Etude d'impact environnemental en droit français et camerounais( Télécharger le fichier original )par Faustine Villannaeau FOTSO CHEBOU KAMDEM Université de Limoges - Master II en Droit International Comparé de l'Environnement (DICE) 2009 |
CHAPITRE III. L'ELABORATION DE L'EIE DANS LES DEUX PAYS.L'élaboration de l'EIE est réalisée par le maître d'ouvrage45(*). Il s'agit de la personne physique ou morale qui initie un projet et demande l'autorisation de le mettre en oeuvre. Le maître d'ouvrage peut être public46(*), parapublic47(*) ou privé48(*). Dans le cadre de la conduite du projet, c'est à lui qu'incombe la charge de tous les coûts afférents49(*). En raison de la technicité de la matière, le promoteur fait donc recours aux bureaux d'étude pour la rédaction de l'EI51(*). En tout état de cause, le rédacteur de l'EI doit obligatoirement introduire un minimum d'informations dans le dossier d'étude d'impact qu'il soumettra à l'administration pour son approbation. Au Cameroun comme en France, certains éléments des directives obligatoires du contenu de l'EI sont identiques. Ce sont ces éléments que nous avons qualifiés de contenu de droit commun dans cette étude. D'autres éléments, par contre, sont le fruit d'une réglementation propre à chacun des systèmes juridiques en étude. Nous avons examiné plus haut qu'il existe une catégorisation des EI. Aussi, le rédacteur de l'EI prêtera attention au contenu du dossier d'EI selon qu'il sera confronté aux véritables études d'impact ou aux études d'impact allégées. La vigilance du rédacteur de l'EI sera également appelée dans les deux systèmes juridiques en fonction des secteurs d'activités dont le contenu du dossier présente des particularités. Cependant, avant la rédaction du contenu du dossier d'EI, il est incontournable de répondre à la question suivante : quelles sont les matières assujetties à une EI ? Il s'agit là d'une question préalable que tout promoteur doit se poser avant le déclenchement de la procédure administrative révolutionnaire qu'est l'EI. La réponse à cette question guidera le promoteur sur l'étendue de ses obligations52(*) dans le déclenchement de l'EI. Pour rendre compte en détail de ce qui précède, notre analyse s'articulera autour du domaine de l'EIE et de son contenu. Section I. Le domaine de l'étude d'impact.La France53(*) et le Cameroun sont deux pays à niveau de développement très différent. Ils n'ont donc pas dans une large mesure les mêmes problèmes infrastructurels. Les problèmes de développement que le Cameroun présente aujourd'hui ont été dépassés en France depuis des décennies. A contrario, certains problèmes de développement ou d'aménagement54(*) dont la France fait face ne sont pas inscrits dans l'agenda du Cameroun. Dès lors, il apparaît que les matières qui sont assujetties à une EI dans un pays ne seront pas forcément soumises dans l'autre. C'est pourquoi dans le cadre de l'étude comparée des systèmes juridiques, le juriste environnementaliste doit comparer plutôt les critères qui permettent d'assujettir ou de dispenser une matière de la procédure préventive d'EIE dans chaque contexte. Nous remarquerons alors que le principe de la soumission de tous les travaux à l'EI est identique, mais les critères de soumission à la procédure d'EI ainsi que l'application pratique de ce principe sont distincts dans les deux pays. ParagrapheI. Les critères de soumission des travaux à l'EIE. Pour identifier les travaux qui doivent être soumis à l'EI, l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976 et l'article 17 de la loi du 05 août 1996 imposent le même critère. Mais la réglementation française est allée plus loin que la loi du 10 juillet 1976 en mentionnant d'autres critères absolument inexistants dans le droit camerounais. A. Les critères applicables dans les deux pays. Il s'agit en l'occurrence du critère de l'importance de la dimension ou de l'incidence du projet sur l'environnement et celui de la faiblesse de la répercussion du projet sur l'environnement. 1. Le critère de la nature ou de l'incidence du projet sur l'environnement.Le principe posé par la loi est que tous les travaux ou ouvrages sont soumis à EI. De manière plus pratique, le système juridique des deux pays établit la règle selon laquelle il y'a toujours étude d'impact, sauf dispense expresse. Pour l'application de ce principe, les législateurs français et camerounais ont retenu deux critères alternatifs : l'importance ou la nature des ouvrages ou leur incidence sur le milieu naturel. L'appréciation de la nature ou de l'importance des travaux étant une question qui devait être traitée au cas par cas, le droit en vigueur dans les deux pays a opté pour une énumération des travaux jugés d'office importants. S'agissant du second critère, son utilisation s'avère très difficile, car pense Prieur55(*) : « il pose comme principe de soumission à étude d'impact ce qui sera le résultat même de l'étude d'impact ». Et Prieur de s'interroger : « car comment savoir a priori si l'ouvrage aura des incidences sur le milieu naturel sans avoir pu scientifiquement l'établir par une étude préliminaire ? » Nous pensons donc, comme souligne cet auteur, qu'il s'agit là d'un vice fondamental du système, qui rend quelque peu artificielle et aléatoire la méthode de choix des matières à soumettre à l'étude d'impact. * 45 Il faut noter qu'il y'a une distinction entre maître d'ouvrage et maître d'oeuvre. En effet, ce dernier désigne la personne physique ou morale à laquelle le maître d'ouvrage confie la conception du projet et la direction de l'exécution des travaux. * 46 Il peut s'agir des ministères, des collectivités territoriales, des démembrements ministériels etc... * 47 Généralement des sociétés d'économie mixte * 48 Entreprises privées sous toutes les formes sociales * 4950 Il s'agit notamment de l'étude de milieu, analyse et enquête, rédaction et diffusion du rapport de l'EI. * 51 En France, la rédaction de l'EI par un bureau d'étude est une faculté alors qu'au Cameroun c'est une obligation, V. infra, P.39 * 52 S'il s'agit d'un projet de moindre importance, le promoteur verra ses obligations allégées. V. infra * 53 La France fait partie des pays les plus puissants alors que le Cameroun est un pays en voie de développement. * 54 A titre d'illustration, les laboratoires souterrains destinés à étudier l'aptitude des formations géologiques aux stockages des déchets radioactifs ne sont même pas encore envisagés au Cameroun alors qu'il s'agit là d'un projet qui sera soumis à une EI en France au regard de l'annexe III du Décret de 1977. * 55 M.Prieur, Op.cit, n°90, P.80 |
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