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Inégalité et polarisation au Cameroun pendant et apres les programmes d'ajustement structurel

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par Charlie Yves NGOUDJI TAMEKO
Université de Yaoundé II - Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) 2008
  

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II.2.2. Le Cameroun face à la crise (1985-1993) : la nécessité des PAS

C'est dans la période d'expansion pétrolière de la production et de la consommation que se développent les facteurs de vulnérabilité structurelle de l'économie camerounaise. La progression proportionnelle des dépenses publiques induite par cette hausse des revenus pétroliers s'est traduite par une dépendance forte de l'économie à l'égard du secteur pétrolier. Cette dépendance est plus visible en raison de la croissance moins que proportionnelle des exportations du secteur non pétrolier10 du fait notamment de la tendance à la baisse des exportations agricoles traditionnelles (Tableau 2 et Figure 2). Ce phénomène connu sous le nom de « Syndrome Hollandais », bien que Aerts et al (2000) aient précisé que ses symptômes étaient encore embryonnaires au Cameroun, est venu se greffer à l'accumulation des mauvaises performances des entreprises publiques dont les subventions leur étant octroyées exerçaient une ponction grandissante sur les finances publiques (FMI, 1988)11.

9 De 1980 à 1985, le poids des dépenses de l'Etat, mesuré en part du PIB, passe de 14% à 22% tandis que les recettes augmentent de 15% à 20%, après avoir atteint un maximum de 24% en 1983 et 1984 où l'on enregistre un excédent budgétaire.

10 3% en moyenne durant la période.

11On estime à 150 milliards de F.CFA le montant des subventions versées aux entreprises publiques en 1984/85 (FMI, 1988).

Mémoire présenté et soutenu publiquement par NGOUDJI TAMEKO Charlie Yves en vue de l'obtention du Diplôme 27 d'Etudes Approfondies ( DEA) en Economie Mathématique et Econométrie

Tableau 2 : Evolution de quelques agrégats macroéconomiques au Cameroun pendant les
PAS (en million de $US)

Période

PIB

Exportations

Importations

Consommation

Investissement
(%PIB)

Epargne
(%PIB)

1984

7 802

2 612

2 418

5 571

26

29

1985

8 148

2 725

2 573

5 975

25

27

1986

10 621

2 473

2 414

7 858

26

26

1987

12 303

2 054

2 538

9 720

25

21

1988

12 493

2 003

1 994

9 873

21

21

1989

11 140

2 307

1 980

8 905

17

20

1990

11 152

2 251

1 931

8 845

18

21

1991

12 434

2 487

1 820

9 695

17

22

1992

11 396

2 342

2 087

9 512

14

17

1993

11 891

2 032

1 904

9 798

17

18

1994

7 866

1 737

1 534

6 456

15

18

Source : Compilé par l'auteur à partir des données de la Banque Mondiale 2005

Figure 2 : Evolution graphique de quelques agrégats macroéconomiques au Cameroun entre
1984 et 1994

15000

10000

5000

0

3000

2500

2000

1500

1000

500

0

PIB au prix du marché entre 1984-1994
(million de $US courant)

1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994

Importations totales entre 1984-1994
(million de $US courant)

1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994

30

25

20

15

10

5

0

1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994

Investissement intérieur brut entre 1984-
1994 (%GDP)

40

30

20

10

0

3000

2500

2000

1500

1000

500

0

12000

10000

8000

6000

4000

2000

0

1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994

Consommation totale entre 1984-1994
(million de $US courant)

Exportations totales entre 1984-1994 (million
de $US courant)

1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994

Epargne intérieure brute entre 1984-1994
(%GDP)

1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994

Source : Construit par l'auteur à partir des données du Tableau 2

Mémoire présenté et soutenu publiquement par NGOUDJI TAMEKO Charlie Yves en vue de l'obtention du Diplôme 28 d'Etudes Approfondies ( DEA) en Economie Mathématique et Econométrie

Pires encore, à partir de l'exercice fiscal 1985 / 86, le Cameroun se trouve confronté à une évolution extérieure extrêmement défavorable à la suite de la baisse persistante et concomitante du dollar12 et des cours de ses principaux produits d'exportation que sont le pétrole13, le cacao, le café et le coton. A cela s'ajoute une gestion macroéconomique laxiste. Malgré un rythme de croissance soutenu et une apparente santé financière, le Cameroun entre brutalement en crise pour n'en sortir que 10 ans plus tard à la faveur du réajustement monétaire intervenu en janvier 1994.

L'économie Camerounaise est frappée en deux ans seulement par une baisse de 40% de ses termes de l'échange globaux, après cinq années de stabilité14. La croissance du PIB baisse drastiquement en 1987, passant de 8% en termes réels en 1986 à 2,6% en 1987. Ce recul inhabituel traduit une dépression économique générée par le fléchissement total de 38% entre 1986 / 87 et 1987 / 88, avec cependant une baisse beaucoup plus prononcée pour l'investissement public (52% contre 26% pour l'investissement privé). Après un excédent record de 424 milliards de francs CFA en 1984 / 85, la balance s'équilibre en 1985 / 86 (+28 milliards de francs CFA) et enregistre un déficit de 174 milliards de francs CFA un an plus tard. Le pays ne rétablit son équilibre extérieur qu'en 1988 / 89 et cet excédent n'est définitivement acquis qu'à partir de 1990 / 91, au prix d'un ajustement « par le bas », signe plutôt d'une récession que d'une véritable amélioration de la situation économique du pays.

De 1986 / 87 à 1989 / 90, les prix à l'exportation en franc CFA des sources essentielles de revenus agricoles perdent près de la moitié de leur valeur (40% pour le cacao, entre 65 et 70% pour le café robusta et arabica). A l'opposé, plusieurs secteurs agricoles, dont la situation plutôt mauvaise dans la première moitié des années 1980 a provoqué des mesures de restructuration, résistent mieux à la crise. Il s'agit du coton dont la part dans les exportations d'agriculture de rente passe de 3,5% en 1983 / 84 à 8,6% en 1986 / 87 pour atteindre 21% en 1992 / 93. Cependant, la valeur de ces exportations demeure limitée, 26 milliards de francs CFA, soit le niveau le plus bas des exportations de cacao et de café. La

12 La dépréciation du dollar par rapport au FCFA est de l'ordre de -18% durant les deux années 1985 / 86 et l'année suivante.

13 En monnaie nationale, le prix à l'exportation des produits pétroliers perdent 42% en 1985 / 86 et à nouveau 39% l'année suivante. En dollar, la diminution du cours international du baril du pétrole atteint -29% en 1985 / 86 et -26% l'année suivante. Cette dégradation apparaît comme la conjonction de deux phénomènes concomitants : la baisse des prix exprimés en dollars sur le marché mondial et la dépréciation du taux de change nominal du dollar par rapport au franc CFA.

14 Cette baisse atteint même 50% pour les biens considérés seuls à l'exclusion des services.

Mémoire présenté et soutenu publiquement par NGOUDJI TAMEKO Charlie Yves en vue de l'obtention du Diplôme 29 d'Etudes Approfondies ( DEA) en Economie Mathématique et Econométrie

banane quant à elle, bénéficie de circonstances particulièrement favorables, en particulier le libre accès au marché européen dans la limite de 200 000 tonnes, soit une quantité trois fois supérieure au volume d'exportation enregistrée en 1984 / 85 (60 000 tonnes). La bonne tenue de ses cours sur le marché européen, jointe à l'accroissement rapide des volumes exportés à partir de 1988 / 89, fait passer la valeur de ces exportations de 6 à 26 milliards de francs CFA de 1984 / 85 à 1991 / 93 (Tableau 2 et Figure 2).

A partir de l'exercice 1987 / 88, le gouvernement met en oeuvre des sévères restrictions budgétaires. Malgré ces mesures, le retard accumulé et le recours à un refinancement extérieur se traduisent par un déficit chronique et une expansion très rapide de la dette. Les principaux rouages de l'économie camerounaise sont donc déréglés par ces chocs externes, entraînant un déséquilibre durable des finances publiques et une récession brutale dans la plupart des secteurs productifs que l'ajustement structurel ne corrigera pas. Des efforts de reformes sont entrepris au Cameroun dès 1987 et avec l'appui des organisations internationales à partir de 1988, pour résoudre les désordres macroéconomiques constatés. Il s'agit de la reforme de la fonction publique, la libéralisation du régime commercial, la liquidation et la privatisation des entreprises publiques, la restructuration du secteur bancaire, etc. Tout ceci regroupé sous l'appellation Programmes d'Ajustement Structurel (PAS).

Les PAS constituent un ensemble de dispositions dont certaines agissent sur la conjoncture et d'autres sur les structures et qui résultent d'une négociation entre un pays endetté et le FMI pour recourir à des financements de cet organisme (Azam, 1995 ; Ali, 2003). Ces crédits sont dénommés entre autres prêts d'ajustement structurel ou prêts d'ajustement sectoriel. Les PAS ont été adoptés au Cameroun en 1988, suite aux désirs du FMI, de la BM et du gouvernement de relancer l'économie en plein dans la récession. Les étapes du suivi des PAS sont appelées conditionnalités. Les institutions de Bretton Woods imposent au pays sous ajustement :

- La réduction des dépenses publiques à travers la mise en place des politiques d'austérité ;

- L'augmentation des recettes publiques par la privatisation des entreprises d'Etat : le but est soit d'élaguer les entreprises qui pèsent sur le budget de l'Etat par leurs déficits chroniques, soit de réaliser l'actif pour diminuer l'endettement pour les entreprises rentables ;

Mémoire présenté et soutenu publiquement par NGOUDJI TAMEKO Charlie Yves en vue de l'obtention du Diplôme 30 d'Etudes Approfondies ( DEA) en Economie Mathématique et Econométrie

- L'amélioration de la gouvernance : elle passe par le combat contre la corruption et la non-discrimination de l'investissement à travers l'augmentation des droits des investisseurs étrangers ;

- La mise en place des politiques de croissance en adoptant des réformes visant à supprimer les entraves au développement économique.

Les PAS ont un objectif double : la restauration de l'équilibre budgétaire, préalable à l'aménagement de la dette et le retour à la viabilité extérieure du pays. Au Cameroun, les réformes mises en place dans le cadre des PAS consistaient en :

- La réforme fiscalo-douanière qui avait pour but d'accroître les recettes fiscales par l'accroissement des taux. En fait, depuis 1994, le budget a bénéficié des réformes structurelles importantes telles la TCA (Taxe sur le Chiffre d'Affaires), introduite par la réforme fiscale et douanière de juin 1993 et remplacée par la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée) en 1999. cela a permis à la fois une augmentation et une plus grande transparence des rentrées fiscales non pétrolières.

- La réorganisation de la fonction publique et la réduction des effectifs.

- La libéralisation économique ;

- L'investissement dans l'éducation et la santé ;

- L'investissement dans les infrastructures.

Malgré ce diagnostic, ces reformes ont été lentes (à l'exception de la libéralisation des échanges) et insuffisantes pour stopper la détérioration économique. C'est ainsi que la persistance des difficultés aggrava le solde de la balance courante en 1990 et l'effort de fiscalisation initié conduisit à un amenuisement des recettes budgétaires qui baissèrent de 50 milliards de FCFA en valeur absolue entre 1989 et 1990. Au total, le PIB se contracta de plus du quart entre 1984 et 1993 et le revenu réel par tête de plus de la moitié tandis que le taux d'investissement brut chutait de près de 27% à moins de 11%. Compte tenu des résultats mitigés obtenus sur le front de l'ajustement réel, le recours au réaménagement du dispositif monétaire de la zone Franc s'avérait indispensable pour le rétablissement de la croissance.

Les besoins de financement public et extérieur ont été tout juste stabilisés en francs courants à des niveaux très élevés ; la dette extérieure représente plus de deux ans d'exportation, la dette publique plus de trois ans de recettes fiscales. L'une et l'autre continuent de s'accroître rapidement malgré les annulations par le Club de Paris et les remises

Mémoire présenté et soutenu publiquement par NGOUDJI TAMEKO Charlie Yves en vue de l'obtention du Diplôme 31 d'Etudes Approfondies ( DEA) en Economie Mathématique et Econométrie

dues à l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative pour les Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). La production stagne, l'emploi régresse alors que les demandes non satisfaites s'accroissent à tous les niveaux de qualification.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius