (en
million de $US)
Période
|
PIB
|
Exportations
|
Importations
|
Consommation
|
Investissement (%PIB)
|
Epargne (%PIB)
|
1995
|
7 963
|
2 045
|
1 645
|
6 399
|
15
|
20
|
1996
|
9 108
|
2 048
|
1 867
|
7 528
|
15
|
17
|
1997
|
9 115
|
2 306
|
2 041
|
7 375
|
16
|
19
|
1998
|
8 686
|
2 306
|
2 176
|
7 032
|
18
|
19
|
1999
|
9 187
|
2 241
|
2 268
|
7 496
|
19
|
18
|
2000
|
8 879
|
2 729
|
2 383
|
7 073
|
16
|
20
|
2001
|
8 591
|
2 736
|
2 506
|
6 836
|
18
|
20
|
2002
|
9 855
|
2 704
|
2 852
|
8 197
|
18
|
17
|
2003
|
12 491
|
3 189
|
3 173
|
10 354
|
17
|
17
|
Source : Compilé par l'auteur à
partir des données de la BM 2005
Figure 3 : Evolution graphique de quelques
agrégats macroéconomiques au Cameroun entre 1995 et 2003
20
15
10
5
0
15000
10000
5000
0
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
PIB au prix du marché entre
1995-2003 (million de $US courant)
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Importations totales entre 1995-2003 (million de $US
courant)
Investissement intérieur brut entre
1995- 2003 (%GDP)
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
21
20
19
18
17
16
15
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
12000
10000
8000
6000
4000
2000
0
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Exportations totales entre 1995-2003 (million de $US
courant)
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Consommation totale entre 1995-2003 (million de $US
courant)
Epargne intérieure brute (%GDP)
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Source : Construit par l'auteur à partir
des données du Tableau 3
Mémoire présenté et soutenu
publiquement par NGOUDJI TAMEKO Charlie Yves en vue de l'obtention du
Diplôme 33 d'Etudes Approfondies ( DEA) en
Economie Mathématique et Econométrie
Avec la dévaluation de janvier 1994, le Cameroun a
enregistré un regain de croissance avec des taux avoisinant 4 à
5% or la croissance démographique n'a été que de l'ordre
de 2,7% sur la période, ce qui implique un accroissement du PIB par
habitant compris entre 1,5% et 2,7%. Depuis 1996, le Cameroun connaît des
résultats satisfaisants avec un taux de croissance supérieur
à 4% et une inflation modérée (inférieure à
3%). Ce taux va atteindre 5% en 2002 / 03, ceci dû à
l'accroissement des exportations dont la moyenne est de 5,7% en volume et 8,7%
en valeur. Le pays présente en outre des statistiques éducatives
et médicales meilleures que celles des autres pays d'ASS.
La forte hausse du cours du baril en 2000 a renforcé le
poids du pétrole dans l'économie camerounaise en doublant
quasiment la contribution de celui-ci au PIB courant. Elle est passée de
5,6% en 1998 / 99 à presque 11,5% en 2000 / 01. Cette hausse des prix
marque néanmoins un repli net du secteur en volume (-4,7%). Au sein du
secteur secondaire, le bâtiment et travaux publics et le secteur
manufacturier ont connu une croissance appréciable en 2000 liée
à la reprise de l'investissement public et à la remise à
niveau de la consommation (Banque Africaine de Développement, BAD,
2004). C'est cependant le secteur tertiaire qui semble avoir apporté la
contribution la plus conséquente à la croissance du PIB en 2000 /
01 avec une statistique de 4,5% sur les 5,4% enregistrés au total. Avec
la crise économique, le secteur informel a pris une importance
croissante au Cameroun.
A partir de 2000 / 01, la croissance non
pétrolière est soutenue essentiellement par la demande interne.
Les améliorations de salaires dans la fonction publique (suite à
l'épurement progressif des arriérés et aux hausses de 1997
et 2000) ont parallèlement permis une certaine relance de la
consommation. L'investissement a amorcé son redressement passant de
16,5% en 1993 à 18,3% en 2001 / 02 pour retomber à 17,3% en 2002
/ 03. Cette reprise est cependant réduite en raison de la stagnation des
revenus agricoles et d'un chômage urbain important.
Depuis juillet 1997, année de la signature d'une
FASR, Facilité d'Ajustement Structurel Renforcée
triennal (juillet 1997 / juin 2000), avec le Fonds Monétaire
International, FMI, le pays a accompli de réels efforts
d'ajustement. Une nouvelle FRPC, Facilité pour la Réduction de la
Pauvreté et la Croissance, signée avec le FMI en décembre
2000 pour 3 ans (octobre 2000 / septembre 2003) ainsi que le troisième
crédit d'ajustement structurel de la
Mémoire présenté et soutenu
publiquement par NGOUDJI TAMEKO Charlie Yves en vue de l'obtention du
Diplôme 34 d'Etudes Approfondies ( DEA) en
Economie Mathématique et Econométrie
Banque Mondiale permettent de poursuivre le soutien à
la croissance et aux réformes structurelles, orientées
désormais vers la lutte contre la pauvreté. Les réformes
structurelles sont destinées, dans un souci d'efficacité,
à libéraliser certains secteurs, notamment via un programme de
privatisations, et à stimuler l'initiative privée. Les
privatisations de la Socapalm, de Camsuco, d'Hévécam, de Camrail
et de la Sonel (Electricité) ont ainsi déjà
été menées à terme. La libéralisation du
secteur des télécommunications a conduit à l'attribution
de deux licences de téléphonie mobile. Reste à
présent à accélérer le processus de privatisation
d'entreprises stratégiques: Snec (eau), Camtel (téléphonie
fixe), CDC (agroindustrie) et CAMAIR (transport aérien).
Ainsi, après dix années de récession
ininterrompue (1985-1995), l'économie
camerounaise croît depuis 1996 au rythme moyen de 4,5%
l'an. Ce retournement de tendance,
ajouté à un net redressement des finances
publiques est intervenu dans un contexte marqué
par les principaux faits suivants (Agence Française de
Développement, AFD, 2002) :
- Remise d'un Document de Stratégie de Réduction
de la Pauvreté (DSRP) provisoire en août 2000 et franchissement du
point de décision pour l'initiative Pays Pauvres Très
Endettés (PPTE) renforcée le 11 octobre 2000. Le DSRP
définitif a été remis en novembre 2002 et le point
d'achèvement a été atteint en avril 2006,
- Signature d'un accord de rééchelonnement du
Club de Paris le 23 janvier 2001,
- Accord du Club de Londres en mai 2002 pour le rachat de la
dette commerciale avec décote.
Lancée au Sommet du G7 à Lyon en septembre 1996,
l`initiative de réduction de la dette en faveur des Pays Pauvres
Très Endettés, a pour but de venir en aide à ces pays afin
qu`ils retrouvent certaines marges de manoeuvre budgétaire pour mener
à bien des programmes de lutte contre la pauvreté. C'est ainsi
que les 37 milliards dont a bénéficié le Cameroun par
l'atteinte du point d'achèvement vont être dirigés sur
l'amélioration des infrastructures afin de rehausser l'économie
du pays.
La réhabilitation des infrastructures, dont l'entretien
avait été laissé à l'abandon durant la
décennie de la crise, constitue aussi un enjeu majeur pour
l'économie camerounaise via l'abaissement du coût des transports.
Avec le soutien de plusieurs bailleurs de fonds et la mise en place d'un fonds
routier destiné à assurer les coûts récurrents, le
réseau routier s'étend et sa gestion s'organise. Les populations
ont d'ailleurs souligné l'importance de l'amélioration des
Mémoire présenté et soutenu
publiquement par NGOUDJI TAMEKO Charlie Yves en vue de l'obtention du
Diplôme 35 d'Etudes Approfondies ( DEA) en
Economie Mathématique et Econométrie
infrastructures dans la lutte contre la pauvreté. Les
dépenses qui sont entrain d'être engagées dans ce secteur
dans le cadre de l'initiative PPTE contribuent notamment au
désenclavement des zones rurales et à la réhabilitation
des voiries de Yaoundé et Douala. La libéralisation de certaines
activités du port de Douala et la mise en place du Guichet Unique des
opérations du Commerce Extérieur (GUCE) devraient en outre
favoriser l'abaissement des coûts de transport et de transit
internationaux.
La reprise d'une santé économique doit
être suivie d'une justice distributive qui contribue à
l'efficacité économique. Il est donc nécessaire de savoir
comment a évolué la répartition des revenus au Cameroun
durant ces périodes.
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