II.3. Inégalité et polarisation au
Cameroun
La longue et profonde crise socio-économique du milieu
des années 80 a eu pour conséquence majeure la montée des
disparités dans la redistribution dans l'ensemble des pays d'ASS.
II.3.1. Disparités dans la distribution des
revenus et l'inégalité au Cameroun
Le Cameroun n'a pas été épargné
par la recrudescence des disparités dans la distribution des revenus,
caractéristique d'inégalités. Les valeurs des indices de
Gini de 0,42 et de Theil = 0,297 (pour alpha = 0) montrent clairement que
l'inégalité est réelle même si comparativement aux
autres pays à l'instar de la Côte d'Ivoire15, le
Cameroun est plus égalitaire.
En effet, pour l'ensemble du pays, les dépenses totales
réelles par équivalent-adulte des ménages ont
diminué d'environ 40% entre 1984-1996 suivant ainsi la même
tendance que la croissance négative du PIB observée pour la
même période. La répartition régionale suit la
même tendance. La profonde crise a appauvri davantage le Cameroun. Le
pourcentage de la population vivant en dessous du seuil de
pauvreté16 a augmenté de 40% en 1984 à 53,3% en
1996 avant de retomber à 40,2% en 2001 du fait de la reprise
économique de l'après dévaluation. Cette lente
réduction du niveau de pauvreté n'a pas été suivie
par une réduction des inégalités. Le coefficient de Gini
montre que malgré le ralentissement de la pauvreté, les
15 La valeur de l'indice de Gini pour la Côte
d'Ivoire est de 0,44 calculé sur la base de l'enquête ivoirienne
LSMS (Glewwe, 1986, 1991).
16 Les seuils de pauvreté ont varié de
68 800FCFA en 1984 à 185 490FCFA en 1996 et 232 547FCFA en 2001. Ces
seuils ont été estimés à partir de la consommation
des ménages à différentes périodes
concernées.
Mémoire présenté et soutenu
publiquement par NGOUDJI TAMEKO Charlie Yves en vue de l'obtention du
Diplôme 36 d'Etudes Approfondies ( DEA) en
Economie Mathématique et Econométrie
inégalités sont demeurées constantes et
ont dans certains cas augmenté (Tableau 4). Par exemple, en 1996, les
20% plus riches de la population ont consommé sept fois plus que les 20%
les plus pauvres. En 2001, le ratio était de huit pour un.
Tableau 4 : Inégalité des
revenus : Indice de Gini et dépense moyenne par quintile
Indice de Gini
|
1996
|
2001
|
Urbain
|
Rural
|
Total
|
Urbain
|
Rural
|
Total
|
0.449
|
0.345
|
0.406
|
0.406
|
0.369
|
0.408
|
Dépense moyenne par quintile (CFA francs)
|
Pauvres (plus bas 20%)
|
77,824
|
80,398
|
79,724
|
94,166
|
83,956
|
85,495
|
Riches (plus haut 20%)
|
663,805
|
491,856
|
585,168
|
758,960
|
600,618
|
693,882
|
Total
|
332,421
|
200,805
|
243,240
|
408,115
|
233,734
|
294,403
|
Source : INS (2002), Rapport sur la
pauvreté au Cameroun entre 1996 et 2001
L'observation spatiale du Cameroun montre une importance
relative des inégalités en milieu urbain comparativement à
l'inégalité en milieu rural et à l'inégalité
totale (Tableau 4). Yaoundé et Douala sont des régions avec de
fortes inégalités. La situation inégalitaire s'est
améliorée en milieu urbain mais s'est
détériorée davantage en milieu rural en termes de
fluctuation. Cependant, l'inégalité est restée
prépondérante en milieu urbain. Ceci s'explique en partie par
l'exode rural qui suscite une ruée vers les villes des populations
pauvres et sans qualification qui viennent s'agrouper dans des quartiers
périphériques avec une misère galopante.
II.3.2. La disparition de la classe intermédiaire
et la polarisation au Cameroun
La disparition de la classe intermédiaire, surtout dans
les grandes villes (Yaoundé et Douala) où l'on observe une
poussée des bidonvilles à côté des quartiers
résidentiels, est devenue un phénomène réel au
Cameroun.
La situation distributive du Cameroun montre une concentration
de la quasi-totalité des revenus entre les mains des 20% plus riches de
la population. La situation des dépenses vient confirmer cette
concentration et l'on remarque aisément que les plus riches consomment
sept fois plus que les plus pauvres (1996) et huit fois plus en 2001. Cette
concentration des revenus et dépenses sanctionnent une disparition
presque réelle de la tranche de population à revenus moyens. La
polarisation place beaucoup d'emphase sur la concentration. Plusieurs
Mémoire présenté et soutenu
publiquement par NGOUDJI TAMEKO Charlie Yves en vue de l'obtention du
Diplôme 37 d'Etudes Approfondies ( DEA) en
Economie Mathématique et Econométrie
phénomènes, comme la disparition de la classe
intermédiaire et la concentration aux extrémités de la
distribution, peuvent être décrits comme la polarisation (Zhang et
Kanbur, 2001).
Au Cameroun, la concentration aux deux
extrémités de la distribution est devenue réelle, et, la
disparition de la classe intermédiaire un fait. La montée des
comportements malsains tels la corruption et autres vices de la
société camerounaise a favorisé la disparition de la
classe des populations à revenus moyens, ce qui insinue une
recrudescence du phénomène de la polarisation. La polarisation
est plus importante en milieux urbain et semiurbain que dans le pays entier
(Tableau 5). Celle-ci a pris de l'ampleur en milieu rural et a fortement
baissé en milieu semi-urbain.
Tableau 5 : Polarisation dans la distribution
des niveaux de vie au Cameroun
Mesure
|
Périodes
|
Indice de Wolfson
|
1996
|
2001
|
Urbain
|
Semi-Urbain
|
Rural
|
Total
|
Urbain
|
Semi-Urbain
|
Rural
|
Total
|
0.392
|
0,398
|
0,248
|
0,360
|
0.326
|
0,293
|
0,280
|
0,335
|
Source : Baye, M. F. (2008)
Contrairement à la situation inégalitaire qui
s'est détériorée au Cameroun, la polarisation a
baissé et cette baisse est attribuable aux milieux urbain et
semi-urbain. Ces deux phénomènes diffèrent de part leur
évolution au niveau du pays tout entier mais sont similaires de part
leur baisse et leur augmentation simultanées respectivement en milieu
urbain et rural.
II.4. Conclusion
En somme, la pauvreté qui sévit au Cameroun
depuis la crise des années 80 a été capitale pour la
poussée des inégalités entre les populations. La double
baisse des salaires a entraîné un développement des
innovations comportementales comme la corruption qui a eu un impact
énorme dans la concentration des revenus. Ces comportements malsains
contribuent à creuser l'écart entre pauvres et riches et une
concentration de la quasi-totalité des revenus entre les mains des plus
riches qui continuent de s'enrichir au détriment des plus pauvres, ce
qui amplifie la polarisation au Cameroun.
Mémoire présenté et soutenu
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Diplôme 38 d'Etudes Approfondies ( DEA) en
Economie Mathématique et Econométrie
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